Retrait du projet « Sécurité Globale ». En direct avec Maître Arié Alimi

Pour nous suivre

La Raison : Pourriez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

Maître Alimi : Je suis né à Sarcelles. J’ai vécu dans les quartiers populaires jusqu’à la faculté de droit à Assas sur Paris. Je me suis engagé politiquement contre le GUD. Et depuis je suis militant anti- raciste. J’ai rejoint la LDH en 2015 à la suite de l’affaire Rémi Fraisse dont je m’occupe toujours; Je suis très investi dans les affaires de violences policières (Jerome Rodrigues, Genevieve Legay, Cedric Chouviat, près d’une cinquantaine de dossiers en cours) et de plus en plus en droit de la presse.

La Raison : Vous êtes dans les initiateurs de la mobilisation contre la proposition de loi sur la Sécurité générale. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?

Maître Alimi : Avec la LDH et les syndicats de journalistes nous avons considéré qu’il était primordial d’organiser la mobilisation contre la loi sécurité Globale et le nouveau Schéma National du Maintien de l’ordre ; ce texte s’inscrit dans une continuité législative sécuritaire visant à réduire l’Etat de droit et les libertés fondamentales.

La Raison : Les médias ont surtout mis en avant la question de l’article 24.Quelle menace cet article fait peser sur le métier de journaliste et sur les libertés ?

Maître Alimi : L’article 24 aura pour conséquence de modifier le comportement journalistique et de permettre les interpellations de journalistes ou de citoyens lorsqu’ils filmeront. C’est la liberté de la presse qui est menacée mais également la possibilité d’obtenir des preuves en matière de violences policières.

La Raison : Y-a-t-il d’autres problèmes importants et menaces graves dans cette proposition de loi ?

Maître Alimi : Oui, toute la loi. Avec notamment l’instauration de la surveillance généralisée avec les drones et la centralisation des images de camera piétons sur les uniformes à des fins de communication immédiate par la Préfecture de police. L’économie générale du texte c’est voir pour l’Etat sans être vus par les citoyens. Par ailleurs le transfert du pouvoir régalien de la sécurité de la police nationale vers les polices municipales et les entreprises de sécurité privées

La Raison : Comment voyez-vous la suite de la mobilisation démocratique pour faire échouer ce projet rétrograde ?

Maître Alimi : Une mobilisation massive autour de valeurs communes, les libertés, la Marche des Libertés. Un décryptage permanent de la population dans les médias. Cela commence à craquer notamment du côté du Sénat avec Monsieur le Sénateur Bas, qui vient de critiquer publiquement l’article 24. Nous pouvons gagner;

La Raison : Voulez-vous rajouter quelque chose pour nos lecteurs ?

Maître Alimi : Je crois qu’il est temps de croire à nouveau en la capacité politique des forces progressistes de ce pays qui doivent se réunir autour des valeurs essentielles. Nos libertés

(Propos recueillis par Christian Eyschen)

 

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Entendu sur France Culture.fr

Pour l’avocat Arié Alimi, “nous vivons aujourd’hui dans un régime autoritaire”

Par Antoine Marette et Eric Chaverou

Le ministre de l’Intérieur annonce l’ouverture d’une enquête sur la violente évacuation de migrants hier soir place de la République, à Paris. L’avocat et membre de la Ligue des Droits de l’Homme Arié Alimi dénonce “une dérive autoritaire de l’État“, “un moment de basculement” dans l’État de droit.

Des centaines de personnes ont été expulsées lundi 23 novembre place de la République à Paris, parfois sous les tirs de gaz lacrymogène et de grenades de désencerclement. Depuis hier soir, la violente évacuation d’une manifestation de migrants place de la République, à Paris, fait énormément réagir. Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin s’est lui-même rapidement dit choqué sur Twitter, puis il a annoncé, après du préfet de police, la saisie de la polices des polices “sur plusieurs faits inacceptables“, demandant des “conclusions sous 48h” qu’il rendra “publiques“. De nombreuses vidéos de cette soirée circulent sur les réseaux sociaux. Elles montrent des policiers frappant des manifestants.

Cette manifestation était organisée une semaine après l’évacuation d’un camp de migrants à Saint-Denis. L’association Utopia 56, qui vient en aide aux réfugiés, voulait à travers cette occupation symbolique de la place de la République revenir sur leur situation et leur trouver une solution d’hébergement.

L’avocat Arié Alimi, membre de la Ligue des Droits de l’Homme, et présent hier soir place Beauvau lors d’une rencontre de Gérald Darmanin avec les opposants au projet de loi de “sécurité globale“, était l’invité de notre journal de 12h30.

Une enquête a donc été ouverte après les violences d’hier soir. La police des polices a été saisie. C’est un motif de satisfaction pour vous ?

