Des Sables d’Olonne à Béziers, l’offensive catholique se heurte à la loi

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La crèche de noël installée dans la mairie de Béziers en 2020 était illégale

Par un arrêt du 13 avril 2023, la cour administrative d’appel de Toulouse a annulé la décision du maire de la commune de Béziers d’installer une crèche de la Nativité dans le bâtiment de l’Hôtel de Ville, du 4 décembre 2020 au 11 janvier 2021. Le juge administratif vient donc à nouveau de sanctionner l’entêtement de M. Robert Ménard à imposer des emblèmes religieux catholiques dans la maison commune, en dépit des nombreuses décisions allant dans le même sens rendues contre lui pour faire respecter l’article 28 de la loi du 9 décembre 1905 qui interdit leur présence « […] en quelque emplacement public que ce soit, à l’exception des édifices servant au culte, des terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires, ainsi que des musées ou expositions. » Il met également à nouveau en évidence l’inertie de certains préfets de l’Hérault, voire du ministre de l’Intérieur, à rappeler fermement à l’intéressé ces dispositions, le dernier n’ayant d’ailleurs pas hésité à accompagner le maire de Béziers, revêtu de son écharpe, lors d’une procession religieuse en août 2022.

Cet arrêt est intéressant à deux titres. D’une part, confirmant une décision antérieure du juge d’appel de Marseille, la cour a estimé que le retrait de la crèche avant la date d’enregistrement du recours contentieux ne rendait pas celui-ci irrecevable : « […] il est toujours loisible à la personne intéressée, sauf à ce que des dispositions spéciales en disposent autrement, de former à l’encontre d’une décision administrative un recours gracieux devant l’auteur de cet acte et de ne former un recours contentieux que lorsque le recours gracieux a été rejeté. » D’autre part, cette juridiction a confirmé la jurisprudence du Conseil d’État énoncée dans les deux arrêts topiques du 9 novembre 2016 interprétant, s’agissant des crèches de Noël dans les bâtiments publics, les dispositions rappelées ci-dessus de l’article 28 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État : « […] l’installation d’une crèche de Noël, à titre temporaire, à l’initiative d’une personne publique, dans un emplacement public, n’est légalement possible que lorsqu’elle présente un caractère culturel, artistique ou festif, sans exprimer la reconnaissance d’un culte ou marquer une préférence religieuse », ce qui n’était pas le cas en l’espèce.

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Les opposants à la préservation de la liberté de conscience ne désarment pas

Cet arrêt conforte une fois de plus l’action conduite par la Libre Pensée pour faire respecter la loi du 9 décembre 1905 qui, au moyen notamment de la préservation des collectivités et institutions publiques de tout prosélytisme religieux, a pour finalité d’assurer la paix civile dans la République en garantissant à tous la liberté de conscience, à valeur constitutionnelle, qui comprend celle de culte. Ce travail provoque de l’urticaire chez ceux qui entendent développer une croisade de reconquête catholique des emplacements publics, non pas tant pour honorer leurs idoles que pour soutenir une offensive politique dans un contexte marqué par une dégradation inquiétante des libertés et droits fondamentaux.

Récemment, bien qu’in fine déclarée illégale par les juridictions compétentes, l’installation d’une statue de la Vierge au croisement de deux voies publiques à La Flotte-en-Ré et d’une autre de l’archange Saint-Michel sur une place publique des Sables d’Olonne, après avoir délibérément retirée celle-ci de l’école catholique où elle se trouvait à l’origine, a nourri une agitation du côté de l’extrême droite de l’échiquier politique. M. Éric Zemmour était venu aux Sables durant la campagne présidentielle et ses partisans n’ont cessé depuis lors d’entretenir un climat de tension, avec l’appui de parachutistes et du maire, M. Yannick Moreau, élevé chez les jésuites de Vannes et formé à l’Institut catholique de La Roche-sur-Yon. Quant aux Sablaises et aux Sablais, contrairement à ce qui est annoncé à grand renfort de trompe, ils ont boudé à 90 % le référendum d’initiative locale qui tendait à démontrer leur attachement à l’archange. La bataille des Sables d’Olonne du XXIe siècle est bien perdue, comme celle du 24 mars 1793 : le dernier mot appartient à la République.

Néanmoins, bien que défaits sur le terrain de la loi républicaine, les adorateurs de la Vierge et de Saint-Michel persistent dans leur croisade. Les libres-penseurs sont voués aux gémonies et menacés, la vitrine de la librairie de la Fédération nationale de la Libre Pensée a subi d’importantes dégradations, le siège de notre association – ce n’est pas la première fois – a servi de lieu de rendez-vous à un rassemblement copieusement diffusé sur les réseaux sociaux et violemment hostile à la Libre Pensée. Notons que l’entêtement de M. Robert Ménard, maire d’extrême droite de Béziers, dont les décisions d’installation d’une crèche de la Nativité dans l’enceinte de l’Hôtel de Ville sont constamment sanctionnées par le juge, ne peut que les encourager.

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Cette croisade s’inscrit dans un climat inquiétant qu’il faut combattre

Tout cela serait risible et dérisoire si les vaillants adorateurs d’idoles n’agissaient pas dans un climat général délétère. Après plusieurs années d’état d’urgence antiterroriste puis sanitaire, à la suite de l’entrée en vigueur des lois des 21 mai et 24 août 2021 « pour une sécurité globale préservant les libertés » et « confortant les principes de la République », qui, contrairement à leurs intitulés, portent en réalité atteinte aux unes et aux autres, après les violences policières d’État auxquelles se sont récemment livrées les forces de l’ordre contre des manifestants, enfin, après les menaces de suspension des aides de l’État à la Ligue des droits de l’Homme au motif que celle-ci dénonce les excès répressifs de l’actuel gouvernement, leur mobilisation paraît trouver une forme de légitimité implicite. Rappelons que le dernier rapport d’Europol souligne que la France a connu, en 2021, une forte activité des groupes d’extrême droite.

C’est pourquoi, à la faveur d’un colloque international sur les concordats en Europe, la Fédération nationale de la Libre Pensée a inauguré la reproduction de la statue de 1906 du Chevalier de La Barre au pied du Sacré-Cœur de Montmartre pour démontrer notamment que ceux qui violent la loi de 1905 mais crient indûment au martyre prennent bien garde de rappeler que le gouvernement de Vichy et les autorités allemandes d’occupation ont fondu cette œuvre du sculpteur Armand Bloch qui traduisait magnifiquement le supplice du jeune chevalier et sa détermination à combattre l’infâme.

Elle réitère donc son invitation à signer son Appel contre les violences policières d’État et à souscrire à sa Déclaration solennelle du 20 avril 2023.

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Paris, le 26 avril 2023