L’Archange saint-Michel des Sables d’Olonne  : Ses ailes de géant l’empêchent de marcher.

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Par un jugement du 16 décembre 20211, le Tribunal administratif de Nantes vient d’infliger une nouvelle défaite à ceux qui s’emploient depuis des années à saturer le domaine public de signes et emblèmes religieux, temporaires ou permanents, en violation de l’article 28 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la Séparation des Églises et de l’État qui interdit « […] d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit à l’exception des édifices servant au culte, des terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires ainsi que des musées ou expositions. »

Après les croix fixées irrégulièrement sur le dôme de l’Hôtel de Granvelle à Besançon, un mur de la cantine scolaire de la commune de Wandignies-Hamage  ou l’immense effigie du pape Jean-Paul II à Ploërmel  ; après le calvaire de Plorec-sur-Arguenon situé indûment au croisement de deux routes départementales  ; après les statues de la Vierge de Publier, de Saint-Pierre d’Alvey ou de Cogolin érigées à tort sur le domaine public  ; après celle de l’oblat canonisé Saint-Maur élevée également à tort dans la même commune sur un rond-point  ; après les nombreuses crèches de la Nativité présentes indûment dans les bâtiments publics lors des fêtes du solstice d’hiver, le juge administratif regarde aussi comme illégale l’installation de la représentation de l’archange Saint-Michel, patron des parachutistes revêtu de grandes ailes, sur la place publique qui sert de parvis à l’église éponyme des Sables d’Olonne.

Le jugement du Tribunal administratif de Nantes, en tant qu’il répond aux différents moyens soulevés en défense par la commune des Sables d’Olonne, présente un triple intérêt. D’une part, il explicite clairement la finalité recherchée par le législateur de 1905, épris de liberté, par le biais de l’article 28 de la loi de Séparation des Églises et de l’État  : «  Ces dispositions […] ont pour objet d’assurer la neutralité des personnes publiques à l’égard des cultes […]  », non de brimer quiconque.

D’autre part, le juge précise que la commune n’a pas rapporté la preuve du caractère culturel, historique ou traditionnel de la statue litigieuse, ce qui aurait sans doute pu justifier son exposition éventuelle   comme œuvre d’art au sens de la loi de 1905 : «  Si la commune se prévaut d’un lien entre la statue et l’histoire locale en faisant valoir son choix de l’installer dans le quartier Saint-Michel, devant l’église éponyme, et en la présentant comme une œuvre d’art ancrée dans le patrimoine local et la mémoire des anciens élèves de l’école Saint-Michel, elle n’établit pas, alors qu’il est constant que la statue n’avait jusqu’alors jamais été exposée dans un espace public, que sa dimension culturelle, historique ou traditionnelle prévaudrait sur sa signification religieuse.  » Il note également que «  La circonstance que cette signification ne serait pas exclusivement chrétienne, Saint-Michel étant également révéré par les juifs et les musulmans, est sans incidence à cet égard.  »

Enfin, comme la Cour administrative d’appel de Lyon dans l’affaire de la statue de la Vierge de Saint-Pierre d’Alvey, le Tribunal administratif de Nantes se prononce sur la notion de dépendance de l’édifice du culte. Dès lors que le parvis de l’église présente les caractéristiques d’une place publique affectée à de nombreux usages, celui-ci ne saurait en être regardé comme une dépendance, même s’il facilite la circulation des fidèles pendant les cérémonies religieuses  : « […] si l’espace public sur lequel est implantée la statue litigieuse est attenant directement à l’église et présente pour celle-ci une certaine utilité, dès lors qu’il peut être utilisé comme parvis au début et à la fin des divers évènements religieux tels que les mariages, les funérailles et les baptêmes, il n’apparaît pas pour autant nécessaire à l’exercice du culte par le simple fait qu’il permet de faciliter la circulation et la sortie des fidèles lorsque des cérémonies religieuses sont organisées, alors que sa configuration en fait une place publique affectée à d’autres usages. Dès lors, cette parcelle ne présente pas le caractère d’un ensemble immobilier indissociable de l’église et ne peut être qualifiée de dépendance d’un édifice de culte.  »

Pour appliquer le principe fondamental reconnu par les lois de la République de la liberté de conscience, le juge administratif a rogné à raison les ailes de l’archange Saint-Michel qui a imprudemment quitté son royaume  : l’enceinte des écoles catholiques et des locaux des associations de parachutistes.

Entre Mémoire et Histoire

La droite-extrême et l’extrême-droite, ne cessent d’éructer contre la Libre Pensée qui voudrait faire tabula rasa du patrimoine érigé depuis des siècles en France. Après Charles Martel, le «  syndicat des bas du Front  » a retrouvé les mânes d’Attila et des Huns.  Pas moins  !

