La Libre Pensée écrit à l’Observatoire de la Laïcité

Pour nous suivre
Monsieur Jean-Louis Bianco
Président de l’Observatoire de la laïcité
99 rue de Grenelle
75007 Paris

 

Monsieur le Président,

La Fédération nationale de la Libre Pensée vous remercie de l’envoi de vos deux textes : « Déclaration sur la laïcité » et « Libertés et interdits dans le cadre laïque ». Pour sa part, la Libre Pensée se retrouve dans l’essentiel du contenu de ces très utiles rappels. Nous souhaitons néanmoins, par cette lettre, souligner deux points qui nous semblent importants dans la situation actuelle.

1°)– Il y a actuellement une campagne médiatico-politique (notamment de l’Institut Montaigne, mais pas seulement) qui  dénonce « qu’un quart des musulmans se prononce contre la laïcité ». Si cela est vrai, où est le problème ? Rappelons quelques évidences : en République, on a le droit d’être contre la République. Dans un pays dont les Institutions sont régies par le principe juridique de la  laïcité, on a le droit d’être contre la laïcité. On a une obligation de respecter les lois, on n’a pas l’obligation de les aimer. Le droit de vote a été fait pour pouvoir changer les lois que l’on conteste. Il s’agit, dans ce cas d’espèce,  de contraindre les consciences à un dogme d’Etat, c’est le totalitarisme en marche.

2°)– Vous indiquez dans le deuxième document : « Dans les services de restauration collective des services publics, l’autorité de tutelle, neutre, ne doit pas prendre en compte les prescriptions religieuses en matière alimentaire (par exemple, halal ou casher), mais peut proposer une diversité de menus, par exemple avec ou sans viande. Toutefois, dans certains établissements publics fermés (par exemple, les prisons, les internats ou les hôpitaux) ou dans les armées, en application de l’alinéa 2 de l’article 2 de la loi du 9 décembre 1905, l’autorité de tutelle doit tenir compte de l’impossibilité dans laquelle se trouvent certaines personnes de pratiquer leur religion dans un autre lieu. Le principe de laïcité impose alors de faire en sorte que les personnes puissent respecter les prescriptions en matière alimentaire propres à leurs convictions religieuses dans la mesure où cela n’entraîne pas une perturbation du fonctionnement du service public et ne constitue pas une pression à l’égard de membres du groupe qui n’entendent pas s’y conformer. »

Nous voudrions, à cette occasion, revenir sur le débat de 1905 de cet alinéa de l’article 2. Les adversaires de la laïcité institutionnelle feront tout pour empêcher le vote de la loi de Séparation. Ils n’y arriveront pas, mais réussiront dans une partie de l’article 2, à introduire une contradiction avec la logique séparationniste qui triomphait. Une partie de cet article stipule : « sont inscrits aux budgets, le service de l’aumônerie dans les lycées, collèges, hospices, asiles et prisons ».

Il faut savoir que ce paragraphe a été voté par 6 voix de majorité contre l’avis du gouvernement républicain. Il n’est pas le révélateur de la loi de 1905, il en est le contraire.

Cette partie de l’article de la loi est contradictoire avec le reste du texte qui interdit toute subvention aux cultes. Dans l’esprit des républicains de l’époque, la liberté de conscience proclamée imposait le libre exercice du culte. Or, les militaires, les internes dans les lycées et collèges, les malades hospitalisés et les prisonniers ne pouvaient sortir des établissements susmentionnés pour exercer – en dehors des lieux publics – leur culte. C’est pourquoi, une disposition a été adoptée permettant le libre exercice du culte dans un lieu public pour les personnes enfermées ou empêchées..

Il était juste de faire une dérogation sur les locaux et sur le temps « publics », mais il ne fallait pas accepter que cela soit des fonds publics qui financent les religieux faisant leur sacerdoce « privé » dans un lieu « public ».

La Libre Pensée réaffirme que la laïcité institutionnelle exige le non versement de fonds publics aux religions. Gabriel Deville l’expliquait clairement en 1905 : « les ressources publiques ne peuvent servir qu’à des fins conformes aux buts de l’Etat. Or, les collectivités particulières ne sauraient avoir un pouvoir supérieur à celui de la collectivité générale. Cette collectivité qu’est la nation est un tout dont les règles fondamentales doivent être appliquées sans divergences locales. Que la nation confère aux collectivités partielles certaines de ses prérogatives, je l’admets et je suis partisan d’une large décentralisation administrative ; mais elle ne peut leur reconnaître le droit de s’écarter de ses principes fondamentaux. La neutralité en matière religieuse est un principe essentiel qui, une fois admis, ne doit souffrir d’exception en aucun lieu de la part d’aucun dépositaire, quel qu’il soit, de l’autorité publique. Voilà pourquoi, en droit il est impossible d’accorder, aux départements ni aux communes, la faculté de subventionner les cultes ». Ce raisonnement vaut pour toute la puissance publique et les collectivités publiques.

Pour la Libre Pensée, il est tout à fait logique, normal, démocratique, laïque de ne pas imposer à quiconque une nourriture qui ne lui convient pas et ce pour quelques raisons que ce soit. La Libre Pensée s’est exprimé bien des fois sur ce sujet : nous sommes favorables à des repas de substitution par le choix de plusieurs plats. On ne doit pas forcer quelqu’un à manger du porc s’il est juif ou musulman, à manger de la viande s’il est végétarien ; sans pour autant céder à la pression communautariste du Hallal, du Casher ou d’une secte quelconque.

Nous sommes donc défavorables à ce que l’autorité publique fournisse des repas Casher ou Hallal qui permettent un financement des religions par l’imposition d’une taxe de certification religieuse. Céder à cette injonction religieuse reviendrait à introduire un financement public déguisé et détourné des religions, contrairement aux principes établis par la loi de 1905. 227 ans après 1789, nous ne saurions accepter le retour d’une dime religieuse.

Nous restons à votre disposition pour toute rencontre pour échanger sur ces points ou sur d’autres.

Veuillez agréer, monsieur le Président, l’expression de nos sentiments distingués.

Pour la Fédération nationale de la Libre Pensée,
Le Président :  Jean-Sébastien Pierre