La Raison n°648 – février 2020

Pour nous suivre

L’éditorial

Pudenda sed dolorosa (parties honteuses, mais douloureuses)

Le dossier de La Raison nous entretient de nos parties intimes et des tortures qui leur sont infligées pour des raisons religieuses ou traditionnelles. Affectées du genre neutre en grec (ta aidoia), les pudenda du latin ont le sens à la fois de « sacrées » et de « honteuses » en ce sens qu’elles ne doivent pas être dévoilées en public, qu’elles sont strictement personnelles. Avec le christianisme, ce caractère privé devient synonyme de honte. Ce sont, définitivement les « parties honteuses ». Aldrovandi, immense naturaliste de la Renaissance par ailleurs, disait qu’elles étaient comparables aux lieux infects du monde, à l’Enfer, à ses ténèbres, aux damnés qui sont comme les excréments de l’Univers. C’est probablement le « pas touche » associé qui fit abandonner la pratique juive de la circoncision.

Le légendaire Jésus-Christ fut donc le dernier circoncis dans l’histoire ecclésiastique officielle. Le devenir de son prépuce atteignit aux XVIIe et XVIIIe siècles une considérable notoriété parmi les reliques les plus prisées. Tel le crane de Saint-Antoine de Padoue, le saint-prépuce fut revendiqué par nombre de reliquaires assortis de récits de voyages et de découvertes fantastiques. Les théologiens s’en mêlèrent tel Leo Allatius, qui, dans “De Praeputio Domini Nostri Jesu Christi Diatriba” (discussions sur le prépuce de notre Seigneur Jésus-Christ), a proposé une autre hypothèse : le prépuce, monté au ciel par ses propres moyens, se serait transformé en anneau de Saturne. Non, vous ne rêvez pas. Cette dernière stupidité a bel et bien été émise par un théologien grec, profitant de l’invention de la lunette galiléenne pour délirer sur cet anneau nouvellement découvert.

Le dossier aborde un problème encore grave : la persistance des mutilations génitales rituelles pour des raisons religieuses ou traditionnelles. La circoncision est-elle librement choisie ? La Libre Pensée le conteste pour le baptême, alors que dire d’une intervention corporelle infantile ? L’excision des filles est un problème dramatique dans une grande partie du monde, condamnant les femmes à de sévères problèmes tout au long de leur vie. Lors du colloque de Tunis, dont les actes sont disponibles, une militante mauritanienne avait entretenu les participants de la question et des actions entreprises pour faire reculer cette pratique.

J’ose inviter également nos lecteurs à méditer et discuter l’argumentaire sur le temps présent de nos pages 26 et suivantes. Au nom de la « lutte contre le terrorisme », les plus hautes instances gouvernementales instillent un climat d’affrontement religieux dans le pays relayé par des plumitifs aux ordres, parmi lesquels on doit compter Michel Onfray. Les citations de sa prose données dans notre texte donnent le frisson. Elles appellent à la délation. Toute personne qui ne dénoncerait pas le port du voile dans l’espace public (attention ! du voile islamique. Ne le confondez surtout pas avec le voile modeste des religieuses catholiques) serait complice des égorgeurs. Et puis, nous revenons aussi sur les questions que j’évoquais plus haut : circoncision, excision, baptême, prise de possession de l’individu par les religions avant qu’il puisse donner son consentement éclairé, irréversibilité voulue de ces « sacrements ». Ce n’est pas tout. D’autres exemples sont donnés qui concernent Monsieur Blanquer, ministre de l’Éducation nationale.

Mais vous le savez, chers lecteurs, le monde bouge. Nous avons connu, après un an de manifestations et de répressions, les grandes grèves pour défendre les retraites, conquêtes populaires des grands mouvements sociaux de 1936 et de 1945. A l’heure où j’écris ces lignes, je ne peux savoir où en seront ces combats lorsqu’elles paraîtront, mais leur empreinte sera profonde. Avec les droits sociaux, la revendication de la liberté de conscience ne peut que croître.

Je vous souhaite bonne lecture de ce numéro.

Jean-Sébastien Pierre, Président de la Libre Pensée

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