Résolution générale

Pour nous suivre

Le corporatisme et le communautarisme viennent de subir un échec

Notre pays vient de connaître un mouvement social d’une ampleur jamais vue dans la dernière période. Il n’est pas dans les attributions de la Libre Pensée de se substituer aux syndicats et aux partis. Par contre, il est dans sa nature de s’exprimer et d’analyser les faits quand la démocratie, la laïcité et la République, notamment sociale, sont mises en cause.

Le mouvement social de 2016, par sa force, ses objectifs et ses enjeux, témoigne de faits et de conséquences qui vont au-delà du simple domaine syndical et social. Ils sont les marqueurs d’une résistance croissante contre les menées de l’Union européenne que nous, libres penseurs avec le mouvement ouvrier, avons appelé depuis sa création, l’Europe vaticane.

Ce mouvement social porte également un coup considérable contre les institutions autoritaires et réactionnaires de la Vème République : en échouant à étouffer la lutte des classes,  celles-ci apparaissent sortent considérablement affaiblies de ce conflit.

La Libre Pensée, réunie en congrès national à Bourg-lès-Valence, soumet à la libre critique des libres penseurs et des laïques, et plus généralement des citoyens et militants, l’analyse qu’elle fait du moment présent de la situation.

Le Congrès national inscrit cette Résolution générale dans la continuité de celle adoptée par le Congrès national de Creil de 2015.

Un nouvel ordre politique et économique tente insidieusement de se mettre en place : l’Ordre corporatiste.

Au-delà de la remise en cause actuelle importante des acquis sociaux, ouvriers et syndicaux, il s’agit d’une offensive pour atomiser la démocratie, dont la classe ouvrière est constituante, pour en revenir à une situation de concurrence entre les salariés, dénoncée déjà en son temps par Karl Marx, pour individualiser les rapports sociaux, donc politiques.

C’est le retour au contrat individuel de « louage de services », comme sous le régime de la loi Le Chapelier, les « coalitions » et les grèves seraient des délits ! Il faudrait pour les thuriféraires de ce nouvel ordre corporatiste, faire basculer la classe ouvrière organisée et consciente (« classe pour soi ») vers une situation de classe atomisée et inconsciente ( « classe en soi »).

La loi El Khomri vise à briser le caractère de classe sociale des producteurs, pour enfermer les salariés dans les entreprises, à la botte du patronat, en brisant leur unité matérialisée par les Conventions collectives de branche. En tentant de bouleverser le Code du Travail, c’est l’expression centralisée et nationale de la classe ouvrière qui serait possiblement disloquée.

Le gouvernement malgré cela a persisté et a promulgué sa loi en utilisant les dispositions antidémocratiques de la Vème république, avec le 49-3.

A l’ordre du jour est posée l’abrogation de la loi El Khomri.

Le soutien de la CFDT à la mise à bas de la hiérarchie des normes (article 2 de la loi El Khomri) pour donner la primauté à l’entreprise, une conception plus réactionnaire encore que la Charte du travail de Vichy, a vu le Figaro justement rappeler : « Laurent Berger, la Doctrine sociale de l’Eglise en héritage » (30 mai 2016).

C’est un débat de société, c’est un débat de civilisation

Mais une volonté n’est pas une réalisation. La formidable résistance du mouvement syndical issu de la Charte d’Amiens de la Vieille CGT a montré que les choses étaient loin d’être jouées. Tout l’acquis politique, démocratique, social, laïque de la Révolution française, incarné par des rapports sociaux, ne peut en effet être renversé par la seule volonté de la Troïka (FMI, Banque Mondiale, Union européenne) soutenue par le Vatican. La roue de l’Histoire ne tournera pas à l’envers.

L’évolution de la résistance sociale est de ce point de vue très significative. D’abord des manifestations de rue, puis un mouvement de grèves qui se développe, exprimant un retour à une forme quasiment pure et classique de la lutte des classes.

La force des rapports sociaux vit dans la conscience des masses. La compréhension  que la défense du Code du Travail est la pierre angulaire de la résistance à la régression, s’est clairement manifestée. Non seulement, il n’y a pas eu de reflux de la résistance, mais chaque coup de menton du gouvernement a renforcé la détermination des opposants, ultra majoritaires, et amplifié la mobilisation.

Un autre aspect est à souligner. La force des rapports sociaux s’est cristallisée dans le maintien de l’unité syndicale réalisée, qu’aucune manœuvre n’a pu briser. Les lois de l’Histoire sont plus fortes que les appareils, y compris gouvernementaux, corporatistes et ecclésiastiques. L’ordre corporatiste a subi un incontestable revers.

