L’Église à nouveau en campagne contre l’aide médicale à mourir

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Le dossier législatif de la fin de vie descend de l’étagère. Le Président de la République ayant donné implicitement des gages à son chef suprême, la secte romaine reprend sa croisade contre la reconnaissance légale de l’aide médicale à mourir alors que les citoyens attendent toujours la création de ce nouveau droit en leur faveur.

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Sur le ton de la confidence, le Président de la République a évoqué le prétendu futur grand œuvre de son second quinquennat avec le Pape, lors de sa troisième visite auprès du chef du Saint-Siège en octobre 2022. L’ancien élève obéissant des Jésuites a murmuré discrètement à l’oreille de M. Jorge-Mario Bergoglio, passé général de la Compagnie de Jésus, qu’il n’aimait pas le mot « euthanasie » et n’avait pas encore tranché entre les deux branches de l’alternative suivante : aménager à la marge la loi du 2 février 2016 sur la fin de vie ou introduire un nouveau cadre juridique dont les contours restent toutefois recouverts d’une brume épaisse.

Parions que l’audacieux tentera de limiter son ambition en cette matière pour ne pas déplaire à l’évêque de Rome. En tout état de cause, les représentants de l’Église de France s’emploient déjà à le lui rappeler.

L’offensive médiatique cléricale a commencé malgré une parole disqualifiée

À la veille de la fête catholique des morts, le Président de la Conférence des évêques de France (CEF), M. Éric de Moulins d’Amieu de Beaufort, une sorte de fantôme sorti tout droit de l’Ancien-Régime, a relancé la croisade contre l’aide médicale à mourir en répondant aux questions du journal Le Parisien du 30 octobre 2022. Selon lui, la ligne rouge de la barbarie serait franchie « […] si l’on vot [ait] l’aide active à mourir parce que l’on sera[it] dans une société qui se donnera[it] le droit de faire mourir quelqu’un […] ». Pour l’Église, il importe de développer les moyens dévolus aux soins palliatifs, effectivement très insuffisants, et de mieux appliquer la loi actuelle. Arguments supplémentaires suprêmement dérisoires : pour M. Éric de Moulins d’Amieu de Beaufort, les Belges, qui peuvent accéder à l’aide médicale à mourir depuis 2002, ne seraient pas plus heureux que les Français, qui n’en disposent pas ; le « suicide » serait, quant à lui, une « décision individuelle », tandis que le « suicide assisté », légalement pratiqué notamment en Suisse, deviendrait « une décision collective ». Le sens de cette opposition défie l’entendement : le choix de disparaître procède toujours du seul geste de l’individu concerné.

Dans la roue de M. Éric de Moulins d’Amieu de Beaufort, M. Matthieu Rougé, évêque de Nanterre et ancien aumônier des parlementaires, a poursuivi, dès le lendemain, l’offensive engagée par l’Église sur la très réactionnaire chaîne de radio Europe 1 du groupe de M. Vincent Bolloré où les porte-voix du catholicisme ont table ouverte aux côtés de Mme Charlotte d’Ornellas, nièce de l’évêque de Rennes, ou de M. Éric Zemmour : par provocation, M. Matthieu Rougé a indiqué que « Les évêques français [ont] pris position pour une aide active à vivre. »  Il pense que seuls les soins palliatifs et l’application de la loi du 2 février 2016 dite Claeys-Léonetti constituent une planche de salut pour accompagner les personnes en fin de vie : « […] on n’est pas allé jusqu’au bout de l’application de la loi en vigueur et […] il y a aujourd’hui un déficit de moyens consacrés aux soins palliatifs […] avant toute évolution législative, il faudrait commencer par aller au bout de la logique des soins palliatifs. C’est une logique d’humanité. »

Le discours philosophiquement indigent de MM. Éric de Moulins d’Amieu de Beaufort et Matthieu Rougé tend à mettre en avant un pseudo-humanisme de l’Église romaine, qui ne convainc qu’une infime partie de ceux qui l’écoutent. Il est vrai que la parole du Vatican est pour le moins discréditée auprès des populations, à défaut de l’être auprès de certains responsables politiques. En France comme dans de nombreux autres pays, la mise au jour de pratiques systémiques d’abus sexuels sur mineurs, couverte par la hiérarchie catholique est passée par là. M. Éric de Moulins d’Amieu de Beaufort s’est-il demandé si ces crimes constituaient une « ligne rouge » ? Peut-être. En tous les cas, il élude la question que lui pose le journal Le Parisien à ce sujet. Sans doute, à ses yeux comme à ceux de M. Matthieu Rougé, faut-il que l’agonisant et l’enfant dont la vie est brisée par le prêtre pédophile acceptent la souffrance réputée infligée par Dieu.

En tout état de cause, cette parole de l’Église, si discréditée soit-elle, vise, par tous les canaux, à repousser l’échéance du vote d’un texte instituant un droit à l’aide médicale à mourir.

L’attente des citoyens reste à satisfaire

Neuf Français sur dix, dont certains sont des catholiques pratiquants d’ailleurs, sont favorables à la création d’un tel droit en faveur des personnes atteintes d’une maladie incurable et subissant des souffrances physiques et psychologiques insupportables. Ils demandent en même temps, parce l’un ne s’oppose pas aux autres, des moyens effectifs pour assurer à tous ceux qui en ont besoin des soins palliatifs dignes de ce nom.

La représentation nationale elle-même a acté le bien-fondé de cette exigence du plus grand nombre. Dans la nuit du 8 au 9 avril 2021, l’Assemblée nationale a adopté l’article 1er de la proposition de loi déposée par M. Olivier Falorni, député de Charente-Maritime, prévoyant d’apporter une aide médicale active à mourir à toute personne majeure et jouissant d’une pleine capacité de jugement « {…] en phase avancée ou terminale, même en l’absence de diagnostic de décès à brève échéance, qui se trouve dans une situation d’affection accidentelle ou pathologique avérée, grave, incurable et/ou à tendance invalidante et incurable, lui infligeant une souffrance physique ou psychique qu’elle juge insupportable ou la plaçant dans un état de forte dépendance qu’elle estime incompatible avec sa dignité […] »

Conformément à la tradition de Thomas d’Aquin et, par suite, à sa constante volonté d’écraser les libertés de l’individu pour ne reconnaître que la suprématie de la loi divine, l’Église dénie à tous le droit d’accéder à une aide médicale à mourir. Parce qu’elle est à l’inverse l’infatigable combattante de la liberté de conscience, la Fédération nationale de la Libre Pensée exige :

1°- Des moyens pour développer puissamment et de manière égale sur l’ensemble du territoire de la République des soins palliatifs de qualité, aujourd’hui indigents ;

2°- La possibilité d’échapper à la seule volonté médicale pour permettre à tous de choisir la meilleure façon de mourir ;

3°- L’encadrement juridique de nature à mettre un terme aux pratiques euthanasiques occultes dans les établissements de santé français (4 000 par an semble-t-il) ;

4°- Par conséquent, le vote définitif d’une loi introduisant l’aide médicale à mourir pour permettre à chacune et à chacun d’exercer jusqu’au bout la liberté absolue de conscience que la loi du 9 décembre 1905 concernant la Séparation des Églises et de l’État garantit dans la République.

La Libre Pensée le rappelle :
Le droit de décider de sa fin de vie
est une liberté démocratique à conquérir !

Elle appartient à chaque individu et à lui seul !

 

Paris, le 7 novembre 2022