Résolution sur l’Enseignement Supérieur et la Recherche

Pour nous suivre

Le Congrès national dénonce le refoulement de 65 000 bacheliers qui n’ont pas trouvé place à l’université à la rentrée prochaine. La Libre Pensée exige  : “Maintien du baccalauréat comme premier grade universitaire – Respect du droit pour chaque bachelier à s’inscrire dans la licence et dans l’université de son choix

L’ « autonomie renforcée » des universités.

On ne peut trouver mieux pour introduire notre sujet que cet extrait de notre projet de résolution laïque  : «  L’autonomie pour l’enseignement public a toujours été la machine de guerre pour placer ses personnels sous la coupe des collectivités locales, des groupes de pression politiques, économiques et religieux  ».

L’Enseignement Supérieur et de la Recherche (ESR) est en effet la pointe avancée de la mise en autonomie des établissements. A travers les réformes Pécresse et Fioraso : la L.R.U (Loi relative aux libertés et responsabilités des universités) puis l’instauration des COMUE (Communautés d’universités et d’établissements) et la réforme ESR, cet objectif a été mis en application à une échelle jamais vue. Leurs résultats catastrophiques ne se sont pas fait attendre. Les universités, devenant pleinement gestionnaires de la masse salariale à l’échelon local, sur la base d’une subvention d’état resserrée, sont presque toutes en déficit.

Il en découle des conditions de travail dégradées tant pour les enseignants que pour les administratifs, les BIATS (ouvriers, techniciens, ingénieurs), les étudiants. L’Université française, déjà indigente, a été plongée dans la misère. L’ «  offre de formation  », devenue par ailleurs diversifiée de manière délirante (4885 «  parcours  type  » en master 1 et plusieurs dizaines de milliers en Master 2 – le ministère ne recense même plus le nombre et les intitulés) n’est assurée, péniblement, entre autres par des légions de travailleurs précaires hautement diplômés et par une surcharge d’heures supplémentaires pour un grand nombre d’enseignants.

Le crédit d’impôt recherche permet aux entreprises d’obtenir des réductions d’impôts à hauteur de 5,5 milliards d’euros prélevés sur le budget de l’Etat. La suppression du crédit d’impôt recherche permettrait de réaffecter ces milliards à la Recherche publique.

Parallèlement, les grands établissements publics de recherche (CNRS, IRD, INRA, INSERM) IRSTEA ainsi que les Établissement public à caractère industriel et commercial (CEA…) subissent une diminution constante de leurs crédits dits récurrents (crédits de base) de manière à inciter leurs chercheurs à une course éperdue aux contrats. Même sur ces actions dites incitatives, le taux de succès est tombé à un niveau ridiculement bas. Dans certains secteurs, en particulier en Biologie fondamentale et Ecologie, la probabilité de décrocher un contrat de l’ANR (Agence Nationale de la Recherche) est passée en quelques années de une chance sur trois à une chance sur dix. Cela signifie que neuf équipes de recherche sur dix rédigent des projets pour rien. La recherche sur contrats est un pilotage de la recherche par l’État.

C’est le développement de la science et son enseignement qui sont sacrifiés, en dépit des prétentions à «  l’excellence française » exprimée par Sarkozy, Hollande et maintenant Macron. Seuls doivent survivre des projets gigantesques du type Idex (initiatives d’excellence), concentrant tous les moyens sur de grands pôles et étouffant les structures plus petites. C’est la couverture nationale du territoire par l’enseignement supérieur et la recherche qui est brutalement déchirée, la liberté de la recherche qui disparait.

