Chartes de la laïcité ou laïcités à la carte ?

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Nous vivons une époque curieuse à bien des égards. Nous vivons dans un pays qui a des règles constitutionnelles précises  : la République est une, indivisible, laïque et sociale. Les lois sont nationales, s’appliquent selon les mêmes règles sur l’ensemble du territoire et assurent ainsi l’égalité pour tous entre tous.

Pourtant, on assiste à une volonté partagée par la droite et la gauche de casser et d‘émietter le caractère national des droits et de la République. C’est ainsi que ce sont sur des lois de «  gauche  » dites de décentralisation votée en 1982 sur lesquelles s’appuient Philippe de Villiers pour mettre en place, dès 1990, une crèche catholique au siège du Conseil général. Et son successeur Bruno Retailleau continue de même au Conseil départemental. Comme disait Horace, il y a bien longtemps : «  Le procès est encore devant le juge  ». Et nous verrons bien ce qu’il adviendra des démêlés juridiques de ces gens-là.

La loi du 9 décembre 1905 dite de Séparation des Eglises et de l’Etat assure la liberté de conscience. Elle distingue deux sphères : la publique avec des contraintes de neutralité et une privée où l’exercice de sa conscience est garanti. Elle distingue aussi les obligations des fonctionnaires et des agents des services publics d’une part et les droits des usagers d’autre part Les uns sont tenus au strict respect de la neutralité, car ils sont les vecteurs de l’intérêt général, les usagers ne le sont nullement.

La laïcité est un principe institutionnel, il n’y a nul besoin de la décliner sur tous les tons et surtout uniquement contre les présupposés «  islamistes  ». Pourtant, c’est à qui brandira SA charte de la laïcité. Et au passage, la plupart de ces diverses chartes, se chargent d‘un contenu totalement antilaïque et illégal.

C’est ainsi qu’en 2016, le Tribunal administratif a suspendu la Charte de la laïcité de la municipalité d’Aix en Provence : «  En subordonnant la recevabilité des demandes de subventions des associations à l’adhésion à la charte  » la municipalité « a violé le principe constitutionnel de liberté d’association  », avait plaidé la  Ligue des Droits de l’Homme.  Car la charte impose ainsi aux associations «  une obligation de neutralité  » qui « ne pèse que sur les services publics », avait-t-elle ajouté.

Madame Valérie Pécresse n’était sans doute pas au courant, quand, à peine élue Présidente, elle édicte à son tour une Charte de la laïcité en Ile-de-France qui indique :  « Comme les autres régions françaises, la Région Ile-de-France est touchée et entend prendre toute sa place dans l’affirmation, la diffusion et le respect des valeurs de la République et du principe de laïcité. C’est la raison pour laquelle, dès le 8 juillet 2016, l’exécutif régional s’est engagé à travers son  plan régional de lutte pour la défense de la laïcité, des valeurs de la République et l’engagement dans la prévention de la radicalisation . Il veut être le garant d’une Région exemplaire, réconciliée autour des valeurs du vivre ensemble, de la mixité et de l’égalité.

La Charte régionale des valeurs de la République et de la laïcité doit s’appliquer aux agents régionaux ainsi qu’à tous les partenaires régionaux et aux usagers des équipements et services publics régionaux (par exemple dans les Iles de loisirs ou lors de rencontres organisées par la Région).  »

Ceci est totalement illégal, car encore une fois, la laïcité ne s’impose pas aux usagers, et il arrivera la même chose qu’à Aix-en-Provence.

On voit aussi la même dérive dans différents ministères qui entendent imposer aux usagers, partenaires, etc… des règles de neutralité qui n’ont pas lieu d’être. Le pompon en la matière étant d’exiger la laïcité à des associations religieuses si elles veulent avoir des subventions. On ne peut que souhaiter bon courage aux ministres qui s‘aventurent dans cette voie sans lendemain.

Derrière tout cela, outre la chasse ouverte « aux musulmans », il y a clairement une volonté de faire imploser la laïcité institutionnelle en autant de laïcités à la carte : « laïcités locales » ou  « domaines ministériels différents ». Dérives que l’on voit aussi  se mettre en place au travers des crèches de Noël dans les bâtiments de la République.

C’est au nom de la défense de l’indivisibilité de la République et de la laïcité qui en est une composante, que combat la Fédération nationale de la Libre pensée. 

La laïcité est une ou elle n’est pas !

Paris, le 12 octobre 2017