Le corporatisme, c’est aussi la répression

Le Congrès national de la Libre Pensée de Bourg-lès-Valence dénonce la mise en place du Fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG). Ce fichier comptait 2 000 prélèvements en 2000. En 2012, il concernait deux millions de personnes. Selon le Comité international contre la répression, « l’évolution actuelle est estimée à 30 000 nouvelles inscriptions par mois ». Force est de constater une répression accrue contre les militants syndicaux, une « criminalisation » du syndicalisme, comme en témoignent les 100 militants de l’Union Générale des Travailleurs de Guadeloupe poursuivis devant les tribunaux, les condamnations des syndicalistes de Good Year, les procès contre les salariés d’Air France et de tant d ‘autres cas dans les manifestations récentes.

La Libre Pensée a condamné dès le début la mise en place de l’état d’urgence qui crée un état d’exception permanent contre les libertés démocratiques. Elle a agi aux côtés de la Ligue des Droits de l’Homme et d’une centaine d’associations pour sa levée et a protesté contre son renouvellement permanent.

La Libre Pensée a, récemment encore, en avril  2016,signé une déclaration commune avec la Ligue des Droits de l’Homme et le Ligue de l’Enseignement réaffirmant : « Il ne faut pas toucher à la loi de 1905 ! Il faut défendre les liberté publiques ! ».

L’union nationale, suite aux barbares attentats, n’aura pourtant pas survécu à la réalité sociale du conflit d‘intérêts qu’on appelle la lutte des classes. Le corporatisme a été une nouvelle  fois mis en échec sur ce terrain-là aussi.

La Laïcité est aussi au cœur des conflits et de la résistance

L’offensive communautariste vise aussi à détruire la laïcité comme rapport politique entre les citoyens, garantie de la liberté de conscience dont la liberté d’association est une expression organisée.

Dans le même temps, en contradiction avec les lois françaises et les lois internationales, le gouvernement, à Menton, ferme sa frontière aux réfugiés, interdisant a priori à ces femmes et ces hommes de traverser notre pays ou d’y demander l’asile. C’est un déni du droit d’asile.

S’inscrivant dans la théorie barbare du Choc des civilisations, l’offensive communautariste tend à instrumentaliser l’Islam comme un bélier contre la Séparation des Eglises et de l’Etat. L’offensive a deux bouts : dénoncer les musulmans comme des terroristes en puissance, et ouvrir le Concordat d’Alsace-Moselle au culte musulman. Ce concordat est ensuite présenté comme un modèle à diffuser dans la « France de l’intérieur ».

L’objectif est d’enfermer les « musulmans » dans leur supposée communauté d’appartenance pour interdire tout mouvement de Réforme et de Lumières au sein de l’Islam. Enfermer pour statufier.

Quelles que soient les positions des artisans de cette offensive réactionnaire dans cet Arc (dénonciation xénophobe ou cléricalisation du culte musulman), la Libre Pensée dénonce ces offensives comme profondément racistes. C’est le retour à la politique coloniale et oppressive de l’Indigénat. Le néo-corporatisme s’accompagne du néo-colonialisme. C’est l’exploitation des peuples et la dislocation des nations.

Un pas nouveau est franchi avec la campagne actuelle contre certains costumes de bain (dits « burkinis ») sur les plages. Cette campagne vise à étendre encore davantage les interdits remettant en cause les libertés démocratiques : là c’est le simple droit de s’habiller librement qui est visé !

Il y a une atmosphère de « guerre civile » qui est volontairement entretenue, en premier lieu  par les autorités. Elle menace de déboucher sur des affrontements communautaristes directs.

Evidemment, ces conflits prétendument « religieux » sont sciemment attisés pour faire écran aux luttes sociales qui se développent dans le pays.

L’institutionnalisation du communautarisme « musulman » a pour corollaire la mise en œuvre du communautarisme des autres religions et « corps sociaux ». Le Vatican fait une offre de service au capitalisme à bout de souffle. Il s’agit pour l’Eglise catholique de tenter de refaire le coup du IVe siècle quand elle proposait ses services à l’Empire romain déclinant, en échange d’une place au soleil. C’est la même tentative en 1891 où Rerum novarum était une offre de service au capitalisme ascendant moyennant un retour du religieux aux affaires temporelles.

Le Vatican offre sa « Doctrine sociale » pour soutenir un système au bord du gouffre. Sa doctrine sociale est l’esprit, l’Union européenne est la matière, les partis gouvernementaux en sont les bras armés. Le communautarisme, c’est le retour aux Trois Ordres. C’est la fin de l’Etat-nation. C’est la remise en cause des fondements de la République et notamment de l’Ecole publique laïque.

Quelle République sauvera l’Ecole laïque ?

