Jean-Paul II, miraculé au pied de la croix à Ploërmel

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Jean-Paul II, miraculé au pied de la croix à Ploërmel :

L’œuvre majeure de la Cour administrative d’Appel de Nantes

Par un arrêt du 15 décembre 2015, la Cour administrative d’appel de Nantes a annulé le jugement du 30 avril 2015 par lequel le Tribunal administratif de Rennes avait censuré les décisions implicites du maire de Ploërmel de rejeter les demandes des 6 avril et 26 juin 2012 présentées par la Libre Pensée et deux citoyens de cette commune de déplacer une statue géante représentant le pape Jean-Paul II, assise sur un socle surmonté d’une croix chrétienne immense, en vue de libérer le domaine public de tout emblème religieux. En effet, aux termes de l’article 28 de la loi concernant la Séparation des Eglises et de l’Etat du 9 décembre 1905 « Il est interdit, à l’avenir, d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à l’exception des édifices servant au culte, des terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires, ainsi que des musées ou expositions. »

Pour motiver sa décision, le juge d’appel a notamment considéré, d’une part, que « les demandes adressées au maire de la commune de Ploërmel par la Fédération morbihannaise de la Libre Pensée, Mme P. et M. K. tendaient implicitement, mais nécessairement à l’abrogation de la délibération du Conseil municipal du 28 octobre 2006, devenue définitive, décidant d’implanter le monument consacré au pape Jean-Paul II », d’autre part, que « l’autorité administrative compétente, saisie par une personne intéressée d’une demande en ce sens, n’est tenue de procéder à l’abrogation d’une décision non réglementaire qui n’a pas créé de droits que si cette décision est devenue illégale à la suite de changements dans les circonstances de droit ou de fait intervenus postérieurement à son édiction ».

Une grande interrogation juridique

Le raisonnement juridique de la Cour administrative d’appel de Nantes suscite de grandes interrogations. En premier lieu, les décisions implicites de rejet des demandes des 6 avril et 26 juin 2012 présentées au maire de Ploërmel par la Libre Pensée et deux citoyens de cette commune étaient évidemment distinctes de la délibération du 28 octobre 2006. Or, pour les ignorer de manière à s’intéresser uniquement à cette délibération, le juge d’appel les a analysées, sans le dire, comme de simples décisions administratives confirmatives de l’acte initial du Conseil municipal de 2006. Non seulement, il ne va pas de soi qu’une décision implicite de rejet prise par un maire vaille confirmation d’une délibération d’un Conseil municipal mais, à supposer que ce fût le cas en l’espèce, la Cour aurait dû, dans cette hypothèse, tout simplement juger que ces décisions prétendument confirmatives étaient insusceptibles de recours, conformément à une jurisprudence constante, ce qu’elle n’a pas fait.

En second lieu, un élément au moins était de nature à contraindre l’administration municipale à procéder, à la suite des demandes des appelants, à l’abrogation de la décision qualifiée par la CAA de « non réglementaire »  non créatrice de droit du 28 octobre 2006. Un évènement majeur, que la Cour administrative d’appel n’a pas pris en compte dans son argumentation, est bien venu modifier les circonstances de fait après la publication de la délibération du 28 octobre 2006. Celle-ci n’évoquait que le don par son auteur à la ville de Ploërmel de la statue de Jean-Paul II.

Or, cette œuvre a été installée sur un socle surmonté d’une croix, dont il n’était rien dit en 2006 et dont le financement public a d’ailleurs été censuré par le juge administratif en tant qu’il était contraire au principe interdisant l’édification de symboles religieux sur des emplacements public énoncé par l’article 28  de la loi du 9 décembre 1905.

La présence sur le domaine public d’une imposante statue du pape Jean-Paul II surmontée d’une immense croix constitue bien, quoi qu’en dise la Cour administrative d’appel de Nantes, un trouble à l’ordre public institué par la loi en tant qu’elle viole les principes fondamentaux de la laïcité de l’Etat. La Libre Pensée, qui rappelle que la même juridiction a annulé le jugement par lequel le tribunal administratif de Nantes avait jugé illégale la présence d’un crèche chrétienne de Noël dans les locaux du département de la Vendée, poursuivra son action en vue du déplacement de cette œuvre, au demeurant d’une qualité artistique pour le moins discutable, qui est une atteinte à la liberté de conscience des citoyens de Ploërmel.

Le débat juridique, réglementaire et constitutionnel est loin d’être clos dans cette affaire, comme dans tant d ‘autres.

Loi des Hommes ou loi de Dieu !

Telle est toujours la question !

Paris, le 22 décembre 201