Les Evêques et Vichy

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INTRODUCTION

En mai 1942, il y a 80 ans, la hiérarchie de l’Église catholique de France envoyait à toute la population un tract au sujet de la Seconde Guerre mondiale. Le document qui suit, exhumé par le porte-parole de l’Association internationale de la Libre Pensée, Keith Porteous Wood, donnait l’ordre de faire allégeance au maréchal Pétain, marionnette d’Hitler et des nazis. Il reste peu de gens qui savent que l’Église catholique est intervenue pendant la Seconde Guerre mondiale, et encore moins quelle forme cette intervention a prise. Les générations actuelles et futures doivent être informées de ce que l’Église catholique, qui prétend être la gardienne de la conscience de la France et de son autorité morale, a fait pendant les heures les plus sombres de la France.

Le document impose un devoir religieux d’allégeance à Pétain à des familles entières, à la police, à la justice, aux fonctionnaires et à la Résistance. La France de l’époque étant beaucoup plus pieuse, on imagine les dégâts qu’il a dû causer à un moment aussi crucial de la guerre.

C’est l’antithèse même de la laïcité codifiée en 1905, ce qui laisse penser que dans l’esprit de l’Église catholique, la laïcité n’est là que pour profiter à l’Église catholique et non pour la contraindre en quoi que ce soit.

Le texte doit être replacé dans le contexte des siècles précédents, et surtout de la décennie précédente. Pour ne citer que quelques exemples : les croisades contre les Musulmans, le génocide culturel de millions de personnes en Amérique latine et la persécution des Juifs.

Lorsque le document a été publié en 1942, il existait de nombreuses preuves contemporaines incontestables concernant les invasions que les nazis avaient effectuées en territoire souverain, impliquant meurtres et destructions, ainsi que la persécution meurtrière des Juifs. Ce dernier point n’était-il pas un sujet de préoccupation en raison de l’hostilité bien connue de l’Église catholique à l’égard du judaïsme, encore justifiée à l’époque par des motifs bibliques ? Jusqu’à la mort d’Hitler, son anniversaire a été célébré par des chaires catholiques dans toute l’Allemagne. Presque immédiatement après la publication du tract, Pie XII (Eugenio Pacelli) a eu connaissance de preuves de l’Holocauste et les a ignorées.

La brochure et son contexte soulèvent des questions qui appellent à un examen plus approfondi des preuves afin de les soumettre à une considération objective. Ils ont incité l’Association internationale de la Libre Pensée et les organismes et publications associés (dont l’Idée Libre) à lancer un appel à témoins dans le monde entier sur les activités des catholiques pendant la Seconde Guerre mondiale et la décennie précédente et suivante. Vous trouverez ci-dessous quelques-unes des questions sur lesquelles nous vous invitons à répondre. Celles-ci alimenteront les articles et publications à venir.

  1. Pourquoi l’Église catholique, tant en France qu’ailleurs, a-t-elle apporté son soutien aux régimes de Vichy et d’Hitler pendant la Seconde Guerre mondiale et a-t-elle incité la population à faire de même ? Sa répulsion à l’égard du communisme et de l’athéisme était-elle si extrême qu’elle était prête à soutenir tout régime qui s’y opposait, aussi répugnant soit-il ?

  2. Qui a décidé de prendre cette voie, de choisir le camp nazi, et sous quelles influences ?

  3. Quelle était la dissidence – s’il y en avait une – et quel était le sort des dissidents, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’Église catholique ? Les membres de l’Église catholique ont-ils dénoncé aux autorités de Vichy/Nazi les personnes qui ne respectaient pas les règles ?

  4. Comment l’Église catholique s’est-elle tirée d’affaire à la fin de la guerre et quel rôle a-t-elle joué en aidant les nazis de haut rang à s’échapper et en réhabilitant ceux qui sont restés ?

  5. Comment des abus sexuels commis par des clercs sur des enfants à une échelle considérable – tels que décrits ci-dessous – ont-ils pu échapper à la justice autrement que par le secret imposé par l’Église et un système judiciaire complice ?

Les révélations les plus récentes d’abus sexuels sur des enfants au sein de l’Église catholique font écho à des atrocités antérieures. Il est peu probable que les abus sexuels sur les enfants n’aient commencé qu’en 1950, première année prise en compte par la Commission CIASE sur les abus envers les enfants dans ses enquêtes. L’Église française elle-même a estimé que les victimes d’abus en France depuis 1950 s’élevaient à un tiers de million. Il s’ensuit vraisemblablement qu’il y a eu environ un million d’actes criminels d’abus, plus, depuis 2000, d’innombrables omissions criminelles de les signaler ; les deux ont presque entièrement échappé à la sanction de l’Église ou de la société civile.

À la fin de l’année 2021, à la suite de ces révélations de la Commission, mais apparemment sans en tenir compte, le Président de la Conférence des évêques de France a affirmé publiquement que le Droit canonique concernant le secret de la confession relatif aux abus sexuels sur les enfants l’emportait sur la loi française qui exige la divulgation des abus sur les enfants, indépendamment de toute obligation de confidentialité. Après avoir été réprimandé par le Président français, l’archevêque s’est défendu en disant qu’il avait parlé “maladroitement“, comme si c’était un faux pas d’admettre publiquement ce qui reste la position de facto de l’Église catholique, encore maintenant.

Les réponses, contributions et les suggestions doivent être envoyées à libre.pensee@fnlp.fr dès que possible, mais elles seront particulièrement appréciées si elles sont reçues avant le début de l’année 2023.

Ceux qui cherchent, malgré tout cela, à défendre le dépliant de l’Église catholique souligneront sans doute le bien incontestable que l’Église a fait, notamment dans son éducation et ses œuvres caritatives à travers le monde. Mais il ne faut pas oublier que son éducation n’a été offerte qu’à ceux qui étaient prêts à être endoctrinés, et que ses œuvres caritatives ont souvent été entravées par le dogme religieux, en particulier la proscription de la contraception, qui a alimenté la pauvreté et les infections inutiles.

Keith Porteous Wood, Porte-parole de l’AILP