Le Conseil constitutionnel entérine l’essentiel des atteintes aux libertés d’instruction, d’association et de conscience

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Parfois heureusement inspiré, comme lorsqu’il a déclaré contraire aux articles 8 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen et 34 de la Constitution de 1958, l’article 52 de la loi pour une sécurité globale du 25 mai 2021 qui entendait empêcher l’identification des membres des forces de l’ordre en opérations, le Conseil constitutionnel retrouve le lit que lui assignent les institutions bonapartistes de la Cinquième République : par sa décision du 13 août 2021, le gardien fidèle de ces institutions, fondamentalement antidémocratiques, valide l’essentiel des dispositions de la loi « confortant le respect des principes de la République » adoptée par l’Assemblée nationale le 23 juillet dernier. Les trois censures qu’il a prononcées et les deux réserves d’interprétation qu’il a formulées ne sauraient occulter les graves atteintes aux libertés et droits fondamentaux qu’il a couvertes.

Comme aurait pu dire Coluche, il ne faut pas confondre rendre des avis ou des décisions de justice et rendre des services.

Trois annulations et deux réserves d’interprétation mineures

Parmi les dispositions censurées figure d’abord un cavalier législatif, celui de l’article 90 qui confiait aux conseils locaux de sécurité et de lutte contre la délinquance le soin de prévenir la récidive et la radicalisation. Ensuite, le Conseil constitutionnel a écarté la possibilité que donnait le 3° du I de l’article 16 au ministre de l’Intérieur de suspendre, pendant trois mois et à titre conservatoire, les activités d’une association faisant l’objet d’une procédure de dissolution administrative.

Ainsi, il ne sauve pas, loin s’en faut, les atteintes à la liberté d’association qu’il a par ailleurs validées. Enfin, il a déclaré, à juste titre, contraire à la Constitution l’article 26 de la loi qui permettait à l’administration de refuser de délivrer ou de retirer un titre de séjour à un étranger au motif que celui-ci aurait manifesté un rejet des principes républicains. La porte s’ouvrait, en effet, trop largement à l’arbitraire.

Les deux réserves d’interprétation du Conseil constitutionnel ont, quant à elles, une portée limitée. D’une part, s’il y a lieu, le Conseil a réduit le recouvrement des aides publiques consenties par les collectivités en faveur des associations à la part versée postérieurement à la violation de leur « engagement républicain ». D’autre part, il a subordonné l’interdiction de l’instruction à domicile à la vérification de l’existence soit d’un défaut de « capacité » à assurer celle-ci par la famille, soit d’une « situation propre à l’enfant ».

De graves atteintes aux libertés d’instruction,d’association et de conscience

Afin d’empêcher les familles de confession musulmane d’accéder entièrement à la liberté de l’enseignement, l’article 49 de la loi confortant le respect des principes de la République modifie profondément l’article 4 la loi du 28 mars 1882 sur l’enseignement primaire obligatoire qui prévoyait que « L’instruction primaire est obligatoire pour les enfants des deux sexes âgés de six ans révolus à treize ans révolus ; elle peut être donnée soit dans des établissements d’instruction primaire ou secondaire, soit dans des écoles publiques ou libres, soit dans les familles […] ».

En effet, il soumet l’instruction obligatoire dans la famille, le troisième pilier de la loi de 1882, à une autorisation préalable qui se substitue au système antérieur de contrôle a posteriori : aux termes de la nouvelle loi, cette instruction « peut être dispensée dans la famille par les parents, par l’un d’entre eux ou par toute personne de leur choix, sur autorisation délivrée dans les conditions fixées à l’article L. 131-5 [du Code de l’éducation] » Le Conseil constitutionnel a entériné le coup ainsi porté à la liberté de l’enseignement à laquelle les républicains sont fermement attachés et dont se prévaut frauduleusement l’Église catholique.

Celle-ci, rappelons-le, a obtenu récemment l’abaissement de l’âge de l’obligation scolaire de six à trois ans pour empocher des subsides supplémentaires en application de la loi Debré du 31 décembre 1959 : la contrainte pour les familles, les espèces sonnantes et trébuchantes pour la secte romaine.

