Une absurdité ne peut déboucher que sur une autre absurdité

Pour nous suivre

article paru sur le blog Mediapart de la Libre Pensée

On connaît désormais le projet totalitaire du gouvernement d’imposer, par le biais d’une conception oximoresque des « valeurs de la laïcité et de la République », une organisation totalitaire de la société. En une formule comme en cent : une idéologie d’État. Une idéologie d’État est par nature totalitaire, car elle viole la liberté de conscience des citoyens. Malheur à celui qui ne la partagerait pas ! Malheur à celui par qui le scandale arriverait !

Le projet de loi – dont le nom et le contenu sont un véritable ectoplasme, sans noyau, sans circonférence (ce qu’on appelle aujourd’hui : un Blob) et qui change d’apparence tout le temps – prévoit donc que les associations désirant obtenir une subvention sur fonds publics devront obligatoirement souscrire à une « Charte » de valeurs.

Rappelons à quelques insuffisants en culture, que la République, c’est la loi et que la Charte, c’est la Monarchie (Magna carta, Charte de Charles X, ou pire encore Charte du Travail, etc). Pour des valeurs de la République, cela commence plutôt mal.

Le jeudi 25 novembre 2020, un hommage mérité a été rendu à Daniel Cordier, secrétaire de Jean Moulin. Ce qu’on a célébré à cette occasion est le jeune homme qui rallie la Résistance et qui se met au service du futur Président du CNR. Ce n’est pas ce qu’il adviendra de lui plus tard. C’est son acte d’héroïsme dans un moment tragique qui a été, à juste titre, magnifié.

Que dit sa fiche sur Wikipedia : « Influencé par les idées antisémites et maurrassiennes de son beau-père qu’il admire, il milite à 17 ans à l‘Action française (Il fait partie aussi des Camelots du Roi. NDLR) et fonde à Bordeaux le cercle Charles-Maurras. En effet, comme il le reconnaît dans Alias Caracalla, en tant qu’admirateur de Charles Maurras, il est, au début de la guerre, antisémite, antisocialiste, anticommuniste, antidémocrate et ultranationaliste, souhaitant même, après son ralliement à la France libre, que Léon Blum soit fusillé après un jugement sommaire à la fin de la guerre. Il écrit dans son autobiographie qu’il ne serait jamais entré dans la Résistance sans les articles du théoricien du « nationalisme intégral » Mais, contrairement à son maître à penser, il refuse d’emblée l’armistice par patriotisme ».

Est-ce cela les « valeurs de la République et de la laïcité » ? S’il se constituait une association « Daniel Cordier » comment pourrait-elle, sans déjuger ce que fut cet homme, souscrire une charte des valeurs républicaines et laïques ? Cela serait une faute historique, une révision, bref un mensonge. L’histoire d’un homme est comme l’Histoire, c’est un bloc. On ne trie pas dedans, comme on trie ses déchets.

Ainsi donc un acte aussi fondateur que l’entrée en Résistance de Daniel Cordier, sauf à faire mentir l’Histoire, ne saurait être perpétué par une association qui demanderait une subvention publique. Voilà où mène l’absurdité macronnienne. Le même Macron ne se gênera pas pour gloser à l’infini sur les mérites de Daniel Cordier. Hypocrite et Tartuffe, tout à la fois.

Prenons un autre exemple. Chaque fin août de chaque année, on célèbre la Libération de Paris par la IIe DB. Plus particulièrement, par la Nueve. Voici ce qu’en dit Wikipédia aussi : « La 9e compagnie du régiment de marche du Tchad, qui faisait lui-même partie de la 2e division blindée ou Division Leclerc, a été surnommée la Nueve (chiffre « neuf » en espagnol). Cette compagnie enrôlait 160 hommes dont 146 républicains espagnols. »

Ces « républicains » espagnols étaient en très grande majorité des anarchistes espagnols, membres de la CNT et de la FAI. Ils avaient tous fait la Guerre d’Espagne et avaient en commun une conception de la République et de la laïcité qui était aux antipodes de celle d’Emmanuel Macron et de son gouvernement.

Ils faisaient, sans aucun doute, leur, la définition de Pierre-Joseph Proudhon : « La République est une anarchie positive. Ce n’est ni la liberté soumise à l’ordre comme dans la monarchie constitutionnelle, ni la liberté emprisonnée DANS l’ordre, comme l’entend la Gouvernement provisoire. C’est la liberté délivrée de toutes ses entraves, la superstition, le préjugé, le sophisme, L’agiotage, l’autorité ; c’est la liberté réciproque et non pas la liberté qui se limite ; la liberté non pas fille de l’ordre, mais MERE de l’ordre. »

On connait l’aphorisme d’Elisée Reclus : « L’anarchie est la plus haute expression de l’ordre ». Il ne faut pas être grand clerc pour s’apercevoir que tout cela est aux antipodes de ce que pense ce gouvernement de « l’Ordre », qu’il confond toujours avec l’usage immodéré de la matraque. De même, la conception des libérateurs de Paris en matière de lutte anticléricale (donc de laïcité) pendant la Guerre d’Espagne ne doit pas avoir grand-chose à voir avec celle du proto-chanoine d’honneur de Notre-Dame du Latran à Rome, le ci-devant Emmanuel Macron.

Ainsi, grâce à l’absurde conception macronnienne en matière de subvention pour les associations, une association ayant pour objet de célébrer les mérites de la Nueve ne pourrait avoir aucune subvention publique, sauf à faire mentir l’Histoire et la vérité.

Tertullien disait déjà il y a longtemps : « Credo quia absurdum » (je [le] crois parce que c’est absurde). Affirmer la justesse de la nécessité de ces « Chartes de la laïcité » n’est qu’un autodafé de la liberté (Acte de foi). Comme on disait naguère « Cela sent le fagot ».

Christian Eyschen

PS : Pour éviter tout quiproquo, la Fédération nationale de la Libre Pensée ne demande et ne perçoit aucune subvention publique. Elle ne prêche donc pas pour sa paroisse en disant tout cela.

TELECHARGEZ AU FORMAT PDF

TELECHARGEZ AU FORMAT RTF