Blanquer prépare le retour de dieu dans l’école de la République

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Nouveaux programmes de Philosophie

Le ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer, vient d’introduire comme notion dans les prochains programmes de philosophie « L’idée de Dieu ». Les notions du « bonheur » et du « travail » disparaissent. Freud ou Marx disparaîtront comme auteurs référencés. Force est de constater que le ministre cherche à conditionner les futurs bacheliers à un monde où le travail salarié se fera de plus en plus rare pour être remplacé par la recherche d’une divinité. Cette nouvelle notion, dans un contexte où la notion de religion était déjà au programme, n’est pas étrangère à l’architecture de « l’école de la confiance », chère au Ministre de l’Education, où le baccalauréat doit s’adapter aux critères européens en favorisant « l’insertion dans l’emploi ». Remplacer la lutte des classes par « l’Idée de Dieu », c’est annihiler l’école gratuite et laïque de Jules Ferry, « L’instruction religieuse appartient aux familles et à l’église » (lettre aux instituteurs 1883), c’est revenir à l’école du Moyen-Age où les cours sont dispensés par des professeurs de morale, et où « De ta condition sociale tu te satisferas ! ». C’est immanent !

Service national universel, Parcoursup et maintenant Dieu

Après avoir instauré l’Ost (le service militaire dû au suzerain du Moyen-Age), le Service national universel, après avoir développé la sélection sociogéographique avec Parcoursup, voilà que le Ministre pense diriger « la communauté éducative » en lui proposant une vie cénobitique. C’est le retour de Saint-Benoît où « une communauté vie sous une Règle et un Abbé ». Les Lycéens devront débattre de « l’idée de Dieu », comme d’une évidence déjà de son existence, de sa réalité, de sa singularité. Il n’y a pas plusieurs Dieux, il n’y a pas absence de Dieu, il n’y a pas inexistence de Dieu, il y a une idée. Une idée qui s’impose, passant de la représentation abstraite à une réalité dans les programmes.

Le cléricalisme n’avance plus masqué, en promouvant Augustin et Thomas d’Aquin qui font une entrée fracassante dans les programmes de philosophie. Il cloisonne le débat des idées à une pensée unique qui tend à se restreindre, notamment avec Thomas d’Aquin, qui place au sommet de son éthique la figure du Sage, désignant «celui dont l’attention est tournée vers la cause suprême de l’Univers, à savoir Dieu » ; avec Augustin, père du “croire pour comprendre“, c’est le retour de l’âme, du dogmatisme le plus cru où « Dieu étant Créateur et Gouverneur de l’univers » (Augustin). Faut-il comprendre alors que l’enseignant doit représenter ce Sage ? Dès lors, où est la liberté d’enseignement ? Quelle latitude reste-t-il aux enseignants, qui doivent dispenser un message divin ?

Il y a une unité inquiétante de la part d’un gouvernement corporatiste à dessiner les limites de la République dans le cadre de l’employabilité et de la précarité (Travail), de la communauté divine (Famille), des drapeaux tricolore et européen (Patrie). En choisissant l’Idée de Dieu comme concept, c’est l’idée de verticalité qui tend à dominer, la négation d’un imaginaire horizontal où la contestation même verbale devient un acte contre l’intégrité de l’Etat, surtout de son chef. Après le corps et les conditions sociales (SNU et Parcoursup), c’est l’esprit des lycéens qu’il faudrait forger dans le moule de la Foi.

Éduquer les consciences à l’idée de Dieu

Avec la Loi Debré et la kyrielle de lois antilaïques qui lui succèdent, ce sont 12 milliards d’euros chaque année qui sont attribuées aux écoles privées, à 97% catholique. Il s’agit déjà d’une grave entorse à la Laïcité. Avec ces nouveaux programmes, les religions, au premier rang desquelles la catholique, n’auront plus besoin de développer la catéchèse dans des structures privées mais pourront étendre leur pensée dans le service public. C’est un vieux projet qui ressurgit ici : développer l’ “enseignement du fait religieux” dans l’école laïque. Jean-Michel Blanquer, comme ses prédécesseurs, offre ainsi un boulevard aux associations cultuelles qui demain pourront offrir « leur service ». En cela, il répond à la stratégie des catholiques, définie par la congrégation pour l’Education catholique: « Humaniser l’éducation » veut dire mettre la personne au centre de l’éducation, dans un cadre de relations qui constituent une communauté vivante, interdépendante, liée à un destin commun. C’est ainsi que s’explique l’humanisme solidaire ». L’idée de Dieu reste le centre, l’Homme la périphérie. L’Humanisme n’est pour le Vatican que la reprise d’un concept qu’elle a combattu et continue de combattre, ainsi « une éducation humanisée ne se limite pas à offrir un service de formation, mais s’occupe des résultats de celui-ci dans le contexte global des attitudes personnelles, morales et sociales des participants au processus éducatif. Elle ne se limite pas à demander au professeur d’enseigner et à l’étudiant d’apprendre, mais elle exhorte tout le monde à vivre, étudier et agir en se rattachant aux raisons de l’humanisme solidaire », et pour comprendre de quel humanisme il s’agit : « L’éducation à l’humanisme solidaire doit partir de la certitude du message d’espérance contenu dans la vérité de Jésus-Christ ».

Où est la connaissance éclairée ? Où est l’indépendance de jugement ? Certainement pas dans cette « école de la confiance » où l’on impose l’idée d’un être suprême, comme d’un Bonaparte, ou de la Nation start-up. L’école républicaine doit rester celle de l’apprentissage à la citoyenneté, celle où on ne te dit pas quoi voter mais où tu apprends à décider toi-même si tu dois voter ou pas. L’école républicaine doit s’affranchir des obstacles que sont Parcoursup ou le service national universel, impasses de la vie, écueil pour l’émancipation de la jeunesse. Humanités, savoirs, connaissances, curiosité et liberté de conscience sont les garanties d’un affranchissement des préjugés et des dogmes. Ferdinand Buisson écrivait : « Pour qu’une éducation morale nous paraisse suffisante, il faut qu’elle crée en chaque individu une sorte de force intérieure régissant non seulement les actes, mais les pensées, les sentiments, les intentions, toute la conduite, toute la direction de la vie ». Avec l’introduction de « l’Idée de Dieu », nous nous éloignons de ce libre arbitre.

Monsieur Blanquer,

Vous devez retirer cette « Idée de Dieu » qui corrompt l’école républicaine et mène à la discorde. Appliquez la Laïcité à l’école, et non pas Thomas d’Aquin, prenez exemple sur les circulaires Jean Zay de 1936 et 1937 en chassant les passions de ce lieu de Raison !

La Libre Pensée, fidèle au serment de Vincennes, réitère sa demande :

ABROGATION DE LA LOI DEBRE ET DE TOUTES LES LOIS ANTILAÏQUES

RESTITUTION DES 550 MILLIARDS D’EUROS VOLES A L’ÉCOLE PUBLIQUE

A l’école d’Athènes, le 28 mars 2019