Résolution générale

Pour nous suivre

Corporatisme contre Démocratie

Le Congrès national de la Libre Pensée de Bourg-lès-Valence (août 2016) analysait la situation de la manière suivante : « Le corporatisme et le communautarisme viennent de subir un échec. Un nouvel ordre politique et économique tente insidieusement de se mettre en place : l’Ordre corporatiste.

Au-delà de la remise en cause actuelle importante des acquis sociaux, ouvriers et syndicaux, il s’agit d’une offensive pour atomiser la démocratie, dont la classe ouvrière est constituante, pour en revenir à une situation de concurrence entre les salariés, dénoncée déjà en son temps par Karl Marx, pour individualiser les rapports sociaux, donc politiques.

C’est le retour au contrat individuel de « louage de services », comme sous le régime de la loi Le Chapelier, les « coalitions » et les grèves seraient des délits ! Il faudrait pour les thuriféraires de ce nouvel ordre corporatiste, faire basculer la classe ouvrière organisée et consciente (« classe pour soi ») vers une situation de classe atomisée et inconsciente (« classe en soi »).

La loi El Khomri vise à briser le caractère de classe sociale des producteurs, pour enfermer les salariés dans les entreprises, à la botte du patronat, en brisant leur unité matérialisée par les Conventions collectives de branche. En tentant de bouleverser le Code du Travail, c’est l’expression centralisée et nationale de la classe ouvrière qui serait possiblement disloquée.

Le gouvernement malgré cela a persisté et a promulgué sa loi en utilisant les dispositions antidémocratiques de la Vème république, avec le 49-3 ».

Une nouvelle offensive

Après avoir été mis en échec par un formidable mouvement social, caractérisé par l’unité des syndicats se réclamant de la Charte d’Amiens, le Capital et la Finance ont modifié leur dispositif politique de « gouvernance ». La résistance opérée a provoqué un tsunami entrainant la disparition de la scène politique de tous les protagonistes de la loi Travail : François Hollande (Président de la République), Manuel Valls (Premier Ministre), de Myriam El Khomri (Ministre du Travail) et Jean-Christophe Cambadélis (Premier secrétaire du PS). Ce fut la conséquence directe du ralliement du Parti socialiste aux Institutions de la Vème République et à l’économie de marché. Estimant que les partis institutionnels, qui se partageaient le pouvoir, depuis des décennies, dans le cadre des institutions réactionnaires de la Ve République, avaient tous échoué dans la mise en œuvre des plans nécessaires à l’extraction de la plus-value et à la dislocation de la classe ouvrière, plans dictés par la Banque mondiale, le FMI et l’Union européenne, ceux-ci ont décidé de prendre directement les rênes du pouvoir en le confiant à Emmanuel Macron, incarnation de la Finance jusque dans les moindres détails.

Au passage, les mêmes ont pulvérisé les partis institutionnels pour « services non-rendus », ce qui plonge ces partis dans une crise qui touche à leur existence même. Le Président de la République, dans son discours devant le Congrès réuni à Versailles le 3 juillet 2017, a clairement indiqué que la forme « parlementariste » des institutions devait être réduite au minimum, tant dans sa forme (le nombre d’Elus) que dans ses missions (faire la loi). Il parachève ainsi la destruction des partis institutionnels.

C’est la main mise complète de l’Élysée sur toute forme d’expression « politique », il n’y a désormais plus de marge de manœuvre. C’est le sens de l’humiliation faite au Premier Ministre qui a du parler après lui, comme un simple collaborateur.

Ce pouvoir est suspendu dans le vide, élu avec 15% au premier tour et par 43,65% au second, par défaut; avec 16 millions de citoyennes et citoyens qui ont refusé cette farce électorale, cette élection a été entièrement fabriquée du début à la fin. Ce pouvoir n’a aucune légitimité, la puissante lutte des classes l’a empêché d’en avoir une. La vie politique devient un théâtre d’ombres. La lumière viendra d’ailleurs, comme dans la caverne de Platon.

Après avoir été mis en échec par le mouvement syndical uni, le Corporatisme repart à l’offensive sur ces deux aspects : le social et l’économique. C’est la fin des partis traditionnels comme instruments, au profit des entreprises devenant l’axe central de la société. Emmanuel Macron, c’est le corporatisme en marche. Son projet institutionnel s’inspire du projet pétainiste et de celui de de Gaulle de fusion du Sénat et du Conseil Économique et Social, qui avait été balayé en 1969.