L’Ecole publique laïque est un des piliers institutionnels de la République. C’est pourquoi le coup d’Etat du 13 mai 1958 a tout de suite ouvert la voie à offensive antilaïque et antirépublicaine contre l’Ecole. Avec la mise en place de l’Union Européenne, cette offensive s’est poursuivie et aggravée en trois phases successives :

  • Rendre publique l’école privée (loi Debré)
  • Privatiser l’Ecole publique (loi Jospin)
  • Unifier les deux systèmes scolaires sur le modèle du privé (loi Peillon)

La défense de l’Ecole républicaine pose inévitablement le problème d’en finir avec les Institutions bonapartistes et corporatistes de la Ve République. La question reste posée : Quelle République sauvera l’Ecole républicaine ? Le Congrès national de la Libre Pensée de Bourg-lès-Valence pose cette question devant l’opinion publique laïque.

Des succès qui sont gage d’avenir

L’action persévérante de la Fédération Nationale de la Libre Pensée en défense des quatre principes fondamentaux de la Libre Pensée a permis la réussite de différentes initiatives importantes :

  • Déclaration internationale pour la réhabilitation collective des 639 Fusillés pour l’exemple de la Première Guerre mondiale.
  • Appel des descendants des Fusillés pour l’exemple pour que justice soit rendue à leurs familles.
  • Maintien de l’unité autour de la Libre Pensée de l’Association Républicaine des Anciens Combattants, de l’Union Pacifiste de France, du Mouvement de la Paix pour la réhabilitation collective des Fusillés pour l’exemple de 1914-1918.
  • Les prises de positions croissantes des organisations syndicales de la CGT et de la CGT-FO pour la réhabilitation des 639 Fusillés pour l’exemple.
  • L’union laïque réalisée avec la Ligue des Droits de l’Homme, la Ligue de l’Enseignement, l’Union rationaliste, Laïcité-Liberté se renforce régulièrement.
  • Les actions unitaires autour des questions funéraires (fin de vie et salles municipales pour un recueillement civil) avec la Fédération Française de Crémation et l’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité.
  • Les liens réels avec les organisations syndicales issues de la Vieille CGT et de la Charte d’Amiens se sont manifestés les 1er Mai et dans les mobilisations contre la loi corporatiste El Khomri/Hollande/Valls/Berger. La présence régulière de la Libre Pensée au Mur des Fédérés avec le mouvement syndical (cette année en pleine mobilisation contre la loi El Khomri) est plus qu’un symbole, elle est la marque d’une profonde évolution toujours en mouvement.
  • Notre volonté existe aussi avec les organisations de jeunesse, dont l’UNEF, de trouver le terrain d’actions communes sur la défense des Franchises universitaires, de la science et du rationalisme.

La Libre Pensée se retrouve donc véritablement au centre de l’union laïque. Le mouvement laïque se restructure autour d ‘un nouvel axe dont la Libre Pensée est une composante importante.

Le mouvement initié par l’Appel aux Citoyens du Congrès de Chauny en 1984 a trouvé sa réalisation matérielle, grâce à la fermeté de la Libre Pensée sur le véritable contenu de la laïcité : ni plurielle, ni ouverte, ni xénophobe, ni communautariste, ni « chrétienne et blanche ».

Le combat contre le corporatisme et le communautarisme amène l’ensemble des associations laïques, pour le meilleur et pour le pire, à réexaminer leur positionnement antérieur. Il se dégage les tendances suivantes :

La quasi-totalité des organisations historiques se situe, parfois avec des nuances importantes,  sur l’axe traditionnel de défense de la loi de 1905, qui inclut une nette Séparation entre la sphère publique et la sphère privée. La loi de 1905 est une loi de liberté.

La quasi-totalité des micro-associations, nées du vide d’une époque fort heureusement révolue, se situe sur un axe de confusion des sphères et tentent, sans grand espoir de réussite, de conjuguer la laïcité sous forme grandissante d’interdits et de restrictions drastiques des libertés démocratiques. L’exemple de l’affaire de l’Observatoire de la laïcité est très illustratif des menées liberticides et corporatistes. Là aussi, cette offensive a été sévèrement mise en échec.

Les libres penseurs côtoient  désormais quotidiennement  des militants des organisations qui agissent aux côtés de la Libre Pensée sur différents segments du combat universel pour l’émancipation humaine.

Le Congrès national de la Libre Pensée de Bourg-lès-Valence appelle l’ensemble des Fédérations départementales, des groupes locaux, des libres penseurs, à multiplier ces contacts et les actions communes sur la base de nos principes et revendications. Le vivier naturel de développement de la Libre Pensée est en train de se reconstituer.

Fidèle à ses statuts et à ses principes historiques, la Fédération nationale de la Libre Pensée entend préserver sa totale indépendance en toute circonstance. Ceci n’est nullement contradictoire avec le développement des liens avec des militants de toutes origines.

Le Congrès national décide qu’à l’occasion des élections présidentielles de 2017, la Libre Pensée ne questionnera aucun candidat.

 

Vote par mandats demandé.

Résultat :

Pour : 2534

Contre : 21

Abstention : 551