La satisfaction aurait été qu’il n’y ait pas de violences commises. Que personne n’ait vu les violences atroces commises sur des migrants, des personnes qui essayent simplement de trouver un logement. Je rappelle que nous sommes en période de confinement. Normalement, tout le monde devrait donc avoir un lieu où dormir. C’est à l’État de respecter cette obligation.

Il y a eu des violences sur des journalistes. On l’a vu pour Rémi Buisine, de Brut. On a vu Nicolas Mayart. Avec des menaces de mort, frappés avec des coups de matraque au sol. Des images que l’on n’aurait pas pu imaginer en France, pays qui se veut pour l’instant en tout cas, et qui se revendique démocratique.

Vous avez été reçu hier par Gérald Darmanin au sujet de la proposition de loi sur la “sécurité globale”. Vous êtes sorti mécontent du ministère. Pourtant, par rapport au texte initial, il y a eu des amendements, des reculs diront certains (sur la presse, le floutage des policiers). Qu’est-ce qui fait que vous avez quitté la table des négociations ?

Parce qu’il ne s’agissait tout simplement pas de négociations. Monsieur Darmanin a tout de suite rappelé qu’il soutenait et maintenait son soutien aux différents articles, les articles 21, 22 et 24 de la proposition de loi “sécurité globale“, mais également au schéma national du maintien de l’ordre. Tous articles confondus qui posent les jalons d’une politique répressive à l’égard des journalistes, mais également des citoyens, des vidéastes amateurs et de toutes les professions d’image et réalisateurs. Finalement de tout le monde, c’est-à-dire la possibilité de pouvoir montrer et regarder les abus des autorités, des violences policières comme celles qui ont encore été commises hier.

Nous avons dit à M. Darmanin ce que nous vivions, ce que les journalistes visaient, il n’a rien voulu entendre et c’est pour cela que nous avons quitté la table. Et pour cause, deux heures plus tard, nous avions encore ce type de scènes intolérables qui se reproduisaient sur la place de la République, symbole particulièrement fort.

Vous dénoncez donc une dérive sécuritaire et vous appelez à une nouvelle mobilisation samedi prochain ?

Effectivement. Après la mobilisation que nous avons entamée, d’abord devant l’Assemblée nationale qui a accueilli des milliers de personnes, ensuite place du Trocadéro, avec aux alentours de 20 à 25 000 personnes, ce qui montre l’évolution de cette mobilisation, et enfin, samedi, une Marche des libertés, une particulièrement importante. On a vraiment tout l’arc politique, syndical, associatif qui semble se mobiliser autour de cette marche et nous espérons ainsi porter la voix et expliquer que cette dérive autoritaire de l’Etat n’est plus possible, que nous ne pouvions pas céder indéfiniment au chantage des syndicats de police concernant les mesures qu’ils souhaitent demander et qu’il est temps maintenant que la France retrouve finalement son honneur à l’international.

Cette dérive autoritaire que vous dénoncez, vous l’avez constatée à partir de quand ? 

A mon sens, elle a commencé de manière expérimentale dans les quartiers populaires depuis la décolonisation, depuis les guerres d’indépendance. Mais de manière plus contemporaine, je pense que l’on peut marquer l’année 2014, novembre 2014, avec le décès de Rémi Fraisse. La doctrine dans le maintien de l’ordre a changé, officieusement en tout cas. Le mouvement des “Gilets jaunes” avec énormément de mutilés et plus globalement, une atteinte aux journalistes et aux citoyens. La restriction du droit de manifester, toutes les libertés progressivement réduites avec un vrai schéma de restriction de l’État de droit. Et là, nous en sommes à un moment de basculement. Donc, s’il n’y a pas ce sursaut qui est en train de naître, que l’on sent naître pour protéger l’État de droit, peut-être passera-t-on à un État de police de manière définitive.

Un État policier ? Un basculement vers quoi ? Vers un pays fasciste, autoritaire ? 

Autoritaire, nous y sommes déjà. Les mesures et la politique utilisées par le gouvernement, extrêmement centralisées, conduisent à réduire les libertés, notamment le droit de manifester. Et on a de plus en plus de difficultés à manifester. On a de plus en plus de difficultés à circuler. Je rappelle que nous sommes en état d’urgence pratiquement trois ans sur cinq depuis cinq ans.

C’est-à-dire que nous sommes plus longtemps en état d’urgence qu’en état de droit commun. On peut aujourd’hui parler de régime autoritaire. La question suivante, c’est de savoir si on passe en état de police, c’est-à-dire un pays où la police fait la loi. Et avec la loi “sécurité globale“, cela commence à y ressembler.

En même temps, au départ, pour cette sécurité, ce côté sécuritaire, il y a des raisons. Liées au terrorisme, à des problèmes sanitaires. Comment répondre à ces problèmes-là ? 

