Pour un Manifeste de la Libre Pensée pour la science

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Un Manifeste pour défendre les Sciences

La laïcité et la Libre Pensée sont indissolublement liées à la défense du rationaliste, du matérialisme et à la défense de la Science. Dans ce Manifeste, la Libre Pensée a condensé toute son analyse et ses actions pour sauvegarder l’Humanité de la nuit noire de la barbarie et de l’obscurantisme.

Un Manifeste  pour la Science qui fait le point et qui trace des perspectives d’avenir.

A lire sans modération.

1. Liberté complète de la recherche fondamentale

« La Libre Pensée se réclame de la raison et de la science ». Cette phrase extraite de notre déclaration de principes n’a rien d’anodin. La recherche scientifique comporte plusieurs volets :

  • La recherche scientifique fondamentale qui explore un domaine dans le seul but de développer les connaissances,
  • La recherche finalisée qui développe des connaissances dans l’objectif d’aboutir ensuite à une procédure et à une technologie,
  • La recherche appliquée, souvent technologique, qui, utilisant les connaissances acquises, permet de poser les bases de la réalisation dans la production d’une technique, d’une procédure.

Ces trois types de recherche sont à distinguer de la production industrielle elle-même qui ne relève pas du champ de l’activité scientifique.

Par ses méthodes, la science a un caractère universel, elle n’est ni du nord ni du sud, ni du monde occidental et ne relève pas d’un modèle culturel, bien que soumise comme toutes les activités humaines au type de développement économique et juridique de la société.

Nous sommes inconditionnellement pour le développement de la recherche scientifique, et contre toutes les entraves que d’aucuns veulent lui opposer. La compréhension des lois de la nature est un levier puissant pour l’émancipation humaine. Liberté totale, donc, de l’investigation scientifique.

Nous sommes inconditionnellement :

Contre les cléricaux de toute nature, à commencer par l’Église Catholique et son chef de file Josep Ratzinger, dit XVI, Benoît, qui condamnent la recherche sur l’embryon humain au nom d’une transcendance divine totalement inventée, qui s’exprimerait lors de la fécondation. Partisans de l’ignorance qui prétendent arrêter le cours de la pensée et de la science quant à l’évolution des espèces, en feignant d’admettre le darwinisme à condition qu’il respecte la « frontière de l’âme », déniant aux chercheurs la capacité d’expliquer la pensée par le seul fonctionnement du cerveau. Valets d’une église qui prétend s’approprier la destinée humaine de la conception à la mort et intrigue contre toute avancée médicale et sociale permettant de libérer hommes et femmes de leur soumission à la fatalité biologique.

Contre les obscurantistes de toute nature qui brandissent l’éthique, lorsque cela les arrange, comme un moyen de faire barrage à l’investigation scientifique. Contre les philosophes postmodernes qui professent gravement que la science n’est que langage ou convention sociale, mode de connaissance parmi d’autres au même titre que la religion, le chamanisme, l’astrologie ou que sait-on encore. Ceux-là nient purement et simplement le réel, et le matérialisme méthodologique qui fonde la démarche scientifique. Ils ne cessent d’affaiblir la recherche et de tenter de la contrôler.

Contre les « lanceurs d’alerte » relevant des lobbies écologistes, prêts à brandir le « principe de précaution » devant tout risque, même imaginaire, posé par une technologie nouvelle, et prêts pour cela à condamner la recherche d’amont qui les sous-tend. En dix ans, les commandos de faucheurs volontaires, animés par José Bové et d’autres activistes du même ordre, ont réussi, en attaquant les laboratoires publics à quasiment arrêter la recherche biotechnologique en France et en Allemagne, laissant paradoxalement les mains libres, au niveau mondial, aux multinationales du type Monsanto qu’ils prétendaient combattre. Il ne suffit pas d’exhorter les scientifiques à « sortir de leur tour d’ivoire » où ils seraient enfermés, pour défendre leurs programmes de recherche devant les « assemblées citoyennes » de la « démocratie participative ». Selon le mot de l’ONG ATTAC, il faudrait que la « science entre en démocratie ». L’objet de la science est le vrai, et le vrai ne se vote pas.
Contre les pouvoirs publics de la majorité des pays développés qui ne cessent de multiplier les contre-réformes visant à « piloter » la recherche scientifique dans le sens d’une prétendue « demande sociétale » qui ne recouvre en fait que les intérêts économiques privés. Dans le monde entier, la chasse est faite aux secteurs jugés non rentables et aux investigations dénuées de promesses de retour sur investissement, car menées par des chercheurs ne se préoccupant pas des applications possibles de leurs éventuelles découvertes et ce en dépit du fait que la recherche fondamentale a toujours richement pavé le chemin de la connaissance, et entraîné de nouveaux et féconds développements scientifiques. Cette politique entraîne la quasi-extinction de certaines disciplines, tant au niveau de la recherche elle-même que de la transmission des connaissances. En France c’est la politique d’« excellence » développée par Sarkozy, avec ses pôles de compétitivité destinés à étouffer tout le reste du territoire et des disciplines.
Contre l’Union européenne et le processus de Bologne, qui inspirent très directement toutes les mesures précédemment citées. Un processus avec lequel la rupture est indispensable.
Face à ce chœur composite visant à contraindre par tous moyens la liberté des chercheurs, rappelons cette citation d’André Lorulot :
« Mais elle [l’Église – ndr] sait également que la lumière scientifique dissipe sans pitié les nuages ténébreux du mysticisme religieux. Les prêtres savent que la science tuera la foi, ruinera les dogmes et les révélations, libérera la clientèle des prêtres… Et c’est pourquoi ils s’empressent à critiquer la science ! »

