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L’editorial

Contre le « sacré » cœur de la réaction, plaçons haut La Barre !

Le sacré Cœur, c’est le mausolée de la réaction et de la répression. Il est honni du mouvement ouvrier, du mouvement laïque, des démocrates et des tenants des lumières. Le mauvais goût de son architecture enlaidit Paris. Se pourrait-il qu’il fût décrété monument historique ? Se pourrait-il qu’une mairesse qui s’est présentée aux élections présidentielles sous l’étiquette socialiste se fasse ainsi laudatrice des versaillais assassins ? Il semble que oui.

Nous avons publié un virulent communiqué contre cette infamie, il figure dans nos pages de la rubrique laïcité. Nous y expliquons comment la ré-érection symbolique de la statue à la mémoire du Chevallier de La Barre sous sa forme originale, à l’occasion du colloque international contre les concordats, est aussi une réponse à cette provocation honteuse. Profitons-en cependant pour rappeler brièvement la genèse de ce monument de honte.

Les débuts de la IIIème république sont marqués par une chambre ultraréactionnaire dans laquelle les royalistes, partisans d’une troisième restauration pèsent lourdement. Ils sont 396 légitimistes et orléanistes sur 638 députés. Née de la défaite de Sedan, cette chambre blanc-lys accompagne sous la férule de Thiers la répression sanglante contre la Commune et dès 1873 vote le principe de la construction de la basilique sur la colline de Montmartre même. Elle le fait dans un contexte d’expiation des crimes, non seulement de la Commune, mais de la Révolution française, des deux empires et des deux révolutions de 1830 et 1848. La réaction, vous dis-je ! La chambre adopte le principe de la « recharge sacrale » et la construction du sacré cœur s’effectue dans le cadre de l’« ordre moral ».

Recharge sacrale ! Quel concept charmant ! Il est vrai que les batteries de la sainte Église catholique, apostolique et romaine s’étaient bien épuisées après 1789 et ce en dépit du concordat napoléonien, des deux restaurations royalistes et d’un second empire qui n’était pas spécialement anticlérical. Cependant les lumières avaient redoutablement progressé et avaient – horresco referrens – illuminé la Commune. L’enjeu pour les autorités ecclésiastiques était alors d’opérer un immense élan de restauration institutionnelle, matérielle, religieuse, intellectuelle et « sacrale », en bref la reconquista. Certains, manifestement en rêvent encore aujourd’hui de recharger ces batteries faiblissantes.

Cela s’accompagne, sous la direction d’Albert de Broglie d’une politique d’« Ordre moral » terme inventé par Mac Mahon. En fait d’ordre et de morale, il s’agit d’abord de redonner de la visibilité et de l’influence à la religion catholique. Le sacré cœur en est le fondement. N’oublions pas non plus que son nom a été choisi en raison de l’adoration de Louis Capet ci devant Louis XVI pour ce symbole.

Lors de la pose de la première pierre, Hubert Rohault de Fleury, l’un des architectes, déclarait : « C’est là où la Commune a commencé, là où ont été assassinés les généraux Clément-Thomas et Lecomte, que (s’élève) l’église du Sacré-Cœur ! Nous nous rappelons cette butte garnie de canons, sillonnée par des énergumènes avinés, habitée par une population qui paraissait hostile à toute idée religieuse et que la haine de l’Église semblait surtout animer ». On ne saurait être plus clair.

Parmi les vœux proposés à la Mairie de Paris par internet, un habitant du 18ème arrondissement a proposé de « raser cette verrue versaillaise » et c’est ce vœu qui a reçu le plus de « like ». La mairie de Paris a immédiatement réagi vertueusement : « il n’en est pas question, c’est un monument historique » et a décidé que ce vœu « provocateur et folklorique » ne ferait pas partie de ceux mis au vote. Un jour peut-être la population aura-t-elle la possibilité d’abattre ce symbole écrasant et récent de la prééminence du cléricalisme catholique. Effectivement, et c’est absolument honteux, le monument a été classé monument historique par la ministre de la Culture Rima Abdul-Malak. À tout le moins conviendra-t-il de le déclasser.

Alors ne ratez pas la ré-érection de la statue du martyre du Chevallier de La Barre le 7 avril à Paris. Elle sera provisoirement installée à son emplacement d’origine, face à ce sacré cœur qu’elle défia de 1903 à 1926. Ce sera un moment fort pour les libres penseurs. Aidez-nous en souscrivant à sa confection. Ce sera une bonne œuvre… anticléricale.

Jean-Sébastien Pierre

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