L’interview que vous ne lirez jamais dans un hebdomadaire : L’Histoire de notre combat laïque

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Le journaliste inconnu (LJI) a interviewé Francois Chaintron, auteur avec 4 autres militants laïques d’un ouvrage qui retrace le combat des militants lutte de classe depuis 1960 pour la défense de la laïcité de l’Ecole publique et de l’Etat. C’est toute une page d’une histoire commune qui a été porté par plusieurs générations de militants connus et moins connus

LJI : Pourquoi avoir écrit ce livre ?

François Chaintron : Cette histoire n’est pas forcément bien connue par les nouvelles générations. Christian Eyschen a eu la bonne idée de réunir plusieurs contributions traitant de ce combat. Jusqu’à présent, cette histoire était l’affaire de ceux-là même qui ont accompagné les contre-réformes et ont abandonné la revendication historique : « Fonds publics à l’Ecole publique, fonds privés à l’école privée. ». Leur capitulation en 1983 a ouvert la voie à une recomposition nécessaire du mouvement laïque sous tous ses aspects. Ce livre qui évidemment n’est pas exhaustif et appelle d’autres contributions, est comme une rupture avec cette « histoire officielle ».

LJI : C’est donc sur tous les plans que ce combat a été mené, syndical, associatif et politique. Y-at-il des différences quand même entre ses différents aspects de l’action ?

FC : Il y a des différences, particulièrement liées à l’histoire de notre pays où la Charte d’Amiens du congrès de la CGT de 1906 est une référence pour tous ceux qui se réclament de l’indépendance syndicale. Déjà en 1939, un syndicaliste confédéré, instituteur, comme Joseph Rollo, stigmatisait l’abandon par les dirigeants politiques ouvriers de l’action laïque. Marceau Pivert – fondateur du PSOP – disait la même chose. Tous ces militants alertaient sur le danger de la pénétration cléricale au sein même du mouvement ouvrier, pénétration favorisée par la « politique – de Maurice Thorez – de la main tendue ». Leurs vues furent confirmées depuis. Cette pénétration ne fait pas de différence, elle, entre le syndicat, le parti ou l’association, et peut prendre différents visages.

LJI : Comment voyez-vous ce qu’il reste du combat pour la laïcité dans le mouvement syndical ?

FC : Pour ce que je connais, le combat laïque reste une référence permanente des organisations ouvrières issues de la vieille CGT. La progression de syndicats confédérés dans l’enseignement public souligne que l’enjeu n’est pas seulement la laïcité de l’Ecole, mais bien la laïcité de l’Ecole et de l’Etat. Cette distinction fait d’ailleurs comprendre que l’Ecole publique n’est pas une Ecole d’Etat. Il s’agit d’une exigence démocratique interprofessionnelle.

LJI : Et dans le domaine des représentations politiques ?

FC : Indéniablement, l’apparition de la France Insoumise et de l’Union populaire, a remis à l’ordre du jour politique, la question laïque. Le programme de l’Avenir en commun rappelle que « 70% des français sont pour la suppression du financement des cultes par l’argent public en Alsace-Moselle et en Outre-mer. » L’abrogation du concordat fait partie des mesures annoncées, tout comme l’interdiction aux élus d’assister au titre de leurs fonctions à des cérémonies religieuses. Il s’en tient aux principes très clairs de la loi de 1905 et refuse tout « athéisme d’Etat », ainsi que de « montrer du doigt les croyants d’une religion. » C’est aussi l’expression d’une rupture avec le consensus des dirigeants qui bafouent la laïcité au nom de la laïcité.

LJI : Pensez-vous toujours que pour réellement réinstaurer la laïcité institutionnelle, il faille en finir avec les Institutions de la Ve République ?

FC : Oui. Et cette conviction est aujourd’hui renforcée par la crise dans laquelle les institutions de la Vème république sont entrées depuis les élections législatives, face à un rejet majoritaire de la population. Nos anciens disaient : « La laïcité est la pierre angulaire de la République ». Le régime actuel s’exclut de lui-même de cette définition.

LJI : Incontestablement, c’est de notoriété publique, que la Libre Pensée aujourd’hui incarne ce combat permanent dans la continuité. Y-a-t-il eu dans le mouvement laïque des changements notables et positifs du fait de la place de la Libre Pensée ?

FC : Un petit nombre de militants – dont des responsables de la Libre Pensée – ont lancé en 1979, 1980 un « Appel aux Laïques » face à l’agression contre la laïcité que représentaient les « conseils d’école », ancêtres si on peut dire des « écoles laboratoires » de Macron, puisqu’ils impliquaient des écoles différentes avec des projets différents sur le modèle du privé. La résistance s’est élargie au fur et à mesure des attaques. Elle a sauvegardé, tant bien que mal, l’existence de l’enseignement public national. Dans ce combat, la Libre Pensée n’a pas suivi la pente inverse des dirigeants du CNAL. Au contraire. Tant et si bien qu’elle a pu lancer un « Appel – cette fois ci – des Laïques », et contribuer à reconstituer le front des laïques, unis dans leur diversité, sur le plan national comme international. Tel est l’enjeu de la poursuite de son développement.

LJI : Voulez-vous rajouter quelques mots pour nos lecteurs ? Et comment se procurer cet ouvrage ?

FC : Qu’ils prennent connaissance de ce livre, et qu’ils en discutent. Nous ne prétendons pas détenir une quelconque vérité révélée, et on est loin d’avoir épuisé le sujet. Peut-être que des étudiants en histoire voudront approfondir le sujet et que des militants apporteront leurs expériences. J’espère qu’il pourra également aiguiser la conscience pour poursuivre ce combat. Vous trouverez ci-dessous le bon de commande correspondant.

Sommaire :

Préface par Christian Eyschen

Il y a plus de 40 ans par François Chaintron

De la Fédération de l’Éducation nationale (FEN) à l’UNSA : de « l’autonomie » au corporatisme par Michel Landron

La Libre Pensée au carrefour de son destin dans les années 1980/1990 par Philippe Besson

Du congrès de Lézignan (1995) au congrès de Saint-Herblain (2018) par Christian Eyschen

Postface par Clément Poulet