Etat d’urgence : Le Conseil constitutionnel introduit un caillou dans le soulier d’Emmanuel Macron

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A peine élu, le huitième Président de la Cinquième République a revêtu à la hâte les habits de César, si plaisants à ses yeux, mais si lourds à porter. Elevé chez les jésuites et nourri de la Doctrine sociale de l’Eglise par son mentor, Henri Hermand, ancien éditorialiste de la revue La Quinzaine du groupe La Vie catholique, il considère que le catholicisme lui a permis d’acquérir « une discipline de l’esprit ». Cette affirmation explique sa présence passée au comité de rédaction de la revue Esprit comme son amour passionné de l’ordre. Il se repaît de sa qualité de chef des armées.

Il s’est également montré peu attaché à la liberté de la presse, comme l’a montré récemment  la déclaration de 11 sociétés de journalistes. Enfin, lors du deuxième Conseil de défense, qui s’est tenu le 24 mai dernier, il a annoncé son intention de prolonger à nouveau, jusqu’en novembre 2017, l’état d’urgence. Institué par la loi d’exception du 3 avril 1955, durant la guerre d’indépendance de l’Algérie, celui-ci a pour objet de limiter les libertés publiques et individuelles, en l’absence de contrôle du juge judiciaire, « soit en cas de péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public, soit en cas d’évènements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique ». Parce que ces conditions ne sont plus réunies depuis longtemps, le Président de la République envisage de faire voter une nouvelle loi antiterroriste qui pérenniserait celle de 1955 en toutes ses dispositions.

Les projets du Président de la République risquent d’être contrariés. Dans une décision du 9 juin 2017 (CC, 9 juin 2017, n° 2017-635 QPC), saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité par le Conseil d’Etat, qui avait d’ailleurs publiquement indiqué que l’état d’urgence ne pouvait être indéfiniment reconduit, le Conseil constitutionnel vient de déclarer contraires à la Constitution du 4 octobre 1958 les dispositions du 3° de l’article 5 de la loi du 3 avril 1955 donnant au Préfet le pouvoir d’« interdire le séjour dans tout ou partie du département à toute personne cherchant à entraver, de quelque manière que ce soit, l’action des pouvoirs publics ». Conformément aux moyens des requérants, une association et une personne ayant fait l’objet d’une assignation à résidence, il a estimé que le législateur, s’il est fondé à prévoir un état d’urgence, doit néanmoins « assurer la conciliation entre, d’une part, la prévention des atteintes à l’ordre public et, d’autre part, le respect des droits et libertés reconnus à tous ceux qui résident sur le territoire de la République » notamment « la liberté d’aller et venir, composante de la liberté personnelle protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 » ainsi que « le droit de mener une vie familiale normale qui résulte du dixième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 » repris par celle de 1958.

Or, en l’espèce, l’entrave à « l’action des pouvoirs publics », une notion excessivement large, ne saurait être assimilée à une « atteinte à l’ordre public », seule de nature à justifier, selon le Conseil constitutionnel, des mesures particulières. Celui-ci a donc déclaré contraires à la Constitution de 1958, les dispositions du 3° de l’article 5 de la loi du 3 avril 1955 et fixé au 15 juillet 2017 le terme du court délai imparti aux pouvoirs exécutif et législatif pour procéder à leur abrogation. Dans ces conditions, parmi les quelque quatre cents assignations à résidence prononcées depuis le 15 novembre 2015, celles l’ayant été pour ce motif devraient être levées.

Toutefois, les quatre mille perquisitions administratives, y compris de nuit, les 426 gardes à vue et les 430 interdictions de sorties du territoire recensées depuis le 15 novembre 2015 demeurent autant d’atteintes irrévocables aux libertés individuelles constituées par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789. La loi sur l’état d’urgence a également servi à empêcher la manifestation de rue de la Libre Pensée prévue le 5 décembre 2015 pour célébrer la loi concernant la Séparation des Eglises et de l’Etat du 9 décembre 1905 ou à tenter d’interdire un puissant défilé syndical contre la loi El Khomri au printemps 2016. La Libre Pensée a pu néanmoins imposer la réunion publique du gymnase Japy, qui fut un immense succès.

La Fédération nationale de la Libre Pensée exige, pour garantir notamment la totale liberté de conscience :

La levée immédiate de l’état d’urgence !
L’abrogation sans délai, des lois d’exception !

 

Paris, le 14 juin2017