La loi Fioraso  : Les COMUES, la laïcité en péril

La loi ESR 2013, due à Geneviève Fioraso en 2013 institue les COMUES (COMmunautés d’Universités et d’Etablisements). Comme dans le primaire et le secondaire, il ne s’agit rien moins que d’unifier public et privé, la partie privée regroupant, plus encore que dans les autres cycles d’enseignement, le religieux, le commercial et l’industriel. On voit ainsi légitimées comme établissements d’enseignement supérieur concourant aux COMUES, les écoles catholiques, les instituts et «  universités » catholiques, les écoles supérieures privées de commerce, management, marketing et autres. Ainsi l’Université Catholique de L’Ouest (Angers), les Universités Catholiques de Lille, Paris, Lyon Toulouse s’immiscent à l’envi dans les projets de COMUE. Le plus souvent c’est sous une forme «  associée  » et non comme «  membres  », mais gageons que cette subtilité sera appelée à disparaître. Rappelons, inlassablement, que ce titre d’« université » leur est interdit par la loi, une loi que les pouvoirs publics ne semblent pas vouloir faire appliquer.

Derrière ces rattachements injustifiables, une véritable offensive se mène pour susciter le dialogue interreligieux au sein même de l’Université. Manuel Valls lui-même, a suscité à Lyon, Rennes, Montpellier, Toulouse, et d’autres villes universitaires, des Diplômes d’Université visant à former les aumôniers, prêtres, imams et rabbins à la «  laïcité  » et au «  vivre ensemble  ».

Plus récemment, dans le cadre public de l’Institut des Sciences Politiques, vient de se créer le programme de formation continue Emouna, ouvert «  aux ministres du culte en exercice ou en formation et aux laïques  » (mais ici il vaudrait mieux écrire laïcs  !). Cette formation se donne ouvertement pour but «  de favoriser le dialogue entre les grandes religions monothéistes  », dixit Le Point. On n’est plus dans l’enseignement ni dans la recherche, mais directement dans la politique et une politique très orientée. On apprend aussi, dans le même article, que  « Frère Emmanuel prépare une formation pour aider les chefs d’entreprise à gérer le fait religieux, non pas dans la neutralité, mais dans la concorde ». Voici donc les religieux intervenant ès qualité dans une formation d’un institut public, et sur un thème qui doit réjouir le PDG de Paprec.

Dans son programme, E. Macron proposait « Nous organiserons pour les ministres du culte une formation universitaire à la laïcité, aux valeurs de la république et à la langue française ».

Autre exemple  : le Centre Universitaire Guilhem de Gellone (Montpellier) et la faculté libre de droit de l’Institut Catholique de Toulouse proposeront, dès septembre 2017, une première année de Licence en droit. À l’issue de trois ans de formation, les étudiants.es obtiendront leur Licence en Droit (diplôme d’État). Au passage, la formation, payante, requiert un versement de 4855 € par an pour les familles les plus modestes  ! Pour les autres, c’est encore plus cher  !

A côté de ces formations de type confessionnelles, on assiste à la multiplication des reconnaissances d’utilité publique pour des établissements privés. Ces derniers, confessionnels ou non, utilisent l’ambigüité entre titre et grade pour obtenir l’autorisation de délivrer des « grades de master » qui ne sont ni des diplômes ni des titres mais de simples attestations de suivi de cursus. Il s’agit là d’une véritable tromperie vis-à-vis des étudiants.

Pas d’association public-privé, laïque et confessionnel, ni dans le primaire, ni dans le secondaire, ni dans le supérieur  !

Abrogation de la réforme des COMUES  , de la LRU et de la RES (réforme de l’enseignement supérieur).

La liberté de l’enseignement supérieur menacée

La Libre Pensée n’est pas un syndicat et n’a nulle vocation à se substituer aux syndicats. Si nous évoquons ici les menaces du gouvernement Macron sur le statut des enseignants-chercheurs, c’est parce qu’elles auront un retentissement direct sur un principe fondamental que nous défendons  : la liberté de parole de ces derniers.

En effet, cette liberté de parole dans leur enseignement est régie par leur statut, codifié en 1984. Ce statut, qui intègre les franchises universitaires à travers le code de l’éducation, vole en éclat si le gouvernement Macron-Philippe applique ses intentions.

