Rémunération du clergé en Guyane

Pour nous suivre

Message de Alain Tien Long,
Président du Conseil général de la Guyane

Ne pouvant être présent au Congrès national de la Libre Pensée, il nous apporté ses meilleurs sentiments et a souhaité que ce texte soit porté à la connaissance des délégués du Congrès. Reçu trop tard, nous le rendons public aujourd’hui.

Nous remercions le Président Alain Tien Long de cette marque de sympathie.

Christian Eyschen, vice-Président de la Libre Pensée
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LA REMUNERATION DU CLERGE CATHOLIQUE EN GUYANE:

Une entorse à la laïcité, et une atteinte au principe de la libre administration des collectivités

Quel étrange destin que celui de la Guyane de se voir imposer encore aujourd’hui au XXIème siècle,  une ordonnance royale du 27 août 1828 prise par Charles X, monarque de la Restauration sans doute le plus réactionnaire face aux acquis de la Révolution Française de 1789. C’est, en effet, cette ordonnance relative au «  gouvernement de la Guianne française » qui autorise, sur cette partie du territoire de la République en outre-mer, la rémunération des prêtres du clergé catholique pour  (selon la formule utilisée ) « leur permettre d’être entouré de la dignité convenable » .

La loi du 9 décembre 1905 sur la Séparation des Eglises et de l’Etat aurait pu être l’occasion de mettre fin à cette anomalie particulière de l’Etat dans ces relations avec l’ancien domaine colonial de l’outre-mer, puisque rien de tel n’existait pour les autres composantes de ce domaine. L’histoire nous apprend qu’un tel privilège a été conservé à  la seule demande de l’évêque de Guyane et des autorités locales du pouvoir central, à savoir le Gouverneur. Ainsi donc il n’est toujours pas fait officiellement application de la loi de 1905 en Guyane.

Le passage du statut de colonie à celui de département de droit commun par la loi du 19 mars 1946 laissait augurer également de la disparition automatique de cette situation, puisque la départementalisation témoignait dorénavant de l’identité législative avec la métropole, et non plus de la spécialité législative possible dans l’ancienne colonie. Pourtant, l’affirmation constitutionnelle autant de la laïcité, du respect de toutes les croyances, de l’organisation décentralisée de la République , que de la libre administration des collectivités n’ont pu faire disparaître cette pratique que l’Etat avait d’ailleurs transféré habilement du budget central de la Colonie au budget local avant la départementalisation avec pour conséquence depuis 1946 sa prise en charge sur le budget du Conseil général de la Guyane.

Il est temps de mettre fin à cette nébuleuse historique qui grève le budget du Conseil général sans reposer sur aucune nécessité de service public, ni aucun droit local historiquement reconnu comme en Alsace-Moselle. C’est une situation inconcevable quand on connaît par ailleurs les lourdes charges confiées aux départements avec les transferts de compétences décentralisées sans que les compensations financières soient à la mesure des réalités locales. C’est d’autant plus une nébuleuse que les membres du clergé catholique perçoivent en effet un véritable salaire (celui de la catégorie A pour l’évêque et de la catégorie B pour les prêtres), et non pas une indemnité. Pourtant, ils ne justifient pas d’un «  service fait » comme l’exigent les règles de la Fonction publique en matière de rémunération. Leur situation en matière de congés et de retraite est également floue, puisque l’Etat n’a jamais défini clairement les éléments de leur statut (fonctionnaire ? Contractuel ? Agent public ? Durée déterminée ou non ? )

l’Etat étant toujours resté sourd aux revendications des Elus pour supprimer ce particularisme local imposé, par délibération du 19 décembre 2011, le Conseil général a décidé de ne plus payer les membres du clergé catholique   ouvrant ainsi un contentieux en cours autant avec l’Evêché qu’avec l’Etat.

D’un point de vue juridique et administratif il appartiendrait à l’Etat :

  • soit de prendre lui-même à sa charge la rémunération des prêtres concernés (actuellement 19). Mais il est fort probable qu’il mettra en avant le principe de la laïcité ;
  • soit de faire abroger par le gouvernement l’ordonnance de 1828 en considérant qu’elle n’aurait qu’une valeur règlementaire ;
  • soit d’emprunter la voie législative pour mettre fin à cette situation dans le cadre du réflexion globale sur le respect de la République laïque.

Au moment où la Guyane est confrontée à une nouvelle évolution institutionnelle qui doit prendre effet au mois de décembre 2015, nous faisons part de notre profonde reconnaissance pour toutes les initiatives qui permettront une juste remise en ordre de l’histoire sur une anomalie vielle de cent quatre-vingt-six ans.

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La Fédération nationale de la Libre Pensée soutient la proposition de loi du sénateur Antoine Karam visant à la suppression du dispositif antilaïque d‘exception en Guyane. Elle s’adresse à tous les Députés et Sénateurs pour qu’ils agissent au mieux pour que cette proposition de loi soit inscrite à l’examen des deux Assemblées parlementaires.La Fédération nationale de la Libre Pensée est toujours dans l’attente d’une réponse du Président du Sénat Gérard Larcher quant à sa demande d’entrevue.

Paris, le 25 août 2015