La guerre de 14-18 et la réhabilitation des fusillés pour l’exemple

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Dimanche 8 mai 2016

Emission animée par David Gozlan, Secrétaire Général de la Fédération Nationale de la Libre Pensée, qui reçoit : Nicole Aurigny, membre de la Commission Administrative de la FNLP en charge de la bataille pour la réhabilitation des fusillés, Pierre Roy également en charge de cette bataille depuis des années, et Madame Haussard, membre de l’association « Le regain » de Roucy.

Auditrices, auditeurs, bonjour,

Cette introduction musicale nous place au cœur du thème qui va être le nôtre aujourd’hui : la Première Guerre Mondiale, les Fusillés pour l’exemple et la question de leur réhabilitation collective. C’est une bataille que mène la Libre Pensée depuis 29 ans.

Nicole bonjour. Je vais te laisser la parole car nous avons engagé une bataille autour d’un monument pour réhabiliter les fusillés pour l’exemple. Peux-tu nous expliquer pourquoi ?

Nicole Aurigny : Comme tu l’as dit, cela fait plus de 20 ans que la Libre Pensée mène le combat pour la réhabilitation des fusillés pour l’exemple dans le cadre de ses combats contre la guerre comme organisation pacifiste internationaliste. Nous avons salué pendant ces décennies à la fois la déclaration de Lionel Jospin en 1998 qui avait déclaré qu’il fallait réintégrer les fusillés pour l’exemple dans la mémoire collective, la déclaration de Nicolas Sarkozy qui, en 2008, a reconnu qu’ils n’étaient pas des lâches, et quand François Hollande est arrivé au pouvoir nous nous souvenions qu’en tant que Président du Conseil Général de Corrèze il avait fait voter une motion pour la réhabilitation de tous les fusillés. Il avait également dit qu’il ferait comme Président de la République ce qu’il avait fait comme Président du Conseil Général de Corrèze.
Malheureusement il n’en a rien été et jamais il n’a prononcé le mot de réhabilitation. Au contraire, en 2014, on a vu s’ouvrir dans le Musée de l’Armée un espace pour les fusillés. Autrement dit, et pour nous c’est le comble du scandale, les fusillés sont maintenant à côté de ceux qui les ont fusillés, à côté de leurs bourreaux ! Aucun élément dans ce qui est donné comme explication dans ce musée ne permet de mettre en cause les tribunaux d’exception auxquels ils ont été soumis avec leurs jugements implacables. Bien au contraire, tout nous invite dans cette exposition, dans cet espace, à considérer tout cela comme assez normal.

Devant le reniement du Président de la République, la Libre Pensée a pris ses responsabilités. Nous n’avons pas accepté, et nous avons décidé d’ériger un monument à la mémoire des fusillés pour l’exemple, pour rendre leur honneur aux 639 soldats tombés sous les balles françaises. Cela a déjà été fait pour d’autres monuments en France : c’est un appel à une souscription nationale. Il s’agit donc que les citoyens fassent eux-mêmes ce que n’ont pas fait les responsables politiques.
Nous avons donc lancé une souscription nationale, contacté des sculpteurs et nous devons dire qu’un certain nombre d’entre eux se sont même proposés spontanément, ce qui donne une grande idée de l’écho que reçoit cette proposition. Nous avons leurs projets qui sont tous intéressants et émouvants et nous avons aujourd’hui la certitude qu’un monument sera élevé sur la ligne de front en hommage aux fusillés.

D.G. : Parce que nous sommes aussi la République nous avons pris nos responsabilités en engageant la bataille pour ce monument par cette souscription qui durera pendant toute la période du centenaire de la guerre 14/18.
Sur cette question du centenaire il y a eu cette année une drôle de campagne au niveau de la bataille de Verdun. Là je vais me tourner vers Pierre Roy.

Sur cette question de la bataille de Verdun c’est quand même un comble car c’est une bataille qui a fait 700 000 victimes et nous avons l’impression autour de cette campagne aujourd’hui, que c’est un événement historique, une couche du mille-feuille de l’histoire parmi tant d’autres. Qu’est-ce que tu en penses toi Pierre ?

Pierre Roy : Là encore c’est une entreprise hypocrite pour dissimuler la réalité des choses. On a eu avec Verdun ce que l’on peut appeler le concentré de la guerre industrielle, que l’on peut aussi appeler la stratégie de la bouillie humaine car il arrivait qu’il tombe un obus à la seconde. On a des témoignages qui montrent que c’était l’horreur absolue. Je sais que les quelques lignes que je vais lire vont peut-être choquer certains auditeurs mais c’est un texte rapide de Giono qui est avec 8 de ses camarades en août 1916 quelque part sur le front dans un trou d’obus : « Nous faisons dans nos mains. C’est une dysenterie qui coule entre nos doigts. On ne peut même pas arriver à jeter ça dehors. Ceux qui sont au fond essuient leurs mains dans la terre. Les trois qui sont près de la porte s’essuient dans les vêtements du mort. C’est de cette façon que nous nous apercevons que nous faisons du sang. Du sang épais. […] Nous avons tous notre quart passé dans une courroie de notre équipement car nous sommes à tous moments dévorés par une soif de feu, et de temps en temps nous buvons notre urine. C’est l’admirable bataille de Verdun. »

Je pense qu’on ne pas mieux caractériser cette horreur absolue qu’a été la bataille de Verdun. Tu as rappelé les chiffres.
Le système de noria voulu par Pétain exigeait des effectifs considérables. Il fallait toujours les renouveler. Au bout de 30% de perte on les envoyait au repos. En permanence, par la fameuse voie sacrée, les régiments montaient au feu.