Depuis 2007, les ministères successifs essaient de remettre en cause l’indépendance des universitaires en les subordonnant aux présidents d’université qui deviendraient alors non plus des pairs, mais des supérieurs hiérarchiques comme dans les cycles d’enseignement primaire et secondaires.

Madame Frédérique Vidal, nouveau ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, et présidente de l’Université de Nice-Sophia Antipolis, a laissé entendre que les universités seraient désormais libres de recruter leurs enseignants de manière autonome. Il n’y aurait donc plus de jugement par les pairs au niveau du Conseil National des Universités. On voit immédiatement ce que le croisement des intentions de madame Vidal et du décret Mandon peut signifier : le nouvel enseignant du supérieur sous la botte de son président d’université.

C’est d’ailleurs ce que réclame la Conférence des Présidents d’Université (CPU). Dans sa proposition 28, la CPU demande « que soit créée, au sein du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, une direction générale des ressources humaines spécifique à l’enseignement supérieur, respectueuse de l’autonomie des établissements et travaillant en étroite relation avec une direction de l’enseignement supérieur et de la recherche. »

Remarquons aussi que cette ambiance particulière de contrôle sur les enseignants chercheurs conduit de plus en plus de responsables à oublier, voire à violer les franchises universitaires. Montage d’une cabale politique et juridique contre un enseignant d’origine maghrébine de l’IUT de Saint-Denis, Attaque en justice d’un enseignant de l’université d’Avignon sur des propos tenus par mail. Plus récemment, d’aucuns ont voulu interdire un colloque scientifique sur «  l’intersectionnalité  » à l’ESPE (ancien IUFM) de Bonneuil-sur-Marne, au motif que ce thème pourrait être un éloge du communautarisme. Dans ce triste épisode de censure se sont rejoints des membres de la droite identitaire, la très distinguée revue Causeur, l’hebdomadaire Marianne et des micro-associations ayant soutenu le très «  laïc (religieux sans soutane) » Manuel Valls aux élections présidentielles à la vigueur antimusulmane proportionnelle à son allégeance au Vatican et à ses papes.

Liberté de l’enseignement supérieur, liberté de la recherche, jugement par les pairs et seulement par les pairs !

Respect des franchises universitaires !

Maintien des prérogatives de la CPU et du Conseil National de la Recherche  !

La « sélection » en master 1

Le LMD sépare les études supérieures en trois cycles : la Licence, en 3 ans, le Master en 2 ans et le Doctorat, soient, respectivement, 3,5 et 8 ans après le baccalauréat. Chaque cycle était conçu comme pouvant être un diplôme terminal. Les étudiants sortant de la 3ème troisième année de licence peuvent effectivement se voir refuser l’entrée dans le M1 de leur choix pour raison de « capacité d’accueil dépassée ». La réforme du LMD aboutit ainsi à l’instauration de capacités d’accueil définies par les composantes (facultés et Unités de Formation et de Recherche) à l’entrée en 1ère année de master (loi du 26 décembre 2016).

La loi prétend garantir à tout étudiant titulaire d’une licence l’inscription en master 1 sur l’ensemble du territoire national et non dans l’Université de son choix, ce qui conduit à une situation inextricable et à une sélection cachée par l’argent.

Au vu de l’ensemble de ces mesures, des situations créées et de la dégradation profonde de toute l’Université et de tout le dispositif de recherche, la Libre Pensée se dresse délibérément en défense de la liberté de l’enseignement supérieur et de la recherche, de la gratuité des études à l’université, du droit aux études pour les titulaires du baccalauréat et appuiera, comme il se doit, la résistance des enseignants-chercheurs, chercheurs, personnels de recherche et d’appui technique, des étudiants et de leurs organisations. Vivent la culture, la recherche, la science et l’étude, à bas leur mise sous tutelle mercantile ou cléricale !

Adoptée à la majorité absolue – 2 abstentions