En conclusion, afin de garder la plus grande liberté de recherche scientifique au sens large, il est nécessaire que les chercheurs… 1) disposent du statut dérogatoire de la fonction publique d’État qui les met à l’abri des pressions de la société tout en étant évalués a posteriori par leurs pairs dans des institutions scientifiques nationales sur des critères scientifiques ; 2) disposent de crédits de fonctionnement et d’équipement à un niveau suffisant leur permettant de mener leurs travaux.

2. Encadrement par la loi commune : pas de loi d’exception pour la recherche.

Mais, nous dira-t-on, les expériences scientifiques peuvent être dangereuses, nocives pour les sujets d’étude humains, cruelles vis-à-vis des animaux, etc.

Ceci n’a rien à voir. Activité sociale, la science ne peut se soustraire à la loi commune, ce qui ne constitue en aucun cas une entrave à la liberté d’investigation. Conformément à la tradition juridique issue de la philosophie des Lumières et de la Révolution française, « la liberté des uns s’arrête là où celle des autres commence. » Prenons l’exemple des neurosciences, actuellement dans le collimateur du pape Ratzinger. La liberté de la recherche consiste en ce que la recherche sur le fonctionnement du cerveau, animal et humain, soit licite, dans le but de comprendre cette formidable énigme qu’est la pensée consciente. La réglementation de la recherche veut que les sujets humains soient préservés de toute souffrance, respectés dans leur intégrité d’individus, capables de témoigner lucidement de leur consentement éclairé, etc. Concernant les animaux, leur appareillage doit s’effectuer sans souffrance, avec l’anesthésie nécessaire, en évitant autant que faire se peut traumatismes et stress, sauf en cas d’absolue nécessité (lorsque le stress est lui-même sujet d’étude). Ces réglementations indispensables, mises en place progressivement, sont œuvre de civilisation et ne visent pas à interdire des sujets de recherche par principe.

Au premier chef, nous sommes, comme les personnels de la recherche et les syndicalistes, partisans du respect de l’hygiène et de la sécurité dans les laboratoires, de l’application pleine et entière du droit du travail.

La question est de savoir comment cette réglementation doit être élaborée, sur la base de la raison, et non sur celle de préjugés communautaires ou religieux, sur la base de propositions élaborées et discutées par les élus du peuple et non d’oukase de lobbys ; l’esprit républicain, laïque et démocratique demande que la recherche scientifique soit soumise à la loi commune.

3. La bioéthique : cache-sexe du contrôle clérical

Le débat « bioéthique » (terme impropre) tend à se généraliser à tous les aspects des sciences de la vie et peut-être à l’ensemble de la recherche. Certains ont proposé de faire prononcer un « serment éthique » prétendument inspiré du serment d’Hippocrate aux jeunes chercheurs lors de leur soutenance de doctorat.

Les médecins, qui ont charge de guérir, ce qui n’est nullement l’objet premier de la recherche scientifique, sont légitimement attachés aux principes contenus dans le serment d’Hippocrate. En Grèce, cependant, la brutalité du « mémorandum » imposé par la « troïka » les oblige à y renoncer dans les conditions les plus cruelles : les cancéreux doivent désormais payer eux-mêmes leur chimiothérapie, ce qui peut représenter de 50 000 à 100 000 euros. Tandis que l’on glose sur la supposée nécessité de rendre les scientifiques sensibles aux problèmes éthiques, la barbarie la plus odieuse s’installe.

En fait la pression « éthique » sur les chercheurs a pour seul objectif de les culpabiliser dès leur début de carrière, de rendre la recherche fondamentale responsable des mésusages de la science, et d’instaurer un contrôle moral sur la Science. Nous réaffirmons que la science est amorale, elle ne peut être immorale, car la morale est hors de son champ.