Comme le Général Bach le fait remarquer, les lignes de front français avaient été partagées arbitrairement en cinq secteurs et ceux qui dirigeaient ces secteurs ne connaissaient absolument pas les unités dont ils avaient le commandement et c’était donc une atmosphère de déshumanisation qui explique comment dans ces conditions des actes arbitraires se sont multipliés.

Selon le Général Bach il y a eu 55 fusillés pour l’exemple à Verdun et autour sur les 135 de l’année 1916 sans compter les exécutions sommaires.

Cette prétendue exemplarité on peut la mettre en doute puisque, sauf quelques cas où la condamnation était suivie assez vite de l’exécution, le plus souvent cela prenait un temps considérable, un mois ou plus, entre la condamnation et l’exécution. Quelle exemplarité ? On se moque de nous !

D.G. : On voit bien que l’on est pleinement lié à l’histoire et l’on comprend la réaction des sculpteurs qui se sont proposé pour aider la Libre Pensée en proposant des projets.
Nicole toi tu souhaitais revenir sur des cas très concrets. Peux-tu nous expliquer ?

N.A. : Je constate que notre volonté de rendre leur honneur aux Fusillés pour l’exemple est très largement partagée. Je suis originaire d’un département, l’Aisne, qui a vu tomber plus de 50 soldats sous les balles françaises. Plusieurs villages de l’Aisne ont d’ores et déjà rendu hommage aux Fusillés pour l’exemple. On connait bien sûr le monument de Vingré, le monument de Fontenoy. A Vingré 6 soldats ont été fusillés en décembre 1914. A Fontenoy 2 soldats : Bersot, « le pantalon rouge » et Leymarie accusé faussement de s’être mutilé volontairement à la main.

Plus récemment, une autre municipalité, tout près du chemin des Dames, Maizy, a rendu hommage à 4 soldats fusillés en juin 1917. Je voudrais profiter de l’antenne aujourd’hui pour rendre hommage à l’un d’entre eux, Alphonse Didier, qui après les sanglantes attaques à Craonne auxquelles il a participé, s’est révolté avec ses camarades. Il a été condamné à mort et au moment d’être fusillé, il a fait la demande suivante à la seule personne à laquelle il pouvait parler, à savoir l’aumônier : « Vous écrirez à mon père et à ma mère que je suis mort pour mes idées. Vous qui parlez aux chefs il faut leur dire que les hommes en ont assez de cette boucherie. »

Jusqu’au bout il a assumé le rôle qu’il avait eu dans cette révolte contre le fait de remonter aux tranchées.

Cette année, dans un village tout proche de Maizy et du Chemin des Dames, Roucy, le village dont parle Dorgelès dans « Les croix de bois », une stèle va être inaugurée en mémoire de 6 soldats fusillés au cours de la guerre dans ce village.

Nous sommes en liaison avec une représentante du bureau de l’association qui est à l’initiative de ce monument et elle va sans doute nous en dire plus.

Madame Haussard pouvez-vous nous dire comment est né le projet de rendre hommage à ces soldats fusillés ?

Mme Haussard : Le projet est né d’une étude que l’association « Le Regain du Roucy » a faite. Sur 212 soldats qui ont été déclarés morts à Roucy, 5 soldats ont été fusillés en mai et juin 1916 et un autre en juin 1917 pour refus collectif d’obéissance. Ce sont donc 6 personnes qui ont été fusillés dans l’après-midi de leur jugement. Le secteur qu’ils occupaient faisait l’objet de nombreuses attaques ce qui impliquait un état de fatigue important et des pertes humaines encore plus importantes du fait de cette fatigue.
Les noms de ces messieurs sont les suivants : Lucien Baleux, Emile Lhermenier, Félix Milhau, Paul Regoudt, Théophile Boisseaux et Henri Valembras.
C’est à l’initiative de l’association « Le Regain » et l’accompagnement de la commune de Roucy que nous avons décidé de mettre en lumière ces soldats qui ont été fusillés pour l’exemple, et il a été décidé de les honorer, d’honorer leur mémoire, de produire cette stèle qui sera inaugurée le 28 mai 2016. L’artiste est un jeune monsieur du village, issu de l’Ecole de Florence, qui a été bercé durant son enfance et son adolescence par l’histoire du Chemin des Dames mais aussi de ces hommes-là, dont le nom est Lejeune Victor.
Seuls les soldats Baleux et Lhermenier ont eu leur nom apposé sur le monument au mort de leur mairie. Ces 6 messieurs reposent à la nécropole militaire de Pontavert.