Il convient donc de bien préciser la position de la Libre Pensée. S’il doit y avoir débat et polémique, que cela soit au moins sur de véritables propos, et pas de fantasmes de marcheurs au pas de l’oie qui ne savent que parler de «  grand remplacement  », avec une version du «  grand effacement  ». On a les peurs qu’on mérite.

La Libre Pensée n’est pas adepte de la cancel-culture. La révision, oui, pas le révisionnisme. On ne doit pas effacer l’Histoire et ses traces, mais on doit l’expliquer en permanence. En dehors de cas caricaturaux et quelque peu provocateurs qui peuvent «  troubler l’ordre public  » selon la formule policière (une place Hitler à Strasbourg ou une rue Pétain à Vichy), à quoi sert de détruire des monuments, des statues et de débaptiser des rues  ? Il est bien plus utile et pédagogique de mettre un panneau explicatif à côté d’un monument controversé. Panneau dont le texte peut aussi évoluer.

La mémoire c’est ce qui reste quand l’Histoire s’efface et se modifie et que la paresse de l’esprit va – elle le croit – à l’essentiel. Il faut toucher à l’Histoire avec des mains tremblantes (pour paraphraser Sieyès). La mémoire est fluctuante, elle n’est soumise à aucune règle rationnelle. La mémoire est émotion quand l’Histoire devrait être purement factuelle. L’Histoire est récit, quand la mémoire est passion. Si l’on doit modifier l’Histoire, on ne peut le faire qu’avec précaution et à petites touches. C’est souvent le récit réussi d’une histoire ratée.

Il faut établir une méthodologie pour la mémoire. On pourrait prendre le modèle de l’Article 28 de la loi de 1905 de Séparation des Eglises et de l’Etat  : «  Art. 28 – Il est interdit, à l’avenir, d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à l’exception des édifices servant au culte, des terrains de sépultures dans les cimetières, des monuments funéraires, ainsi que des musées ou expositions.  »

On pourrait donc considérer que l’on ne touche plus à ce qui existe, et on s’interdit pour l’avenir d’ériger des emblèmes religieux ou des monuments en mémoire de personnages discutables. On laisse alors, sur un autre plan, le champ de l’Histoire libre de toute évolution. La mémoire établit des bornes et des frontières, pas l’Histoire. L’une est limitée, quand l’autre n’a pas de frontière.

Il ne doit pas y avoir d’holocauste historique de destruction des traces du passé. Le Monument en hommage aux Fusillés de Chateaubrian le dit clairement  :  «  Celui qui oublie son passé est condamné à le revivre  ». L’Histoire sert une cause, alors que la mémoire peut servir à toutes les causes, un peu comme le fameux Hôtel Printania à Vichy sous «  L’Etat Français  » de Philippe Pétain  :  «  Bains, douches  ; gargarismes, sert tous les régimes  ».

Parler d’Histoire, c’est faire l’Histoire. En fait, c’est utiliser le passé – à bon ou mauvais escient – pour façonner le présent. L’Histoire n’a d’intérêt que pour le futur et l’action pour faire. L’Histoire c’est le Pourquoi, lors que la mémoire, c’est le Comment. Il n’y a de nouveau que ce qui est oublié.

Dans le cas de la statue de saint-Michel aux Sables d’Olonne en Vendée, la question juridique, politique, historique est que celle-ci est une création actuelle et n’est pas dans le patrimoine d’hier. C’est bien la volonté de réoccuper AUJOURD’HUI la sphère publique par des emblèmes religieux. Les mêmes qui hurlent à la laïcité contre les musulmans, sont les premiers à la violer quand il s ‘agit des emblèmes catholiques.

C’est le sens de la floraison d’érection de statues de la Vierge, toutes orientées vers le sud, contre les envahisseurs. C’est le remake de sainte-Geneviève contre les Huns. Comme le disait l’Ecclésiaste  : «  Il n’y a rien de nouveau sous le soleil  ».

Avec Victor Hugo, la Libre Pensée le déclare  :

«  L’État chez lui, l’Église chez elle  !» 

Et les statues seront bien gardées…

Paris, le 20 décembre 2021

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Communiqué de presse de la Fédération de Vendée de la Libre Pensée

COMMUNIQUE PRESSE A PROPOS DE LA STATUE DE Saint Michel AUX SABLES D’OLONNE


  1. TA de Nantes, 16 décembre 2021, Fédération de Vendée de la Libre Pensée c/ Commune des Sables d’Olonne, n° 19-00981.