Les bonnes âmes cléricales n’ont de cesse de détourner à l’envi la maxime de François Rabelais : « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme ». Ainsi s’exprime la méfiance intéressée contre la connaissance. Cela dure depuis la Bible (genèse) « tu ne mangeras point du fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal ». Souvenons-nous de la parole terrible de Joseph de Maistre : « L’ignorance est supérieure à la science, car elle vient de Dieu, tandis que la science vient des hommes ». Il ne faisait que prolonger la tradition obscurantiste de Bernard de Clairvaux, persécuteur d’Abélard, qui est celle de toute l’Église encore aujourd’hui.

C’est pourquoi déjà lors de son congrès de Foix la Libre Pensée s’était prononcée pour la dissolution des comités d’éthique.

4. Liberté complète de la recherche technologique, contrôle responsable des mises en œuvre des procédés et productions associés.

Poser des interdits a priori sur la recherche technologique relève également d’une forme d’obscurantisme. Cependant, le développement des applications pose des problèmes particuliers : il s’exerce dans le cadre capitaliste de la propriété privée des moyens de production, et constitue, par le biais des contrats, un moyen d’asservissement et de privatisation de la recherche. C’est à l’État démocratique d’assurer et de garantir l’indépendance de jugement des chercheurs pour lutter à la fois contre les interdits relevant de l’obscurantisme et des dogmes, mais aussi contre l’exploitation capitaliste des moyens de production et la privatisation de la recherche fondamentale ou appliquée.Force est de constater qu’il y a loin de cet idéal à la réalité. Au contraire, les chercheurs et enseignants-chercheurs fonctionnaires sont poussés à passer des contrats avec le privé pour faire face au désengagement financier de l’État. Le nombre de contrats et les brevets tendent à devenir une valeur positive d’évaluation, à l’instar des publications. Or, la conception de Recherche et Développement de la plupart des firmes privées est aux antipodes de celle des chercheurs : les valeurs du secret et de la dissimulation priment sur celles de la publicité (publications et diffusion) des procédés. Les Universités et les directions des grands organismes doivent plus aider les chercheurs à garantir leur liberté de publication lors de la négociation des contrats de développement avec le privé. Pour cela, la privatisation de la recherche signifierait son agonie au plan international. La connaissance scientifique ne peut progresser que sur la base de la publicité pleine et entière des publications, qui seule garantit le caractère objectif de la science par la vérification des pairs.

Pour autant, faut-il condamner par principe les technologies nouvelles telles que le génie génétique (OGM) ou les nanotechnologies ? Beaucoup le pensent sur la base du fait que ces technologies nouvelles sont moyens de profits et de mise en captivité des marchés par les firmes multinationales, et que la quête du profit prime sur la sécurité des individus. À ce titre, ils en déduisent qu’il faudrait interdire toute innovation.
Si les recherches sur la dangerosité éventuelle des technologies nouvelles doivent être menées concomitamment en toute indépendance des firmes susceptibles de les produire, nous pensons que c’est avant la mise à la disposition du public que la sécurité de la population doit être assurée par des tests aussi complets que possible, avec évaluation périodique des effets observés. Là encore, on constate, que ce soit dans le domaine des médicaments, de l’agriculture, de la chimie, que la tendance générale est à la fermeture à l’affaiblissement ou à la privatisation de tous les organismes publics chargés de la veille sanitaire, de la sécurité alimentaire, de la surveillance du territoire. Notons que cette dégradation profonde n’est relevée par aucune organisation dite « écologique », ces lobbies s’obstinant au contraire à dénoncer les structures qui existent au lieu d’exiger leur renforcement ou simplement leur établissement. Ainsi, le Service national de la Protection des végétaux, dont les avertissements agricoles permettaient de limiter quelque peu l’usage des produits phytosanitaires, a-t-il été dessaisi de cette tâche par le gouvernement Sarkozy, parce que « non régalienne ». Pulvérisés et atomisés, les avertissements agricoles sont désormais supposés être repris par tous et n’importe qui : instituts techniques, coopératives, et pourquoi pas les firmes productrices elles-mêmes. Une étude complète serait à faire sur ce démantèlement – imposé largement par l’Union européenne au nom de la réduction des déficits – de tout le tissu de surveillance publique du territoire.

