Motion 7 (résolution sur les sciences)

Pour nous suivre

Au Congrès National de Sainte-Tulle, la Fédération Nationale de la Libre pensée avait tenté  de concentrer  dans un projet de «manifeste» les positions issues de ses débats à propos de la science, de la recherche et de l’enseignement des sciences. Ce manifeste  a eu le mérite de formuler des positions et des orientations (la résolution a d’ailleurs été adoptée à l’unanimité), mais il n’a pas atteint le but qu’il s’était initialement fixé : permettre aux milieux scientifiques de s’emparer des problèmes traités.

Il a néanmoins permis de franchir un pas : d’assez nombreuses conférences ont été organisées par les fédérations pour discuter des sujets abordés et la « carte de visite » qu’il représente a été diffusée à plusieurs centaines d’exemplaires. Ce Manifeste sera traduit en langue anglaise permettant ainsi de poursuivre le débat.

I. L’offensive antiscientifique  et le débat sur la « technoscience ».

Les religions s’efforcent toujours très logiquement de s’opposer aux sciences, ne serait-ce que parce qu’elles ne sauraient admettre que l’archéologie, l’histoire, la génétique ou la physique ruinent les bases historiques mythifiées sur lesquelles les religions prétendent se fonder.

Cette opposition se partage en deux attitudes, celles des fondamentalistes  qui considèrent que le livre ou la tradition ont tout dit  et qu’il faut donc détruire ce qui s’y oppose, et celle des «politiques» qui prétendent renforcer leur pouvoir  en  traçant, d’un point de vue dogmatique, la frontière de ce qui  peut être appliqué, voire recherché. On retrouve ce type de raisonnement tant en ce qui concerne les exogreffes, la recherche sur l’embryon humain, la robotique, les nanotechnologies ou les OGM.

Il y a donc lieu d’identifier et faire connaître les vecteurs de l’offensive obscurantiste et, en l’occurrence, cela rejoint des préoccupations plus habituelles de la Libre Pensée comme  la défense de l’Université contre l’intégration des instituts catholiques au nom des COMUE, la défense du monopole de la collation des grades, le refus de la formation des imams dans des structures universitaires, mais aussi – en aval-  le refus  d’un « enseignement du fait religieux » destiné  à légitimer  l’existence d’un prétendu magistère  moral des cultes en matière scientifique.

Cela ne saurait, au demeurant, dispenser la Libre Pensée de se pencher sur le débat « science et technoscience », qui est peut-être, en réalité, proche  du débat politique et social  sur le moment actuel du capitalisme  (brevetabilité du vivant, mais aussi accès aux soins, ingéniérie environnementale, gestion de l’eau, marché des « droits à polluer » etc, etc.). C’est une vraie tendance du stade actuel du capitalisme que de réduire, justement, la science à une technoscience, pilotée par les seuls secteurs encore profitables de la production. Contrairement à ce que prétendent les idéologues du relativisme cognitif “postmoderne” ce n’est nullement une tendance naturelle de la communauté scientifique. A preuve, l’extrême résistance, souvent passive, des chercheurs, aux incitations à répondre à la “demande sociale”, demande qui recouvre en fait celle des entreprises d’une part, et celle des ONG réactionnaires de l’autre sous l’appellation de “science citoyenne”. A titre d’exemple, alors que le gouvernement souhaitait strictement cibler les appels d’offres de l’ANR à partir de 2012, l’agence a été submergée par les propositions dans la catégorie “blanche”, celle des propositions absolument libres. C’est ainsi que certains secteurs de la recherche fondamentale sont condamnés à une clandestinité de fait compte tenu des réglementations en usage, subordonnées à l’idéologie obscurantiste et mercantile. Beaucoup trop de domaines se trouvent dès lors quasi interdits à l’investigation scientifique libre.