Vous avez parfaitement raison. Il y a des raisons factuelles. Il existe une urgence sécuritaire avec les attentats terroristes et une urgence sanitaire avec la pandémie. Mais ce n’est pas parce qu’il y a une urgence sécuritaire et sanitaire que l’on doit y répondre par un état d’urgence et par une restriction des libertés. Au contraire. Et d’ailleurs, on voit que la longue liste de lois sécuritaires adoptées depuis 2007 à peu près, n’aboutit qu’à une violence plus importante et une conflictualité plus importante de la société et à une restriction des libertés.

Nous pensons à la Ligue des Droits de l’Homme, mais avec un arc beaucoup plus large, que c’est en apportant encore plus de libertés dans les institutions, encore plus d’Etat de droit que nous pourrons combattre le terrorisme et les germes du terrorisme et que nous pourrons éventuellement faire face à une pandémie en responsabilisant la population plutôt que de lui imposer des mesures liberticides.  

 

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La Fédération nationale de la Libre Pensée appelle à participer massivement aux Marches des Libertés de ce week-end, partout en France.

APPEL POUR LES MARCHES DES LIBERTÉS SAMEDI 28 NOVEMBRE PARTOUT EN FRANCE

Communiqué commun de la coordination « StopLoiSecuriteGlobale »

Nous appelons à participer aux Marches des libertés organisées partout en France ce samedi 28 novembre 2020. A Paris, celle-ci aura lieu de 14h à 18h de la place de la République jusqu’à la place de la Bastille, sur laquelle un rassemblement se tiendra avec des prises de paroles d’artistes et de grandes voix des libertés. Nous vous invitons à marcher avec une croix X sur votre masque, symbolisant l’atteinte à la liberté d’expression.

Après les rassemblements du 17 novembre à l’Assemblée nationale, du 21 novembre sur la place du Trocadéro et aux quatre coins du pays, réunissant des dizaines de milliers de personnes, le mouvement pour la liberté de l’information et pour le respect de l’Etat de droit et de nos libertés ne cesse de croître. Le ministre de l’Intérieur nous a reçu sans nous écouter. Face à cette politique autoritaire et au basculement possible dans un Etat de Police, comme sur la place de la République, dans la nuit du lundi 23 novembre au cours de laquelle des demandeurs d’asile et des journalistes ont été tabassés par les forces de l’ordre, il est urgent de rassembler toutes les forces syndicales, associatives, politiques et culturelles du pays qui s’opposent au nouveau schéma national du maintien de l’ordre ainsi qu’à la loi sécurité globale, avant qu’elle ne soit soumise au Sénat.

•Nous ne voulons pas d’une loi qui porte atteinte aux libertés fondamentales et au regard des citoyen-ne-s.
•Nous refusons que la France soit le pays des violences policières et des atteintes à la liberté d’informer.
•Nous alertons sur le fait que la France risque de se retrouver cette année aux côtés du Pakistan, du Soudan, de la Somalie, de la Turquie, d’Israël et de la Chine… sur la liste des pays qui violent la liberté de la presse, lors de la prochaine session du Haut-Commissariat aux droits de l’Homme des Nations unies, à Genève, début 2021.
•Nous soutenons que sans images diffusées par la société civile, les violences policières resteront impunies.
•Nous ne voulons pas d’une société où l’Etat peut voir avec des drones et des caméras piétons, sans être vu.
•Nous rappelons que le droit français sanctionne les actes et non les intentions, comme le prévoit l’article 24.
•Nous affirmons que l’atteinte au droit des citoyens et de la presse à informer est disproportionnée et que l’arsenal juridique existant est amplement suffisant pour protéger les forces de l’ordre d’éventuelles agressions consécutives à la diffusion d’images
•Nous rappelons que l’article 12 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen institue une force publique et non pas une force floutée.
•Nous sommes aux côtés de L’ONU, de la Commission européenne, du parlement européen, de la CNCDH, de la Défenseuse des droits, et de toutes les forces progressistes pour condamner ces lois liberticides.

La coordination « StopLoiSecuriteGlobale », composée de syndicats, sociétés, collectifs, associations de journalistes et de réalisateurs, confédérations syndicales, associations, organisations de défense de droits humains appelle tou-te-s les citoyen-ne-s à signer cet appel, à se mobiliser et à organiser des marches des libertés partout en France ce samedi 28 novembre 2020. Nous ne resterons pas silencieux·ses ni assis·es, nous ne laisserons pas la France devenir une démocratie illibérale sans réagir

Paris, le 26 novembre 2020

Pour le détail : https://www.ldh-france.org/appel-pour-les-marches-des-libertes-samedi-28-novembre-partout-en-france/

 

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Vous avez dit : Laïcité ?

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