Les mêmes causes risquent de produire les mêmes effets.

Tout par l’entreprise, tout pour l’entreprise : c’est le Capital qui commande, ouvertement. Il n’y a plus besoin donc de partis nationaux, ni de tenir compte de la classe ouvrière comme classe nationale. Il faut l’atomiser pour mieux l’exploiter. Le Travail doit être subordonné au Capital et ce, sans aucune limite.

L’offensive corporatiste vise tous les domaines : le social, l’économique, la laïcité, l’Ecole, les libertés. Il lui faut détruire le caractère national des acquis sociaux, laïques et démocratiques. L’enseignement est aussi un champ d’interventions, on l’a vu avec les décrets Hamon qui ont pavé la voie à la réforme du collège, à l’intrusion des intervenants extérieurs, à la destruction du statut national d’enseignant, à la loi Peillon et aux mesures VallaudBelkacem, et ensuite de celles de Blanquer qui, si elles semblent revenir sur des points litigieux, s’inscrivent, comme les précédentes réformes, dans le cadre du maintien de la territorialisation.

Il y a continuité et non rupture. Chacune de ces mesures a préparé la suivante.

Le rôle de l’Église catholique

L’offensive néo-corporatiste puise ses sources et ses moyens dans la Doctrine sociale de l’Église et sa théorie du « Bien Commun » défini par les encycliques dites « sociales ». S’il y a une différence quantitative avec des régimes autoritaires du passé, c’est le même fond qualitatif qui est présent aujourd’hui : la négation de la lutte des classes au profit de l’association Capital/Travail.

Ainsi  recevant mercredi 28 juin au Vatican les délégués de la Confédération italienne des syndicats de travailleurs (CISL), un des principaux syndicats italiens, le pape François a exhorté les syndicats à répondre à leur « mission prophétique ». « Le syndicat naît et renaît toutes les fois que, comme les prophètes de la Bible, il donne la parole à qui ne l’a pas, dénonce le pauvre vendu pour une paire de sandales, démasque les puissants qui piétinent les droits des travailleurs les plus fragiles, défend la cause de l’étranger, des derniers, des déchets », a-t-il expliqué. » (Radio Vatican, le 30/06/2017). Il n’y a plus d’intérêts divergents, il faut être En Marche ! vers la collaboration de classe, applaudir quand le chef l’ordonne, se soumettre à la pensée unique comme à celle d’un message divin.

Philippe Pétain, chef de l’État Français national-catholique, autre partisan de la participation des travailleurs à la gestion de l’entreprise – sans toucher à la propriété-, est l’auteur en 1941 du texte qui suit :

« Les causes de la lutte des classes ne pourront être supprimées que si le prolétaire qui vit aujourd’hui, accablé par son isolement, retrouve, dans une communauté de travail, les conditions d’une vie digne et libre, en même temps que des raisons de vivre et d’espérer. Cette communauté, c’est l’entreprise. Sa transformation peut, seule, fournir la base de la profession organisée, qui est elle-même une communauté de communautés. Cela exige qu’une élite d’hommes se donne à cette mission. Ces hommes existent parmi les patrons, les ingénieurs, les ouvriers.

C’est à eux d’abord que je fais appel, je leur demande :

1°- De se pénétrer de la doctrine du bien commun au-dessus des intérêts particuliers, de s’instruire des méthodes d’organisation du travail capables de permettre à la fois un meilleur rendement et plus de justice, en donnant à chacun sa chance dans l’entreprise et dans la profession. (…) Tous les travailleurs, qu’ils soient patrons, techniciens, ouvriers, sont aux prises chaque jour avec des difficultés nouvelles, conséquences de la situation présente de notre pays.

Il est donc urgent qu’ils aient la possibilité de défendre leurs intérêts légitimes, d’exprimer leurs besoins et leurs aspirations. Il est indispensable de créer des organismes qui puissent résoudre vite les questions posées ou s’ils ne peuvent les résoudre eux-mêmes, donner à l’État des moyens de le faire, sans que ses décisions soient paralysées par une connaissance insuffisante des problèmes ou par une organisation administrative trop lente à se mouvoir. »

(Discours de St Etienne – 1er mars 1941)

Ceci est très exactement le programme qu’a promis et que met en œuvre Emmanuel Macron aujourd’hui. L’État doit être un régulateur au service du Capital et de la Finance dans la doctrine corporatiste. Il ne peut en aucun cas être un instrument de défense et de conquête des acquis sociaux de la classe ouvrière. L’État doit être un arbitre qui marque toujours contre le même camp : les travailleurs.

