Le Pacte progressiste sur la Fin de vie salue les travaux de la Convention et appelle le Gouvernement et les parlementaires à prendre leurs responsabilités

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Le 20 mars dernier, 18 organisations de la société civile s’alliaient pour constituer une force progressiste et républicaine afin de faire évoluer le cadre légal sur la fin de vie, avec une ambition forte : que chaque personne soit effectivement égale en droit et libre de ses choix. Ces structures, de composition et d’horizons très divers, représentent au total plusieurs millions de personnes (membres, adhérents, militants ou usagers). Le pacte, récemment rejoint par d’autres organisations – l’UNSA Retraités et le CNAFAL – se tient à la disposition des parlementaires des deux chambres pour nourrir les travaux à venir sur le projet de loi fin de vie.

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La Libre Pensée soutient le Pacte progressiste pour la fin de vie

Fin de vie : pour le droit d’exercer sa liberté de conscience jusqu’au bout

Les leçons d’Épicure

« (…) La connaissance de cette vérité que la mort n’est rien pour nous, nous rend capables de jouir de cette vie mortelle (…) ». Dans sa Lettre à Ménécée, le philosophe matérialiste Épicure (342-270) nous livre ainsi la clé du bonheur : se libérer de l’inquiétude de la mort que toutes les religions, particulièrement les monothéistes, s’ingénient à entretenir parmi les hommes de manière à soumettre les consciences et les corps. Fidèle à ce précepte d’une grande modernité et attachée à la totale liberté de conscience de l’individu, la Libre Pensée, dont l’une des actions majeures a consisté à obtenir l’égalité des funérailles civiles et religieuses au XIX e siècle, exige le vote d’une loi ouvrant un droit au bénéfice d’une aide médicale à mourir en faveur des personnes atteintes de maladies incurables leur procurant des souffrances physiques et/ou psychiques insupportables.

C’est pourquoi, dans la perspective du vote d’une nouvelle loi sur la fin de vie, elle a rejoint le Pacte progressiste pour la fin de vie qu’animent notamment la Mutuelle générale de l’éducation nationale (MGEN) et l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) avec laquelle elle travaille depuis longtemps.

Les conclusions de la convention citoyenne

La Convention citoyenne sur la fin de vie vient de rendre ses conclusions au Président de la République. Elle recommande un renforcement des moyens dévolus aux soins palliatifs, actuellement notoirement insuffisants, et trois quarts de ses membres préconisent la reconnaissance d’une aide médicale active à mourir. Pour la Libre Pensée, celle-ci ne s’oppose pas à ceux-là. Au contraire, il importe de traiter les deux questions en même temps.

À cet égard, compte tenu notamment de l’absence d’unité spécialisée dans vingt-et-un départements, il est urgent de dégager les moyens nécessaires au développement pour tous de soins palliatifs de qualité et de former convenablement tous les praticiens dans cette spécialité. Si ce point fait apparemment l’unanimité en paroles, il appartient cependant au gouvernement d’honorer en actes ses promesses de tribune : le 3 avril dernier, le Président de la République considérait que « Nous avons (…) une obligation d’assurer l’universalité de l’accès aux soins palliatifs. »

En revanche, si la Libre Pensée se félicite de la conclusion de la majorité de la Convention citoyenne tendant à faire reconnaître à chacune et chacun le droit d’accéder à une aide médicale active à mourir, elle constate que les conventionnels qui y sont favorables le conçoivent selon de multiples nuances. Par conséquent, aucun consensus ne s’est dégagé sur la mise en œuvre de ce droit et le Président de la République s’est bien gardé de se prononcer sur ce point le 3 avril 2023.
Désormais, il appartient donc aux représentants de la nation de s’emparer du dossier.

Le constat et les exigences de la Libre Pensée

En premier lieu, dans cette perspective, la Libre Pensée considère que la loi du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie, à l’instar de celle du 22 avril 2005 qui l’avait précédée, a montré ses graves limites : absence, en dernier ressort, de choix du malade ; interruption des traitements et sédations particulièrement choquantes chez certains sujets ; possibilité des tiers de s’opposer jusqu’à l’indécence, par un acharnement juridique inhumain, à la décision des médecins d’interrompre le traitement et de pratiquer la sédation, désormais profonde et continue jusqu’au décès.

