L’état d’urgence sanitaire continue au détriment des libertés et droits fondamentaux

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Les citoyens ne s’en doutent pas : depuis l’entrée en vigueur de la loi du 11 juillet 2020, est en vigueur un régime transitoire de sortie de l’état d’urgence sanitaire instauré le 23 mars 2020 et prorogé le 11 mai. Jusqu’au 30 octobre 2020, il donne des pouvoirs exceptionnels au Premier ministre, qui peut les déléguer en partie aux préfets aux fins d’appliquer les décisions gouvernementales au niveau du département ou de la région, pour restreindre les libertés et droits fondamentaux : réglementer ou interdire la circulation des personnes et des véhicules ; réglementer l’ouverture des établissements recevant du public ou l’accès aux lieux de réunion ; réglementer les rassemblements de personnes sur la voie publique. Le Parlement est seulement informé des mesures prises par le pouvoir exécutif.

Le gouvernement avait d’abord envisagé de proroger jusqu’au 1er avril 2021 le régime transitoire de sortie de l’état d’urgence sanitaire. Finalement, le 21 octobre 2020, il a déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale un projet de loi instaurant à nouveau l’état d’urgence sanitaire, adopté en première lecture par la majorité des députés le 24. Ce n’est plus une procédure accélérée : cela ressemble à un train à grande vitesse.

La différence entre les deux régimes n’est pas anodine : jusqu’au 1er avril 2021, non seulement le pouvoir exécutif continuera à disposer de pouvoirs exceptionnels de réglementation et d’interdiction mais pourra aussi légiférer par ordonnance en application de l’article 38 de la Constitution du 4 octobre 1958. Comme pendant le premier état d’urgence sanitaire – une soixantaine d’ordonnances ont été prises durant cette période, dans tous les domaines -, le Parlement, déjà fortement abaissé sous la Cinquième République, se trouvera privé de ses compétences législatives et de contrôle, dans un contexte marqué par une restriction très importante des droits et libertés fondamentaux.

La Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) et la Défenseure des droits ont vigoureusement critiqué le projet de loi adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 24 octobre 2020 en tant qu’il prolonge un régime d’exception au détriment des libertés individuelles et collectives et pour lequel ils n’ont pas été consultés. Le Président de la première note : « […] le choix a été fait d’une concentration du pouvoir entre les mains de l’exécutif. En temps de paix, la République n’a jamais connu une telle restriction des libertés […] La CNCDH met en garde contre la banalisation de l’état d’urgence. La banalisation de mesures restrictives des libertés n’est pas admissible. L’urgence ne peut pas être un état permanent. » La seconde relève : « […] entre contraintes sanitaires et impératifs économiques, il n’a été laissé que peu de place à la défense des droits et libertés qui sont pourtant au fondement de notre État démocratique et de notre République […] Ce mouvement ne date pas d’hier. Voilà des années que, dans un silence pesant, des libertés considérées jusque-là comme fondamentales et garanties à ce titre par la Constitution et la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales s’éclipsent tour à tour, réduites au mieux à un supplément d’âme dont une démocratie pourrait se parer lorsque la situation et ses services publics le lui permettent, au pire à des obstacles contrariant le déploiement de mesures prises pour faire face à des crises. »

Comme ces deux institutions, la Fédération nationale de la Libre Pensée condamne un texte qui amplifie le processus de mise en cause des libertés démocratiques, que, de surcroît, la perspective d’une loi sur le séparatisme portant atteinte à celles du 1er juillet 1901 sur le contrat d’association et du 9 décembre 1905 concernant la Séparation des Églises et de l’État ne pourrait qu’aggraver. Après la lutte contre la délinquance, celles contre le terrorisme et les épidémies, dans un contexte de grande pénurie des hôpitaux, justifient tous les dérapages contre les libertés démocratiques.

La Libre Pensée demande notamment :

  • Le retrait du projet de loi instaurant à nouveau l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 1er avril 2021 ;
  • L’abrogation de la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, qui a déjà porté atteinte aux libertés et droits fondamentaux ;
  • L’abrogation de la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid 19, qui étend au domaine sanitaire les restrictions des libertés démocratiques ;
  • Le renoncement à toute loi sur le ou les séparatisme (s).

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Paris, le 28 octobre 2020