L’Église a reconnu les siens : Emmanuel Macron et En marche ! (vieux slogan du Régime de Vichy et de la participation gaulliste). C’est illustratif par la formation du Président de la République et aussi par son électorat. C’est ainsi que l’électorat catholique s’est massivement détourné du Parti socialiste eu profit de En marche !, notamment en Bretagne « terre d’élection du catholicisme social » où il ne reste rien des électeurs de la rue de Solférino. L’Église a choisi.

Fidèle à sa tradition millénaire, l’Église avait aussi un autre fer au feu : Sens commun avec François Fillon, qui lui ont permis de remporter la primaire de la Droite et qui l’ont fait perdre au Premier tour. Dans tous les cas : Macron, Fillon, Hamon, Le Pen : ses agents devaient l’emporter. Même s’il y a des différences très importantes entre eux, il ne faut pas oublier que tous ont été élevés au biberon de la Doctrine sociale de l’Eglise, les uns par le Régime de Vichy, les autres par Michel Rocard. Il y a fort à parier que le nouveau Président de la République ira chercher son titre de chanoine du Latran prochainement.

Il ne faut pas être grand clerc pour voir que toutes les réformes de l’enseignement puisent aussi aux conceptions de l’Église catholique : privatisation, dislocation, territorialisation, caractère propre. Il lui faut en finir avec une École publique, laïque, nationale qui émancipe.

Jamais un gouvernement n’a été à ce point clérical, nombres de ministres ont eu le « bonheur » de figurer dans l’ouvrage de la Libre Pensée « Les Hommes du Vatican ». Le gouvernement Macron/Philippe, c’est le corporatisme social incarné, en théorie et en pratique.

Le corporatisme, c’est aussi la fin des libertés démocratiques

Depuis novembre 2015, le pays est régi tout entier par l’État d’urgence, dont la Libre Pensée n’a cessé, avec notamment la Ligue des Droits de l’Homme, d’exiger la levée immédiate. Insidieusement, puis ouvertement, le pouvoir veut habituer la population à côtoyer les militaires en armes et en uniformes, c’est la militarisation croissante de la société et la remise au rencart des libertés démocratiques.

Utilisant les actes terroristes, l’État a fait passer la situation, de la surveillance du pouvoir par les citoyens, au contrôle des citoyens par le pouvoir. La situation est devenue si préoccupante que Jacques Toubon, Défenseur des Droits a dénoncé « une pilule empoisonnée » : « le risque de dissoudre la cohésion nationale en stigmatisant une partie de la population au nom de sa religion »

Il s’agit pour l’État, en promettant la « fin de l’état d’urgence » à Versailles, le 3 juillet 2017, d’intégrer, en fait, toutes les mesures liberticides dans le droit commun et permanent. Emmanuel Macron promet la suppression de l’état d’urgence en novembre, mais rien ne changera en réalité. Les libertés démocratiques sont mises sous le boisseau de la raison d‘État.

La loi sur la sécurité, c’est la police partout et la justice nulle part. Pour les tenants de l’Ordre, il n’y aura jamais assez de contrôle et de répression. La démocratie, au contraire, c’est le droit et non « toujours plus de policiers » et « toujours moins de magistrats ».

Un exemple, pour illustrer ce qui est en jeu, est à lui seul révélateur. Voici une question posée aux élèves lors du nouveau DNB (Diplôme National du Brevet) :

« Vous avez été choisi(e) pour représenter la France au prochain sommet de l’Union Européenne. Vous êtes chargé(e) de réaliser une note pour présenter une mission des militaires français sur le territoire national ou à l’étranger. Montrez en quelques lignes que l’armée française est au service des valeurs de la République et de l’Union Européenne ».

