crèche du Conseil départemental de Vendée : une décision du Conseil d’Etat qui remet en cause le principe d‘égalité devant la loi

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Par une décision  du 14 février 2018, le Conseil d’État vient de décider de ne pas admettre le pourvoi de la Fédération de Vendée de la Libre Pensée, contre l’arrêt de la Cour administrative d’Appel de Nantes autorisant la Crèche de la nativité installée dans les locaux  du Conseil départemental.

Les décisions d’admission n’étant pas motivées, on ne peut qu’en conclure que l’argument essentiel  développé par le Département de la Vendée et admis par la CAA a été jugé  conforme au droit. Quel était-il ? : L’usage « festif et culturel » attesté par une « tradition locale ».

Ainsi une tradition initiée, il y a vingt-cinq ans  par Philippe Marie Joseph Le Jollis de Villiers de Saintignon, organisateur de spectacles et ci-devant ex-Président du Conseil général de Vendée serait un usage local. Aussi festif, et aussi peu religieux que la course de chars de Ben-Hur au Puy du Fou, en quelque sorte !

Une décision qui ne règle rien sur le fond

Il n’est pas certain que cette décision règle la question. Il est même probable qu’elle pose une question de principe en matière de compétences des juridictions. Si la Cour Administrative d’Appel de Nantes  est admise à donner une telle définition d’un usage local, sans que le Conseil d’État se donne même la peine  d’examiner cette qualification juridique, cela signifie que celle de Rouen, celle de Paris ou celle de Bordeaux pourraient en ce domaine avoir des pratiques différentes.

En 1861, la Cour de cassation  avait défini l’usage local comme « une pratique habituellement suivie dans un milieu donné, en vertu d’une règle non exprimée s’imposant comme règle de droit »  Cette définition de droit civil est-elle celle qui a été appliquée par le juge administratif ? Nous ne le saurons pas.

Si tel était le cas, cela poserait un autre problème, car en l’espèce il ne s’agit pas d’attester un usage en l’absence d’une règle de droit écrit, mais de l’application d’une loi de notre socle constitutionnel, la loi du 9  décembre 1905 de Séparation des Eglises et de l ‘Etat, désormais menacée de dislocation régionale.

Sous l’Ancien-Régime, un parlement provincial pouvait « frustrer la législation royale et même provoquer une crise sérieuse dans l’Etat » (1). Déjà feu le pape Wojtyla (Jean-Paul II) réclamait une application spécifique de la loi dans les « régions à forte densité spirituelle ».

Dans ce contexte, la campagne initiée à Metz par le Bureau Européen de Coordination de la Libre Pensée contre les concordats et sur les religions dans l’espace public prend tout son sens. Ce texte actuellement en cours de signature insiste sur le fait que les stratégies des cléricaux : «convergent dans le but de détruire la laïcité et la neutralité des institutions publiques et de redonner aux citoyens croyants et à leurs croyances une dignité supérieure à ceux des citoyens non-croyants et des leurs modes de vie. »

C’est l’objectif de la loi du 9 décembre 1905 que de protéger citoyennes et citoyens contre de tels dangers. C’est ce que la Fédération Nationale de la Libre Pensée  fera valoir, suite à cette décision, auprès de toutes les autorités publiques en charge de l’application  de la loi de 1905 sur le territoire de la République.

Elle constate qu’une « installation de vingt-cinq ans », revendiquée par ceux qui se croient encore en pays chouan,  a force de loi et entraîne un traitement différent d’un département à l’autre. La Libre Pensée fera ce qui est nécessaire pour empêcher de tels errements et contestera systématiquement toute présence de crèche dans un bâtiment de la République pour interdire l’établissement d’une « tradition » et pour faire respecter les arrêts du Conseil d’Etat du 9 novembre 2016 qui ont défini, avec raison, l’interdiction de toute crèche catholique dans les bâtiments de la République.

La messe est encore loin d’être dite !

Paris le 17 février 2018

(1) Hurt John J. La politique du parlement de Bretagne (1661-1675). In: Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest. Tome 81, numéro 1, 1974. pp. 105-130.