La Raison n°673 – juillet-août 2022

Pour nous suivre

Editorial :

Qu’elle mettait pour la première fois (Sacha Distel)

Voici venus les mois d’été, beaucoup de nos lecteurs, après s’être sans doute investis ou du moins intéressés aux vicissitudes des élections, pourront sans doute se rendre à la plage. Nous leurs souhaitons des vacances reposantes, mais voici que les débats sur les costumes de bains rejaillit.

Le maire de Grenoble ayant eu le tort de permettre le port du « burkini » dans les piscines de sa ville. Nous l’interviewons largement dans ce numéro de La Raison. À sa lecture, on a envie de s’écrier : «  enfin un Élu qui a compris la lettre et l’esprit de la loi de 1905 ! »

Mais quel est le corps du délit ? Le Burkini ou Burqini : Cela semble un jeu de mot idiot, que l’on pourrait croire méprisant vis-à-vis des femmes musulmanes, un hybride de la Burqa et du bikini. Seul un islamophobe patenté pouvait avoir inventé ce nom, eh bien non ! On le doit à une femme australienne d’origine libanaise, Aheda Zanetti qui a créé une société, nommée Ahiida, et déposé les marques « Burkini » et « Burqini » en Australie et dans plusieurs autres pays. C’est un vêtement de plage couvrant tout le corps de la tête aux pieds. Certaines musulmanes préfèrent d’ailleurs le nommer « djihab de bain »

Relevons immédiatement que le « burkini » n’est né ni en Iran, ni en Afghanistan, mais bien en Australie pour permettre aux maîtresses-nageuses féminines de confession musulmane d’exercer leur métier dans un vêtement qu’elles estimaient conforme à leur religion.

Notons que les plus virulents adversaires du burkini sont les salafistes et autres intégristes musulmans, car ce vêtement permet à des femmes musulmanes de se baigner avec d’autres femmes et d‘autres hommes dans le respect de ce qu’elles estiment être de la pudeur. Les islamistes sont résolument opposés à permettre cette cohabitation, car ils sont adeptes du séparatisme le plus strict entre musulmans et non-musulmans.

Sur la plage, on a peine à imaginer que cela ait pu poser problème. Chasseuses sous-marines et chasseurs sous-marins, surfeuses et surfeurs, véliplanchistes, se baignent depuis des lustres en combinaison de néoprène. Cependant, certains vigilants « laïques » anti-musulmans y ont vu les prémices d’un intolérable prosélytisme et la marque infamante de la soumission de la femme dans la religion des autres. C’est ainsi qu’en 2016, le maire de Cannes interdit le port du burkini sur les plages de la ville par arrêté municipal. Cet arrêté fut cassé par une ordonnance du Conseil d’État.

Cela provoqua l’ire de l’inénarrable Manuel Valls, incarnation de cette chose étrange qu’est la « gauche » raciste. Selon ce dernier « le burkini c’est un signe politique de prosélytisme religieux qui enferme la femme ». Il n’en va pas de même, bien sûr des robes grises, voiles et cornettes des nonnettes qui sont, elles, les marques rassurantes de l’Occident chrétien et pas d’une sujétion patriarcale et brutale à leur sainte Église catholique apostolique et romaine. Passons. En l’occurrence le Conseil d’État a dit le droit, et nous n’avons pas manqué de le souligner.

Constatons que les xénophobes anti-musulmans rejoignent totalement les intégristes islamistes dans la dénonciation du burkini. Ce n’est pas la première fois que les haineux de tout bord se rejoignent dans la même détestation d’une partie de l’Humanité.

Le problème des piscines est différent. Comme le souligne très justement Éric Piolle, cela n’a rien à voir avec la laïcité, mais seulement avec des règles d’hygiène et de sécurité qui ont conduit, par exemple, à en exclure les bermudas et shorts longs.

Reportons-nous en 1900, cinq ans avant la loi de Séparation, Eugène Thomas, Maire du Kremlin-Bicêtre prenait un arrêté municipal interdisant le port de la soutane sur la commune, car les prêtres étaient alors fonctionnaires. Il énonçait que « Le clergé est un groupe de fonctionnaires (…) qu’il importe particulièrement, en raison de leur nombre, de leur indiscipline naturelle et de la nature même de leurs fonctions complètement inutiles au bien de l’État, de les rappeler en toutes choses au respect absolu de toutes les lois ». La suite comportait une mention qui ne peut que nous faire sourire : «l’État ne doit pas tolérer qu’une catégorie de fonctionnaires serve à amuser les passants ». La loi de 1905 les a ensuite renvoyés à leur statut civil de simples citoyens.

Éric Piolle nous rappelle comment le port de la soutane a été discuté âprement lors des débats préalables au vote de la loi de 1905. Il cite cette intervention d’Aristide Briand : « Le silence du projet de loi au sujet du costume ecclésiastique n’a pas été le résultat d’une omission, mais bien celui d’une délibération mûrement réfléchie ».

Liberté de pensée, liberté de conscience, liberté de se vêtir comme on l’entend. C’est l’essence même de la laïcité.

Jean-Sébastien Pierre, Président de la Libre Pensée

La Couverture :

Le Sommaire

Achetez ce numéro abonnez-vous