Au surplus, les directives anticipées, que l’on présente comme essentielles, ne constituent pas une garantie absolue : dans une décision du 10 novembre 2022, le Conseil constitutionnel en a réduit la portée en estimant qu’elles ne sauraient « (…) s’imposer en toutes circonstances, dès lors qu’elles sont rédigées à un moment où la personne ne se trouve pas encore confrontée à la situation particulière de fin de vie dans laquelle elle ne sera plus en mesure d’exprimer sa volonté en raison de la gravité de son état. Ce faisant, il a entendu garantir le droit de toute personne à recevoir les soins les plus appropriés à son état et assurer la sauvegarde de la dignité des personnes en fin de vie. »

En deuxième lieu, pour répondre au souhait de neuf Français sur dix, la Libre Pensée demande à la représentation nationale de voter un texte autorisant à la fois l’aide médicale active à mourir et le suicide assisté. Serait ainsi créé un droit nouveau permettant à chacune et à chacun, en recourant au moyen qu’il préfère, d’exercer jusqu’au bout sa liberté de conscience sans amputer en quoi que ce soit celle des autres.

Ce droit règlerait la situation des personnes pour lesquelles les soins palliatifs sont inopérants ou qui ne désirent pas en bénéficier. Il mettrait fin aux voyages ultimes que certains sont contraints de faire en Belgique ou en Suisse mais que d’autres ne peuvent accomplir, faute de moyens. Il éviterait aussi les euthanasies clandestines pratiquées en dehors de tout cadre légal dans de nombreux hôpitaux français.

En troisième lieu, la Libre Pensée récuse le discours, à caractère probablement dilatoire, selon lequel il conviendrait de concevoir un modèle typiquement français de la fin de vie et que semble appeler de ses vœux le Président de la République. Au contraire, il importe d’examiner les expériences étrangères, pour en mesurer la pertinence ou les faiblesses. À cet égard, la Libre Pensée rappelle qu’une majorité de parlementaires a déjà voté en première lecture, le 8 avril 2021, l’article 1er de la proposition de loi déposée en 2017 par M. Falorni, député de Charente-Maritime, autorisant l’aide médicale active à mourir en faveur de « Toute personne majeure et capable, telle que définie par les articles 1145 et 1150 du code civil, en phase avancée ou terminale, même en l’absence de diagnostic de décès à brève échéance, qui se trouve dans une situation d’affection accidentelle ou pathologique avérée, grave, incurable et/ou à tendance invalidante et incurable, lui infligeant une souffrance physique ou psychique qu’elle juge insupportable ou la plaçant dans un état de forte dépendance qu’elle estime incompatible avec sa dignité, peut demander à bénéficier, dans les conditions prévues au présent article et aux suivants, d’une aide active à mourir. »

La formulation retenue par M. Falorni est très proche, pour partie, de la loi belge du 25 mai 2002 légalisant l’euthanasie active au bénéfice du « (…) patient [qui] se trouve dans une situation médicale sans issue et fait état d’une souffrance physique ou psychique constante et insupportable qui ne peut être apaisée et qui résulte d’une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable. »

De même, si l’article 115 du Code pénal suisse rend possible, de façon très libérale, l’assistance au suicide, en l’absence de « mobile égoïste », et si le Tribunal fédéral de Berne depuis 2006 reconnaît à chacune et à chacun le droit à bénéficier d’une aide à mourir, il en va différemment dans l’État américain de l’Oregon où le malade doit franchir de nombreux obstacles avant de bénéficier de cette aide, consistant à délivrer sans accompagnement une pilule mortelle, qu’il n’est d’ailleurs pas assuré d’obtenir.

La Libre Pensée rappelle donc ses demandes en matière de fin de vie :

1°- Des moyens pour développer puissamment et de manière égale sur l’ensemble du territoire de la République des soins palliatifs de qualité, aujourd’hui indigents ;

2°- La possibilité d’échapper à la seule volonté médicale pour permettre à chacune et à chacun de choisir la meilleure façon de mourir lorsqu’il est atteint d’une affection incurable d’origine accidentelle ou pathologique et endure des souffrances physiques ou psychiques constantes et insupportables qui ne peuvent être apaisées ;

3°- L’encadrement juridique de nature à mettre un terme aux pratiques euthanasiques occultes dans les établissements de santé français (4 000 par an) ;

4°- Par conséquent, le vote définitif d’une loi introduisant l’aide médicale active à mourir et le suicide assisté pour permettre à chacune et à chacun d’exercer jusqu’au bout la liberté absolue de conscience que la loi du 9 décembre 1905 concernant la Séparation des Églises et de l’État garantit dans la République.

Paris, le 10 avril 2023

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