Reste également la question délicate de l’écologisme, dont la réussite sociale est indubitable. Elle nous a valu la grande majorité des contestations du manifeste, y compris dans nos propres rangs. On peut même dire que l’écologisme est à l’heure actuelle partie intégrante de l’idéologie dominante, au point que ministres et gouvernements la reprennent sans vergogne (Sarkozy et le Grenelle de l’Environnement, Hollande et le climat). Un affinement de nos positions et un bilan de nos contacts et alliances dans le domaine doit être fait. Les contacts positifs que nous avons avec l’AFIS sont un point d’appui mais l’AFIS elle-même est sous le feu des calomnies. L’UR semble partagée dans ce domaine. Ce sont largement les chercheurs du domaine appliqué (l’INRA en particulier) qui sont en révolte et éprouvent un sentiment d’injustice par rapport à la mouvance écolo. Le fait qu’un laboratoire de recherche fondamentale en écologie vienne d’être agressé par les “zadistes” va sans doute élargir ce champ. Le fait que des “pontes” de l’écologie française cautionnent des entreprises du type GIEC (l’IPBES) ne va pas tarder à poser des problèmes nouveaux. Aider les chercheurs clairvoyants à la contre attaque n’est pas simple.

II. Bioéthique ou anticléricalisme : les bases du débat international sont saines.

Le colloque de la faculté de Médecine  (2009) à propos de la recherche sur l’embryon humain a  ouvert une nouvelle étape dans l’activité  de la commission sciences. Deux chemins ont été ouverts (qui ne sauraient  cependant remplacer celui de la critique matérialiste, malheureusement peu active depuis quelques années) :

1) une activité  d’approfondissement et de vulgarisation  qui ouvre de vastes perspectives, la diffusion des Actes du colloque de Nancy  en sera la mesure. Il ne devrait guère y avoir de structures universitaires, hospitalières, de maternités ou de centre de protection  maternelle et infantile qui ne puissent être intéressés par ce volume, voire par l’organisation  de discussions sur les objectifs poursuivis en la matière par la Libre pensée.

2) Une activité de débats internationaux et de confrontations sur l’encadrement de la recherche scientifique et de ses applications. Ce qui est habituellement désigné par la « bioéthique ». Les rencontres  ont fait  que ce débat, commencé à Oslo en 2011, a été mené -entre autres- en relation avec la  Fédération Humaniste Européenne. Après Barcelone, Thessalonique, Lille et Varsovie, il est temps de tirer un premier bilan. Et c’est précisément le colloque de Varsovie qui nous en fournit l’occasion : un débat y a eu lieu, dans lequel, avec des déterminations voisines, les colloquants membres ou proches de l’AILP ou de la FHE se sont retrouvés sur la même longueur d’ondes face  à une position « athée-libérale » prétendant  que la lutte contre le cléricalisme était dépassée puisque le lobby catholique dans les comités d’éthique  n’influenceraient significativement ni les orientations de la recherche scientifique, ni la distribution sectorielle ou  l’allocation des crédits. Cela indique que si nous devons poursuivre la confrontation – le lobbying face à la COMECE au sein de l’Europe vaticane est une impasse – nous devons dans le même temps formaliser  les positions communes en nous appuyant sur les résolutions conclusives des colloques et en les proposant  à la réflexion des scientifiques et à la sagacité des gouvernements comme base d’une action visant à  protéger résolument la science des religions et des intrusions spiritualistes obscurantistes. De la sorte, le travail sur les sciences peut abolir certaines frontières “politiques” entre associations et créer une synergie active de rapprochement parce qu’il met au premier plan des positions et valeurs communes. Au-delà de la question de la liberté proprement scientifique, d’investigation et de développement thérapeutiques, il y a bien entendu les libertés publiques pour les citoyens : IVG, PMA, droit de mourir dans la dignité. Tout cela a d’ailleurs été largement évoqué dans les colloques nationaux et internationaux auxquels nous avons participé, tout cela est ancré dans nos positions fondamentales sur la laïcité.

Pour mener à bien les propositions contenues dans ce texte, il sera nécessaire que les fédérations départementales diffusent les comptes rendus de nos colloques auprès des milieux scientifiques et des étudiants, organisent de nouvelles conférences sur les sciences, prennent les contacts nécessaires pour démultiplier nos forces dans ce secteur particulier.

Unanimité moins une abstention.

 

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AFIS : Association Française pour l’Information Scientifique
ANR : Agence Nationale de la Recherche
COMECE : Commission des Episcopats de la Communauté Européenne
COMUE : Communauté d’Universités et d’Etablissements
GIEC : Groupement International d’Etude du Climat
INRA : Institut Nationale de la Recherche Agronomique
IPBES : Intergovernemental Panel for Biodiversity and Ecosystemic Services
UR : Union Rationaliste