La Raison n°642 juin2019

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L’éditorial du président

Le bossu de Notre Dame, saison 2

Voilà t’y pas que Notre Dame de Paris, joyau de l’art gothique comme dirait Zazie (ah, non, elle parlait de la Sainte-Chapelle !) a brûlé en pleine restauration. Bon, il est clair que cela fait un trou, et dans le toit et dans le patrimoine. Soyons clairs, cela ne fait plaisir à personne. Il est cependant admirable de voir comment les grands crocodiles y sont tous allés de leurs larmes. Macron, qui a dû couper des oignons pour avoir l’air ému, Stéphane Bern qui n’a pas eu à forcer sa nature, et bien d’autres encore. Le risque d’incendie était connu, et même connu pour être potentiellement explosif. Un rapport d’historiens du CNRS l’avait établi depuis 2016, mais il n’y avait pas d’argent pour installer des dispositifs anti-incendie. Maintenant, il en faudra beaucoup, voire énormément, pour réparer les dégâts.

Mais les crocodiles, sans cesser de verser des pleurs, ont fait assaut de générosité pour restaurer l’admirable monument, en le faisant savoir largement. Ainsi Monsieur Pinault a-t-il mis immédiatement 100 millions d’euros dans la sébile, suivi de Monsieur Arnault qui a relancé de 200 millions. Qui dit mieux ? A 200 nous sommes, à 200 dans le fond, personne ne dit mieux ? Ah si. Monsieur Pinault : 100 millions et je renonce à ma déduction fiscale, cela fait 100 millions nets. Bravo, Monsieur Pinault. Il n’a pas volé sa réputation de protecteur des arts !

On apprend incidemment que les 100 millions de Pinault représentent 0.3% de sa fortune personnelle. Si c’est vrai, elle se monte à 66 666 666 667 €. Si ce chiffre vous donne le tournis (à moi aussi d’ailleurs), il se lit 66 milliards 666 millions d’euros et des poussières, poussières qui feraient une galette confortable pour des années à n’importe quel travailleur, chômeur ou retraité. Toujours si l’information est exacte, le chiffre de la bête (« bête immonde », métaphore désignant le nazisme, le fascisme…) est très présent dans le patrimoine de ce grand patron. Peu importe. Voyons un peu ce que représentent les 0,3% de sa fortune ainsi octroyée.

Le SMIC est aujourd’hui à 1 201 euros nets mensuels. La somme donnée représente donc 166 528 mois de salaire au smic soit 13 877 années de salaire de smicard, ou encore le salaire d’une vie pour 330 travailleurs. Je n’ose faire le calcul de ce que représente en unités SMIC sa fortune complète. Ce n’est pas pour critiquer le don de Monsieur Pinault, c’est juste pour restituer la dimension des choses. C’est comme avec le télescope Hubble, il peut être utile pour le commun des mortels de convertir les années lumières en kilomètres de randonnée. On comprend ainsi pourquoi on ne peut pas augmenter les salaires sans mettre à genoux la compétitivité des entreprises françaises.

Les millions d’euros ont continué à tomber dans la cagnotte avec la famille Bettencourt Meyers, le pétrolier Total, le Roi du Maroc, j’en passe, et l’on atteignait bientôt le quasi milliard d’euros dans une rafraichissante ambiance d’union nationale qui permettait au passage à Monsieur Macron de surseoir à un discours difficile.

Arrive monsieur Bergoglio, également connu sous le nom de « pape François ». C’est le chef d’un pseudo-Etat, le Vatican, connu pour être multimilliardaire, même si ses biens, tentaculaires et pour partie occultes sont difficiles à évaluer avec précision. Il a fait très fort : de sa belle voix grave de sacristie, il a célébré le courage des pompiers parisiens, leur héroïsme, tout bien. Puis il a rappelé l’attachement des catholiques à la cathédrale comme lieu de culte. D’argent il ne fut pas question. Pas un radis, pas un centime, pas une thune, pas un laranqué. Dans sa conclusion : «Que la Vierge Marie soutienne le travail de reconstruction.» Comme dirait l’autre, avec cela on n’est pas fauchés !

Enfin Bergoglio a compris la laïcité française : séparation absolue de l’Eglise et de l’Etat ! Notre-Dame est propriété de l’Etat, au propriétaire de payer les frais de réparation. Admirable exemple du respect plein et entier de la laïcité. Une fois n’est pas coutume.

Sur les crèches dans les mairies, il a plus de mal à comprendre. Ne s’est-il pas permis de condamner verbalement le sous-préfet de l’Hérault qui mettait en demeure Robert Ménard d’extraire sa crèche de Noël de la mairie ? Il est vrai que ce n’est pas une question d’argent. Dans un autre ordre d’idées, il a aussi refusé la démission du cardinal Barbarin récemment condamné par la loi des hommes qui, le sait-on, n’est pas celle de Dieu. Mais là encore, ce n’est pas une question d’argent…

Jean-Sébastien Pierre, Président de la Libre Pensée

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