Idée Libre n°331 décembre 2020 – “Que reste-t-il de Vichy ?”

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Que reste-t-il de Vichy  ?

Le plus difficile, semble-t-il, en Histoire est d’étudier la différence entre ce qui ne bouge pas et ce qui bouge. C’est d’ailleurs tout le secret de l’Histoire comme science, comme art et comme méthode. C’est ce qui la différencie fondamentalement de la sociologie qui est, essentiellement, l’étude des «  invariants  », de ce qui ne bouge pas. Or, l’Histoire étudie le mouvement des hommes dans le temps. S’il ne s’agissait que de cela, les choses seraient bien simples et bien faciles.

Or, toujours, absolument toujours, quelque chose demeure de l’ancien même dans le plus grand des bouleversements, même dans les révolutions les plus abouties. D’ailleurs, le fatras tsariste n’a pas peu contribué à la dégénérescence de la Révolution russe  ; l’isolement de cette dernière a fait remonter les égouts mais les égouts étaient là, sous la surface. On pourrait prendre bien d’autres exemples.

Et à cette difficulté entrelacée du mort et du vivant, de l’ancien et du neuf, du mobile et de l’immobile, se greffe, autant pour l’historien que pour le contemporain, un autre problème  : le discours que le pouvoir dominant, au sens très large du terme, donne de lui-même. Louis XVIII se présentait comme le continuateur des Bourbons mais la Révolution avait tout bouleversé. Bonaparte se présente comme la fin de la Révolution alors que, pour une large part, il en était le continuateur et, en quelque sorte, le garant. Le discours du pouvoir sur lui-même est toujours trompeur et pas toujours consciemment.

De Gaulle a combattu Vichy et pas qu’un peu  ! Et pourtant, et il le revendiquait dans ses «  Mémoires de Guerre  », il ne lui trouvait pas que des défauts, bien au contraire. Seule la présence allemande lui répugnait.

Jusqu’à quel point, pour se réaliser Vichy dut-elle devenir sa propre défaite dans le régime gaulliste de la Ve République, voire dans la IVe République, quoiqu’il puisse en paraître  ? On panthéonise Jean Moulin mais Papon est ministre de la Ve République après avoir été préfet de la IVe. S’agit-il d’un hasard de destinées  ? Le projet corporatiste, heureusement, battu en 1969, n’est-il pas un prolongement explicite du corporatisme vichyste  ? Et les organisations syndicales ne s’y sont pas trompées. Les amnisties successives à partir de 1947 ont permis le retour du personnel politique vichyste. C’est ce débat que nous voulons ouvrir ici  : en quoi Vichy  s’est il maintenu?

Jean-Marc Schiappa

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