En direct avec Lucie Jobin, Présidente du Mouvement Laïque Québécois

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La Raison : Lucie, tu es membre du conseil international de l’AILP, pourrais-tu te présenter pour les lecteurs de la Raison ?

Lucie Jobin, président du MLQ

Lucie Jobin : J’agis comme Présidente du Mouvement laïque québécois depuis bientôt 10 ans. Le MLQ milite au Québec pour la défense de la liberté de conscience, la liberté d’expression, la Séparation de l’État et des toutes les religions depuis près de 40 ans. Nous avons mené plusieurs batailles juridiques et politiques pour obtenir la reconnaissance de la laïcité au Québec dans les institutions publiques de l’État ainsi que ses représentants.

Militante laïque et syndicale, enseignante à la retraite, j’ai toujours lutté pour la laïcité au Québec et dans le domaine scolaire, j’ai participé à la fondation du MLQ dans les années 1980.

LR : L’Association Internationale de la Libre Pensée et la Fédération française de la Libre Pensée ont soutenu l’initiative du MLQ de défendre la Loi sur la laïcité de l’État (Loi 21), pourrais-tu nous expliquer quels sont les principaux points qui font de cette loi une avancée vers la Séparation des Églises et de l’État ?

LJ : Cette loi sur la laïcité a été adoptée en juin 2019 après plusieurs années de débats et de consultations au gouvernement et dans la société civile. Pour le MLQ, cela a représenté une grande avancée pour la Séparation de l’État et des religions notamment dans le domaine scolaire, puisqu’elle inscrit le principe de la laïcité dans la Charte des droits et libertés. Nous avons salué ce progrès tout en déplorant que l’interdiction du port des signes religieux ne s’applique pas à l’ensemble du personnel de l’école et des garderies.

On y retrouve une clause importante qui précise que « toute personne a droit à des institutions parlementaires, gouvernementales et judiciaires laïques ainsi qu’à des services publics laïques ». Il s’agit bien là d’accorder un nouveau droit collectif aux Québécois et Québécoises, celui de permettre à tout individu d’avoir accès à des services publics laïques

Il faut se réjouir que ce soit le principe de laïcité qui prévaut dans la loi plutôt que la simple neutralité, qui est l’un des éléments de la laïcité comme en témoigne la définition retenue dans la loi. En dehors de la laïcité, la neutralité simple peut donner lieu à de la multiconfessionnalité, comme par exemple la récitation d’une série de prières de toutes les confessions alors que la laïcité commande de n’en réciter aucune.

LR : La loi 21 rencontre un certain nombre d’ennemis, de tous bords, pourquoi a ton avis une telle « levée de boucliers » ?

LJ : La contestation judiciaire de la loi illustre la contradiction entre l’approche multiculturaliste du Canada et une approche plus républicaine au Québec. Selon les opposants, cette loi va à l’encontre de la constitution canadienne de 1982, présentée par Pierre Eliott Trudeau et non signée par le Québec. Pour mettre la laïcité à l’abri de certaines dispositions de la constitution canadienne, le Québec a dû recourir à la clause dérogatoire. Les opposants dénoncent ce recours comme étant contraire à la Constitution, alors que la clause dérogatoire fait partie de cette constitution! 

LR : La Cour suprême vient de rejeter la demande des détracteurs de la loi 21 qui exigeaient son retrait pour anticonstitutionnalité, qu’en penses-tu ? Est-ce que cela marque un point final à cette bataille ?

LJ : Non. Il ne s’agissait que d’une demande de sursoir à l’application de la loi en attendant le jugement sur le fond qui viendra plus tard. Cette demande de sursis avait déjà été rejetée par la Cour supérieure du Québec, puis par la Cour d’appel. La Cour suprême a donc implicitement validé la position de ces premières instances. 

Selon le calendrier actuel – qui risque d’être considérablement modifié à cause de la paralysie du système judiciaire, la cause principale sera entendue en novembre 2020 par la Cour supérieure du Québec. Quel que soit le jugement rendu, il est assuré que la cause sera portée en Cour d’appel, puis en Cour suprême Canada qui doit interpréter les lois à la lumière du multiculturalisme politique inclus dans la constitution canadienne. Certains des opposants ont aussi promis de porter la cause devant le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU.

(Propos recueillis par Claude Singer)

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