N.A. : Je vous remercie Madame Haussard de ces précisions. Je rappelle que la cérémonie pour l’inauguration de cette stèle aura lieu le samedi 28 mai à 11h à Roucy.

D.G. : Je me tourne à nouveau vers toi Pierre. Nous sommes en train de lancer un appel des familles des fusillés. Est-ce que tu peux nous en dire quelques mots ?

P.R. : Oui. C’est un appel à la République et ce sont les descendants des familles des Fusillés pour l’Exemple qui dit « Nous demandons justice » parce qu’ils ont le sentiment que l’opprobre c’est répandu sur leur famille, qu’il a fallu pour elles depuis, vivre dans le déshonneur. Depuis 100 ans un silence absolu c’est abattu. Il a fallu pour la plupart de ces descendants enfouir ce chagrin au plus profond d’eux-mêmes. J’ai eu des témoignages pendant des conférences que j’ai pu faire, de familles de ces fusillés qui venaient me voir en me disant : « Merci de ce que vous faites pour cette juste cause. Cette situation est difficile à vivre encore maintenant. C’est une plaie que ne s’est pas refermée. Alors nous demandons solennellement que la République réhabilite tous les Fusillés pour l’Exemple. Nous en avons assez des douleurs, des pleurs que nous avons pu verser, de la honte et des souvenirs destructeurs. La justice nous est due. Dans ce cadre nous soutenons l’initiative de la Libre Pensée d’ériger un monument, l’association qui s’est construite autour de cela et nous renouvelons instamment notre demande d’une réhabilitation collective de tous les fusillés pour l’exemple soit 639 décomptés par le secrétariat aux Anciens Combattants ».

D.G. : Effectivement 100 ans après c’est une plaie encore ouverte. La Libre Pensée n’est pas un pansement mais il y a cet appel des familles et ce projet de monument.
Nicole est-ce que tu peux rappeler à nos auditeurs comment ils peuvent aider à la réalisation de ce monument ?

N.A. : Ce n’est pas très difficile, il suffit d’un carnet de chèque ! Nous avons déjà récolté quelques milliers d’euros mais pour un monument en pierre de 4 mètres de haut il faut beaucoup d’euros !

Nous demandons à tous ceux qui sont intéressés, particuliers, associations, municipalités, qu’ils envoient leurs dons au siège de la Libre Pensée 10/12 rue des Fossés Saint Jacques 75005 à l’ordre de l’ A.E.M.H.F.E. (Association pour l’Erection d’un Monument en Hommage aux Fusillés pour l’Exemple). Un reçu fiscal sera envoyé pour chaque don d’au moins 50 euros.

D.G. : Merci à Nicole Aurigny, Madame Haussard et Pierre Roy pour leur participation.

 

 

Les Actes du Colloque de Soissons (2014) Sur les généraux fusilleurs

Cet ouvrage est le premier d’une série sur la Guerre de 1914-1918, série qui abordera différents thèmes et aspects de cette boucherie effroyable. Au moins 8 colloques de la Libre Pensée se tiendront pour cela.

Quel est notre objectif ? Des milliers d’hommes ont refusé de monter à l’assaut pour des raisons diverses. D’abord, parce qu’ils refusaient de mourir pour rien. Parce qu’ils refusaient de mourir tout simplement, parce qu’ils en avaient assez de cette boucherie. Ils ont dit non ! Et ils ont été fusillés pour cela. Ils ont refusé de croire à la propagande belliciste, opposé une résistance constante, ils ont pensé librement, ils ont désobéi…Et ils sont morts… Fusillés pour l’exemple !

Quand, de Gaza à Bangui, l’espoir est tué un peu plus chaque jour. Quand il ne reste plus, dans cette impasse qu’est devenue la vie pour beaucoup, que « tuer ou être tué », alors le Libre Penseur fera montre de sa solidarité envers tous, pour panser les plaies et apporter secours à son prochain. Son prochain n’est jamais rien d’autre qu’un autre lui-même.

Il se souviendra alors que « tuer ou être tué » était la forme prise par la Première Guerre mondiale au début de la boucherie meurtrière. Mais que l’amour de l’Humanité s’est imposé souvent et a substitué à la devise assassine une autre devise d’amour: « Vivre et laisser vivre ». Et de fraternisation en mutinerie, de révolte en refus de la barbarie, malgré  les 639 Fusillés pour l’exemple tués PAR la France, l’Humanité a su trouver son chemin, même dans la boue et le sang des tranchées.

Il ne faut jamais désespérer de l’Humanité. Le Libre Penseur refusera qu’on mette encore et toujours plus de chaines aux pieds des êtres humains, même si on les appelle liberté, sécurité, ordre. Le monde ne souffre pas de trop de libertés, il souffre surtout parce que la liberté est encore un bien qui manque à tant d’hommes et de femmes. Nous sommes tous des réprouvés ou nous pourrions le devenir un jour si la roue de la vie tournait à l’envers.

N’oublions jamais les enseignements de notre Histoire si nous ne voulons pas les revivre. Voici ce que dira la Libre Pensée pendant toutes ces années de colloques de 2014 à 2018.

Christian Eyschen, vice-Président de la Libre Pensée

 

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