La loi confortant le respect des principes de la République ouvre, par ailleurs, au moins deux brèches béantes dans celle du 1er juillet 1901 sur le contrat d’association qui a renoué avec l’esprit de celle du 21 août 1790 reconnaissant à tout citoyen le droit de créer une « société libre » et mis fin au régime d’autorisation imposé aux groupements, sous peine de sanction pénale, par le décret impérial de 1810. D’une part, elle soumet les associations recevant une aide publique à l’obligation de souscrire un faux « contrat d’engagement républicain » dont la définition du contenu incombera au seul pouvoir réglementaire, imposant ainsi une véritable idéologie d’État aux groupements dont l’activité justifie le versement d’une subvention en leur faveur.

D’autre part, elle élargit considérablement la faculté donnée au pouvoir exécutif de dissoudre des associations, jusqu’à ce jour limité aux seuls groupements armés ou de hooligans, et ce au détriment de l’autorité judiciaire indépendante. La dissolution administrative de l’association pourra s’exercer au seul motif qu’un de ses membres tiendrait des propos jugés inacceptables, une disposition qui ouvre la voie à toutes les provocations et combines de basse police.

Alors qu’il avait fait preuve d’indépendance en rendant sa célèbre décision du 16 juillet 1971 qualifiant la liberté d’association de principe fondamental reconnu par les lois de la République, le Conseil constitutionnel vient d’entériner, à rebours de sa jurisprudence, ces deux blessures infligées à la loi du 1er juillet 1901 sur le contrat d’association.

Enfin, la loi confortant « le respect des principes de la République » mutile gravement celle du 9 décembre 1905 concernant la Séparation des Églises et de l’État, notamment sous trois aspects. D’une part, en contradiction avec l’article 19 de celle-ci, elle donne désormais aux associations cultuelles, qui ont légalement pour seul objet l’exercice public du culte, la faculté de gérer un patrimoine immobilier acquis par legs ou donation et dépourvu de toute charge ou affectation pieuse.

D’autre part, en violation des articles 1 et 2 de la loi de 1905 aux termes desquels, pour « garantir la liberté de conscience », « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte », elle donne au préfet la possibilité de rejeter, lors de sa création puis tous les cinq ans, la déclaration spéciale par laquelle une association devra se qualifier de cultuelle. C’est incontestablement une procédure de reconnaissance qui ne dit pas son nom.

Enfin, elle soumet aux obligations pesant sur les cultuelles, sans leur accorder les avantages qui en découlent, les associations relevant de la loi du 1er juillet 1901 assurant en partie l’exercice public du culte, en application de la loi du 2 janvier 1907. Comme par hasard, très majoritairement, ces associations sont musulmanes. Le Conseil constitutionnel, à défaut d’avoir « […] soulevé d’office aucune autre question de conformité à la Constitution […] (ne)  […] s’est donc pas prononcé sur la constitutionnalité […] » des dispositions portant atteinte à la loi de 1905, dont aucun groupe parlementaire ne l’avait saisi.

Compte tenu de la gravité des atteintes aux libertés d’instruction, d’association et de conscience qu’entraîne la loi « confortant le respect des principes de la République » sur laquelle le Conseil constitutionnel a exercé son contrôle le 13 août 2021, en raison aussi de son insertion dans un ensemble de textes législatifs et réglementaires fragilisant en profondeur les libertés et droits fondamentaux théoriquement garantis dans la République (loi sur la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme du 30 octobre 2017 ; loi du 23 mars 2020 sur l’état d’urgence sanitaire ; loi pour une sécurité globale du 25 mai 2021 ; loi du 30 juillet 2021 relative à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement ; loi du 5 août 2021 sur la gestion de la crise sanitaire ; décrets du 2 décembre 2020 modifiant les dispositions du Code de la sécurité intérieure relatives au traitement de données à caractère personnel),

La Fédération nationale de la Libre Pensée en demande l’abrogation.

Abrogation de la loi dite séparatisme !
Abrogation de toutes les mesures liberticides !

Paris, le 17 août 2021

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