États-Unis : L’accès à l’avortement n’est plus un droit constitutionnel.

Pour nous suivre

Cinquante ans après la décision Roe v. Wade, la Cour suprême des États-Unis écarte l’accès à l’avortement des droits constitutionnels fondamentaux reconnus à toutes les femmes américaines

Dans une affaire opposant une clinique pratiquant des avortements et l’État du Mississipi1, dont une loi récente en interdit la réalisation après la quinzième semaine d’aménorrhée2, et à la suite de la modification de sa composition durant la présidence de Donald Trump, la Cour suprême des États-Unis vient de renverser, le 24 juin 2022, sa jurisprudence vieille d’un demi-siècle reconnaissant, depuis les décisions Roe v. Wade de 1973 et Parenthood of Southeastern Pa v. Casey de 1992, l’interruption volontaire de grossesse comme un droit constitutionnel fondamental dans l’ensemble de l’Union. Elle considère que ces décisions « […] doivent être renversées » au motif que « La Constitution ne fait pas référence à l’avortement, et qu’aucun droit de cette nature n’est implicitement protégé par une disposition constitutionnelle, y compris celle de la clause d’application régulière de la loi instituée par le quatorzième amendement sur laquelle les défenseurs des décisions Roe et Casey s’appuient. »

Pour justifier ce renversement de jurisprudence, elle va jusqu’à dénaturer les paroles d’Abraham Lincoln, le père de l’abolition de l’esclavage dans les États du Sud, qui avait dit : « Nous nous déclarons tous pour la liberté ; mais en utilisant le même mot nous ne disons pas la même chose. » Le droit à l’avortement dans un pays démocratique est bien une liberté, ce mot que la majorité des juges de la Cour suprême des États-Unis a sali. Désormais, le droit des femmes américaines à bénéficier d’une interruption volontaire de grossesse dépend de la seule décision des États fédérés et n’est plus protégé par la Constitution de l’Union.

Par la décision Dobbs du 24 juin 2022, la Cour suprême des États-Unis a non seulement trahi l’idéal humaniste d’Abraham Lincoln, mais violé le Quatorzième amendement (1868) de la Constitution, aux termes duquel « […] aucun État ne privera […] quiconque […] de la liberté […] sans application régulière de la loi […] ». Elle vient de fouler aux pieds la liberté d’user de son corps selon sa conscience et sa volonté. Le 6 janvier 2021, Donald Trump avait tenté de faire envahir le Capitole, où siègent les représentants du peuple, par des milliers d’émeutiers. Le 24 juin 2022, la Cour suprême colonisée par ses séides a fait reculer les droits fondamentaux des citoyens et des citoyennes des États-Unis : dans huit États fédérés (Missouri, Dakota du Sud, Oklahoma, Arkansas, Kentucky, Alabama, Louisiane, Wisconsin), le renversement des jurisprudences Roe et Casey a immédiatement entraîné l’interdiction de l’avortement ; dans sept autres (Idaho, Mississipi, Dakota du Nord, Tennessee, Texas, Wyoming), il est certain qu’il sera prohibé d’ici la fin de l’année ; il n’est à terme garanti que dans dix-neuf États fédérés.

À certains égards, la première puissance du monde vient de rejoindre la cohorte de la petite trentaine d’États ou pseudo-États qui interdisent l’avortement ou en limitent drastiquement l’accès : Égypte, Sénégal, Gabon, Madagascar, Mauritanie, Suriname, Nicaragua, Salvador, Côte d’Ivoire, Libye, Ouganda, Soudan du Sud, Irak, Liban, Syrie, Afghanistan, Yémen, Bangladesh, Birmanie, Sri Lanka, Guatemala, Paraguay, Venezuela, Malte, Andorre, Vatican et Pologne.

La Fédération nationale de la Libre Pensée condamne cette décision réactionnaire et apporte tout son soutien au peuple américain. Elle assure tous les partisans de la liberté absolue de conscience et ses amis athées, libres penseurs et humanistes des États-Unis de sa disponibilité pour contribuer avec eux au combat pour le rétablissement du droit à l’avortement dans le ressort de l’ensemble de l’Union.

Paris, le 28 juin 2022

1 Dobbs, State Health Officer of the Mississipi Department of Health v. Jackson Women’s Health Organization.

2 « […] sauf en cas d’urgence ou d’anomalie sévère du fœtus, une personne ne pourra pas de manière intentionnelle ou en toute connaissance de cause [pratiquer] l’avortement d’un être humain non-né si la durée probable de gestation est supérieure à quinze semaines […] »