Le Conseil constitutionnel censure partiellement la loi Molac : l’enseignement privé sous contrat en sort encore favorisé

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Par une décision n° 2021-818 DC du 21 mai 2021, le Conseil constitutionnel a partiellement censuré avant sa promulgation la loi relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion, adoptée définitivement le 8 avril précédent. Au vu de l’article 2 de la Constitution du 4 octobre 1958, aux termes duquel « La langue de la République est le français », il déclare contraires à celle-ci les articles 4 et 9 ayant respectivement trait à l’enseignement immersif en langues régionales et à l’emploi des signes diacritiques desdites langues (á, ì, ó, ú, tilde, ß) dans les actes de l’état civil. En revanche, il valide l’article 6 qui accroît les possibilités de financement par les communes de résidence de leurs élèves qui sont inscrits dans des classes de l’enseignement privé sous contrat, situées hors du ressort de ces collectivités et dispensant un enseignement en langues régionales.

Sur les articles 4 et 9

L’article 9 de la loi relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion autorisait l’utilisation de signes diacritiques dans les actes de l’état civil. Le Conseil constitutionnel considère que cette disposition était contraire à l’article 2 de la Constitution en tant qu’elle aurait eu pour effet de reconnaître « un droit à l’usage d’une langue autre que le Français ». Dans la pratique, cette décision interdira aux parents résidant notamment dans le Sud de la France de donner le prénom de leur choix à leurs enfants alors même que fleurissent par ailleurs des petits noms singuliers ou d’origine étrangère. Elle devrait également fragiliser la circulaire de 2014 qui encadrait l’emploi des signes diacritiques. Il n’est pas sûr que la défense du Français y trouve un appui solide.

L’article 4 de la loi Molac proposait d’introduire un 3° à l’article L. 312-10 du Code de l’éducation, qui permet déjà l’enseignement des langues régionales, ainsi rédigé : « Un enseignement immersif en langue régionale, sans préjudice de l’objectif d’une bonne connaissance de la langue française. » Bien que les idiomes régionaux appartiennent au patrimoine de la France, comme l’indique l’article 75-1 de la Constitution du 4 octobre 1958, et en dépit du rappel de l’objectif d’une « bonne connaissance » du Français rappelé par la loi, le Conseil constitutionnel considère que cette disposition était contraire à l’article 2 de cette constitution en ce qu’elle offrait la possibilité aux « établissements qui assurent le service public de l’enseignement ou sont associés à celui-ci » de délivrer, à titre principal voire exclusif, un enseignement, non pas des langues régionales mais dans les langues régionales. Il est vrai que dans un tel dispositif, l’apprentissage du français aurait pu s’apparenter à celui d’une langue étrangère.

La Libre Pensée rappelle les termes de son communiqué du 19 avril 2021 : « La Libre Pensée ne s’est jamais opposé à l’enseignement des langues régionales. Elle considère que si cela correspond à une volonté des locuteurs, cet enseignement ne menace en rien le Français. Par contre, elle s’est opposée à la mise à égalité juridique entre les langues régionales et le Français comme le prévoyait la Charte Européenne des Langues Régionales et Minoritaires. La Libre Pensée refuse qu’on rende officielle une langue particulariste en la mettant juridiquement à égalité avec le Français. Seuls les locuteurs peuvent revendiquer des droits, pas une langue.

Elle s’est toujours aussi opposée à l’enseignement des langues (quelles qu’elles soient, hormis le Français) en immersion totale dès la petite enfance en métropole, nuisible à l’intercompréhension des citoyens. »

Sur l’article 6

La loi pour une école de la confiance du 26 juillet 2019 en avait ouvert la possibilité : aux termes des sixième et septième alinéas de l’article L. 442-5-1 du Code de l’éducation, qui en sont issus, les communes étaient autorisées à verser une « […] participation financière à la scolarisation des enfants dans les établissements privés du premier degré sous contrat d’association dispensant un enseignement de langue régionale au sens du 2° de l’article L. 312-10 […] » Celle-ci présentait le caractère d’« […] une contribution volontaire » et faisait «  […] l’objet d’un accord entre la commune de résidence et l’établissement d’enseignement situé sur le territoire d’une autre commune, à la condition que la commune de résidence ne dispose pas d’école dispensant un enseignement de langue régionale

La loi pour la protection patrimoniale des langues régionales et leur promotion, définitivement votée le 8 avril 2021, va plus loin que celle du 26 juillet 2019. Elle fusionne les deux alinéas et, surtout, retire à la contribution publique tout caractère volontaire de sorte que celle-ci devient pour les communes une nouvelle dépense obligatoire en faveur de l’enseignement privé, pour l’essentiel catholique : « La participation financière à la scolarisation des enfants dans les établissements privés du premier degré sous contrat d’association dispensant un enseignement de langue régionale au sens du 2° de l’article L. 312-10 fait l’objet d’un accord entre la commune de résidence et l’établissement d’enseignement situé sur le territoire d’une autre commune, à la condition que la commune de résidence ne dispose pas d’école dispensant un enseignement de langue régionale. »

Le Conseil constitutionnel valide ces nouvelles dispositions qui viennent alourdir pour les communes les conséquences de la loi dite Carle du 28 octobre 2009 tendant à garantir la parité de financement entre les écoles élémentaires publiques et privées sous contrat d’association lorsqu’elles accueillent des élèves scolarisés hors de leur lieu de résidence. Il considère que « […] les dispositions contestées n’ont pas pour effet de permettre à des particuliers de se prévaloir, dans leurs relations avec les administrations et les services publics, d’un droit à l’usage d’une langue autre que le français, ni de les contraindre à un tel usage. »

Il est vrai que ne sont pas ici en cause l’apprentissage, ni la place des langues régionales en France, mais le financement public massif de l’école privée par une « République  indivisible, laïque, démocratique et sociale » ayant introduit la Séparation des Églises et de l’État le 9 décembre 1905 pour garantir à tous les citoyens la liberté absolue de conscience. Une nouvelle fois, celle-ci est bafouée par un nouveau canal de dérivation de l’impôt vers l’enseignement catholique ou régionaliste.

Abrogation de l’article 6 antilaïque de la loi Molac !

Fonds publics à l’Ecole publique, fonds privés à l’école privée !

Paris, le 28 mai 2021

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