5. La recherche de moyens de destruction ne relève pas des finalités essentielles de la recherche scientifique.

Antimilitariste, la Libre Pensée ne peut que s’opposer au développement d’une recherche technologique d’outils de destruction sous la férule des marchands d’armes et de leurs clients : les forces armées des grands pays impérialistes. Nous affirmons avec force : l’atome militaire, la mise au point d’armes bactériologiques, de mines antipersonnel, de drones hypersophistiqués destinés à mater les rébellions sans risques humains pour les armées dominantes, des armes « no kill » capables, sans faire dans l’immédiat de victimes humaines, de réduire des villes entières à la famine et à la misère par destruction de tout leur réseau électrique. Tout cela ne découle pas mécaniquement de la recherche scientifique qui est fondamentalement motivée par l’accroissement désintéressé du savoir. Tout cela découle bien plutôt de l’application de ce savoir pour des fins contraires à l’amélioration des conditions de vie de l’humanité, la recherche se trouvant alors subordonnée à des fins de destruction. Subordonner le savoir à de tels intérêts qui lui sont extérieurs participe de la barbarie. Remarquons d’ailleurs que cette barbarie-là est benoîtement ignorée de nos bons pères éthiciens de l’Église comme du secteur « laïc » (nous employons à dessein cette orthographe, désignant bien ceux qui, sans être clercs, ne sont pas forcément indépendants de la pensée cléricale). Sacrifier un embryon congelé au stade huit cellules pour une opération de recherche, quelle horreur ! Laissez les vivre ! Quel immense problème éthique ! Mais que dans tel ou tel service de Recherche et Développement militaire on améliore les bombes à fragmentation, c’est un souci mineur ! Comme le disait un philosophe catholique, « La biologie pose des problèmes éthiques parce qu’elle touche à l’être, la physique n’en pose pas ». On comprend pourquoi, le 9 août 1945, le pieux journal « La Croix » titrait en pleine page : « Une bombe atomique ravage la ville japonaise d’Hiroshima : une découverte scientifique sans précédent ». Brûlés, irradiés, aveuglés, unijambistes, réjouissez-vous, vous êtes atteints dans votre chair, mais non dans votre être. Entre le sabre et le goupillon, il est de grandes convergences éthiques…

La libre pensée s’élève contre l’éligibilité des recherches militaires dans les appels d’offres publics. Rien n’interdit actuellement, en France par exemple, de construire un projet de recherche, européen ou de l’ANR (Agence Nationale pour la Recherche), comportant un ou plusieurs volets militaires. Ainsi recherche civile et militaire peuvent-elles être discrètement confondues. À tout le moins, dans un cadre démocratique et républicain, s’il s’avérait que les armements de la nation dussent faire l’objet d’un maintien au niveau technologique adéquat dans un strict point de vue de défense nationale (point de vue qui, historiquement n’a jamais été respecté), cela devrait se faire de manière contrôlable par le peuple souverain et sur la base de financements particuliers et identifiables. Guerre à la guerre, ce sont toujours les mêmes qui paient les guerres de leur chair et de leur sang, ces mots d’ordre de la tradition antimilitariste populaire ont leur répercussion et leur conséquence sur le terrain de la recherche.

6. Importance de l’enseignement des sciences et de l’esprit scientifique

On assiste petit à petit à une désaffection des jeunes vis-à-vis des études et carrières scientifiques. La réduction et la perversion des programmes du secondaire, notamment en SVT, par ceux-là même qui devraient les défendre (inspecteurs généraux, ministère) sont pour beaucoup dans cette désaffection. Les programmes de science ont peu à peu été envahis par un contenu idéologique, moral et politique étranger aux matières enseignées. Le « développement durable », désormais omniprésent dans les instructions et programmes officiels dès l’école primaire n’est en aucun cas une science. C’est un mot d’ordre politique, discutable, contestable, comme tout slogan de cet ordre. Les injonctions vertueuses à « sauver la planète » visent à culpabiliser l’ensemble des citoyens par l’intermédiaire de la jeunesse. L’enseignement du fait religieux à l’école publique contribue à répandre une attitude antiscientifique.

La « théorie du genre », intéressante au niveau de la recherche universitaire et de la réflexion philosophique, n’a certainement pas acquis la stature scientifique permettant de l’inclure dans les programmes de sciences de la vie et de la terre. Parallèlement, les instructions officielles ont permis un tel affaiblissement des niveaux en mathématique, physique et chimie (notamment en supprimant l’essentiel de l’apprentissage de la démonstration) que l’abord de la première année universitaire scientifique est devenu redoutable pour nombre de bacheliers. Au risque de passer une fois de plus pour démodés, nous réaffirmons que les études secondaires ont pour objectif de faire acquérir au plus grand nombre les connaissances scientifiques de base permettant ensuite de résister à la propagande médiatique. C’est à l’Université de cultiver et de développer l’esprit de recherche et les débats attenants. Le salmigondis idéologique institué par les instructions ministérielles elles-mêmes est seulement de nature à obscurcir la voie de la science et à instaurer la confusion. La Libre Pensée appelle de ses vœux un retour à un enseignement clairement délimité des disciplines fondamentales, condition d’ailleurs d’une pluridisciplinarité éclairée dans des pratiques de recherche ultérieures.

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