Message de la Libre Pensée au congrès de la Ligue des Droits de l’Homme (9 et 10 juin 2019)

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Chers amis,

La Fédération nationale de la Libre Pensée (FNLP) adresse un chaleureux salut fraternel au congrès de la Ligue des droits de l’Homme et du citoyen, réuni à Saint-Denis, du 8 au 10 juin 2019. Elle lui souhaite de mener de fructueux travaux.

Dans ce pays, même si elles n’en sont pas les seuls dépositaires, trois associations incarnent l’héritage inestimable de la Révolution française et de la République : la Libre Pensée, née en 1848 avec le Printemps des peuples en Europe, entièrement tournée vers la défense de la liberté de conscience des individus et qui compta, entre autres, Victor Hugo dans ses rangs ; la Ligue de l’enseignement, fondée en 1866 par Jean Macé, qui fut et reste une cheville ouvrière essentielle pour assurer la défense et la promotion de l’instruction publique ; la Ligue des droits de l’Homme et du citoyen, constituée en 1898 pour défendre le capitaine Dreyfus, injustement condamné pour un crime qu’il n’avait pas commis, avec l’appui de l’Église catholique, par les « généraux de jésuitière », comme disait le grand Jaurès.

La LDH fut et demeure la vigie nécessaire à la sauvegarde des libertés individuelles, à la défense d’un système judiciaire fondé sur les principes énoncés par Beccaria dans Des Délits et des peines et à la préservation de l’égalité des droits. Au début du vingtième siècle, Ferdinand Buisson, l’homme sans qui la loi du 9 décembre 1905 concernant la Séparation des Églises et de l’État n’aurait pas vu le jour, fut le trait d’union entre ces trois associations qui agirent pour la conquête effective des droits fondamentaux inscrits dans la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen du 26 août 1789 et de l’enseignement public, dans les pas de Condorcet.

Depuis de nombreuses années déjà, chacune avec ses particularités, elles ont été amenées à agir ensemble pour la défense des libertés individuelles, notamment de la liberté de conscience reconnue par l’article premier de la loi de 1905 qui constitue aux yeux de la Libre Pensée la clé de voûte de toutes les autres. En particulier, il s’agit aujourd’hui de montrer le vrai visage des pseudo-laïques qui entendent imposer dans la sphère privée les obligations de neutralité qui pèsent sur la sphère publique alors même qu’ils admettent dans celle-ci les empiétements des religions : pas de mère d’élève voilée pendant les sorties scolaires, pas de repas de substitution sans porc dans les cantines ; en revanche, des crèches de la Nativité dans les mairies, des signes religieux sur le domaine public, des gendarmes à l’Église en uniforme pour fêter Geneviève, un Président de la République au Vatican pour se faire introniser premier et unique chanoine honoraire de l’archi-basilique majeure de Saint-Jean-de-Latran.

Derrière le masque du laïque intransigeant se cache la face hideuse du xénophobe dont l’acrimonie d’aujourd’hui préfigure les violences de demain, le rictus haineux de celui qui appelle à la croisade et aux discriminations contre nos concitoyens musulmans, au nom des improbables racines chrétiennes de la France. Dans ce combat, la LDH et la FNLP ont travaillé de concert et continueront de le faire, nous n’en doutons pas.

À cet égard, la révision de la loi du 9 décembre 1905 à laquelle le Gouvernement entend procéder, sous des formes et selon des rythmes qui varient au gré des évènements et des aléas politiques, doit rester pour la LDH et la FNLP un sujet de vigilance dès lors qu’il s’agirait de donner à l’État les moyens d’intervenir dans l’organisation d’un culte, selon une logique concordataire et donc autoritaire.

Enfin, la LDH et la FNLP partagent sans aucun doute une même inquiétude devant la multiplication des mesures tendant à restreindre les libertés individuelles et à réduire les garanties dont les citoyens doivent bénéficier dans un État démocratique, lorsqu’ils sont confrontés à la police et à l’autorité judiciaire. Cette tendance ancienne a connu une brusque accélération avec l’état d’urgence qui a suivi les odieux attentats de janvier et novembre 2015. Elle vient de connaître un nouvel épisode avec le vote de la loi sur la prévention des violences lors des manifestations et sanction de leurs auteurs qui porte gravement atteinte à la liberté de manifester. Votre Président d’honneur, Henri Leclerc, l’a justement comparée aux lois scélérates anti-anarchistes de 1893 et 1894, que Ludovic Trarieux, l’un des fondateurs de la LDH, s’était promis de combattre sans relâche.

Chers amis ligueurs, la FNLP vous souhaite à nouveau un excellent congrès.

Dominique Goussot,

responsable de la Commission juridique « Droit et Laïcité » de la Libre Pensée