Mais le vent est en train de se lever

Ce pouvoir a une apparence, celle de « Jupiter », il a une réalité, celle du néant : il n’a aucune base sociale ni politique. Les élections ont été « organisées » de bout en bout. Cependant, des millions d’électeurs ont voté pour le candidat de la France insoumise, se sont abstenus, ont voté blanc ou nul ; et, au second tour, 16 millions ont fait la « grève du vote ». Ces faits mettent en évidence le rejet croissant du système politique qui nous gouverne. Le dispositif craque de toute part. Il se disloquera au premier choc sérieux.

Il suffit ainsi que le Conseil constitutionnel « mette un caillou dans la chaussure de Macron » sur l’état d’urgence, pour qu’une véritable crise se manifeste. Le pouvoir, s’il tente d’utiliser des lettres de cachet, n’a pour autant aucun blanc-seing, y compris d’une partie des institutions. De même, la jurisprudence administrative, au plus haut niveau, sur la question des crèches chrétiennes dans les bâtiments de la République, montre à l’évidence que la Révolution française, ses fondements et ses acquis s’expriment dans tous les interstices de la société et du Droit.

La puissance du mouvement social contre la loi El Khomri qui a vu de bout en bout l’unité syndicale avec les organisations de jeunesse, vit dans la conscience de millions de femmes et d’hommes de ce pays. Il n’est au pouvoir de personne d’effacer ce rapport social et politique.

Il y a plus qu’une résistance du dernier carré. Les forces en présence se préparent à un affrontement gigantesque. Le mouvement ouvrier, démocratique et laïque s’appuie sur tous ses acquis et forces accumulées depuis des décennies de combat. L’union de classe n’a pu être brisée, malgré toutes les manœuvres tentées. C’est dire que la puissance sociale est immense.

Pour la première fois depuis longtemps, le résultat des élections (7 millions pour Jean-Luc Mélenchon au premier tout et 16 millions de grévistes du vote au second tour) ont été une réfraction positive du rejet des institutions et des plans réactionnaires.

À sa place, la Libre Pensée participe de ce mouvement et de ce rapport de force. En œuvrant depuis des décennies pour la reconstruction du mouvement laïque sur un nouvel axe (Congrès de Chauny 1984), son action persévérante et continue s’est concrétisée par le succès de l’Appel des Laïques qui, pour la première fois depuis le Serment de Vincennes (1960) a vu plus que l’essentiel du camp laïque se regrouper sur ses positions de principes de toujours.

Il est donc tout à fait normal que le ban et l’arrière-ban de la réaction, par des biais divers, mais complémentaires, se liguent contre ce succès indéniable. Alliant xénophobes antimusulmans (comme au bon vieux temps de la Coloniale), prébendiers malchanceux, sicaires en mal d’aventures sans lendemain ; ce conglomérat sera balayé comme un fétu de paille au premier choc.

Aujourd’hui un espace s’ouvre à nouveau pour le développement de la Fédération Nationale de la Libre Pensée. Des milliers de laïques authentiques, des syndicalistes fidèles au combat de classe, des militants politiques qui veulent mettre à bas la Vème République, des citoyennes et citoyens qui veulent reconquérir la démocratie et la République… : tous ceux-là sont disponibles pour agir avec la Libre Pensée. Il suffit de vouloir leur ouvrir les portes.

Pour mesurer aussi les avancées réalisées par la Libre Pensée, il convient de se reporter aussi au 7ème Congrès mondial de l’Association internationale de la Libre Pensée de Paris (Septembre 2017). Alors que depuis la Guerre froide, l’Union mondiale des libres penseurs n’a cessé de décrépir sous le poids de l’intervention des deux blocs, cela a entrainé la disparition ou la transformation des associations de Libre Pensée en tout autre chose que ce qu’elles devaient être ; à l’inverse il convient de noter que TOUTES les formes internationales représentant la laïcité, la Libre Pensée, l’Athéisme, l’Humanisme, les Sceptiques, les Agnostiques et même la Franc-Maçonnerie adogmatique, dite libérale, seront présentes, sous une forme ou sous un autre à notre congrès international.

Pour consolider ce premier succès déjà acquis, le Congrès national de la Libre Pensée d’Evry appelle les libres penseurs de la FNLP à se mobiliser massivement pour en assurer le succès quantitatif.

Cette résolution est complétée par les résolutions : Internationale, Antimilitariste, Sociale, sur l’Egalite des droits et sur Droit et Laïcité

Votée à l’unanimité moins :

9 Contre

et

6 abstentions