La Raison n°651 Mai 2020

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L’Editorial de Jean-Sébastien Pierre, président de la FNLP

Incarcerati ! (emprisonnés)

À l’heure où j’écris ces lignes, je ne peux savoir si nous serons libérés de notre incarcération à domicile en raison d’une souche virale mal connue. La période est difficile à vivre pour nombre de citoyennes et de citoyens : approvisionnement, garde des enfants, déplacements réglementés. Pour certains, confinés avec leur famille dans des logements exigus avec des salaires réduits, voire absents (comme les vacataires de tous ordres, les autoentrepreneurs ubérisés), elle peut être dramatique. Pour les milliers de gens sans domicile fixe, c’est pire qu’un cauchemar. La nécessité de ces mesures sanitaires n’est pas contestable. Cependant les difficultés rencontrées montrent à quel point ce qui fait la civilisation a été fragilisé, attaqué voire méprisé depuis des décennies.

Est-ce une surprise si les hôpitaux publics se trouvent en état de crise, les urgences débordées, les appareils d’assistance respiratoire en trop petits nombres, les lits d’accueil manquants ? En 15 ans, par soumission aux impératifs fous de rentabilisation des hôpitaux publics, 72 000 lits ont été supprimés. Madame Buzyn, qui, sans vergogne, taclait le gouvernement, dont elle a été membre, en a fermé plus de 4 000. Elle est restée pendant des mois sourde à la grève des personnels urgentistes qui alertaient sur leurs conditions de travail et sur les dangers que ces conditions faisaient courir aux patients.

Ce gouvernement qui a réprimé les Gilets jaunes, puis toutes les manifestations, y compris celles des pompiers et des hospitaliers se permet, par la voix du Président de la République, de faire maintenant l’éloge de ces derniers et de les appeler à l’héroïsme avec des accents guerriers. « Nous sommes en guerre » a-t-il dit, en essayant de rallier toutes les forces politiques existantes dans l’union sacrée. Pendant près de deux ans il a été en guerre contre les Gilets jaunes, puis contre les citoyens qui contestaient le recul social incarné par sa réforme des retraites.

Pendant ce même laps de temps, il a maintenu et financé de ruineuses et criminelles opérations extérieures, notamment en Afrique. Et maintenant, il faudrait remettre le compteur à zéro et s’unir avec son gouvernement failli ? Les professionnels de santé sont bien en guerre : contre le coronavirus et contre Macron et son gouvernement qui les a placés dans cette situation impossible.

Au début du confinement, les professionnels de santé comme les simples citoyens n’avaient pas de masques de protection en quantité suffisante, plus de gels hydroalcooliques, était-ce une fatalité ? La politique des « flux tendus » s’est généralisée dans tous les secteurs : il ne faut produire que ce que l’on est certain d’écouler rapidement. Cette politique généralisée, dans une logique capitaliste et comptable, fait la chasse aux stocks. Ils ont gagné : plus de stocks, plus de réserves, même pas pour la sécurité sanitaire de la population.

Devant l’arrivée de la pandémie, que les autorités ont pu suivre pas à pas de Wuhan à Milan, puis en France, depuis près de trois mois, cette situation n’était-elle pas prévisible ? Elle l’était. Rien n’a été commandé à l’avance aux entreprises capables de les produire. Les commandes se sont faites au moment du confinement, avec plus d’un mois de retard. La société affronte la pandémie dans le dénuement sanitaire.

Les élections municipales ont été maintenues apparemment en dépit de toute raison, immédiatement suivies de la consigne de confinement. Combien de contaminations ont-elles entrainées ? Madame Buzyn qui prétend avoir demandé leur annulation s’y est cependant précipitée avec le succès que l’on connait. L’hypocrisie règne.

L’Église et l’ensemble des religions ont été plutôt silencieux sur le sujet. Ils n’ont pas osé suggérer que le fléau nous était envoyé en punition de nos péchés. Le monde et les temps changent. Pas de processions de flagellants pour expier, pas de prières publiques pour arrêter l’épidémie, pas d’appel à la repentance. L’activité ecclésiastique a bien baissé depuis le Moyen-Âge ! Jorge Bergoglio connu actuellement sous le nom de « pape François » a tout de même confié au journal La Repubblica qu’il avait demandé la fin de la pandémie au Seigneur dans ses prières. C’est bien le moins. Cela n’a pas changé d’un iota les courbes épidémiologiques, même en Italie. L’archevêque de Paris a recommandé de limiter les offices et de vider les bénitiers. Le prélat serait-il sceptique, quant au caractère aseptique et aux vertus antiseptiques de l’eau bénite. La science a fait bien du mal à la foi !

Ne portons pas peine pour eux : qu’il s’agisse du sabre ou du goupillon, ils seront toujours du côté du manche, du côté de la réaction.

Jean-Sébastien Pierre, Président de la Libre Pensée

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