Quand le présumé harceleur est gravement harcelé

Pour nous suivre

Pierre-Olivier Poyard, libre-penseur, trésorier du Mouvement de la Paix au plan national et professeur au lycée de formation professionnelle agricole de Mirecourt (Vosges), a fait l’objet d’un dépôt de plainte de la part d’une de ses collègues pour harcèlement. Celle-ci ne se plaint pas de brimades répétées ou de harcèlement sexuel, mais de la ténacité avec laquelle Pierre-Olivier Poyard lui propose d’adhérer à l’organisation syndicale à laquelle il appartient.

En dépit de l’inanité de l’incrimination et de son caractère inédit, l’intéressé a été placé en garde à vue après avoir été menotté. De même, alors qu’il est présumé innocent jusqu’à preuve contraire, l’administration lui refuse à la fois l’accès à son dossier de fonctionnaire et la protection fonctionnelle. Cette affaire, qui aurait suscité l’hilarité dans le passé, soulève aujourd’hui et l’indignation et l’inquiétude.

La Fédération nationale de la Libre Pensée (FNLP) tient à souligner qu’aux termes de l’article L. 222-33-2-2 du Code pénal, le harcèlement est constitué lorsqu’une personne est victime de « […] propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale […] ». Il incombe à celui ou celle qui s’en plaint de démontrer que les comportements incriminés entraînent une atteinte à ses droits et à sa dignité, une altération de sa santé physique ou mentale ou une menace pour l’évolution de sa carrière.

En l’espèce, en l’état du dossier, la proposition, même souvent réitérée, d’adhérer à un syndicat ne paraît pas de nature à provoquer de tels préjudices. D’ailleurs, la FNLP note que le parquet a renoncé à poursuivre Pierre-Olivier Poyard et s’est borné à préconiser une médiation pénale, ce qui paraît d’ailleurs encore disproportionné au regard des faits reprochés.

En deuxième lieu, la FNLP observe que l’administration de l’enseignement agricole refuse à Pierre-Olivier Poyard ses droits les plus élémentaires de fonctionnaire.

D’une part, elle lui a interdit l’accès à son dossier individuel. Or, l’article L. 137-4 du Code de la Fonction publique ne fixe aucune restriction à ce droit d’accès : « Tout agent public a accès à son dossier individuel. » La circonstance qu’il n’y a pas eu de saisine du Conseil de discipline est sans incidence sur ce droit d’accès. Le Conseil d’État a jugé qu’un fonctionnaire hospitalier sanctionné par un avertissement ou un blâme à l’initiative du chef d’établissement, sans avis du conseil de discipline a bénéficié d’une procédure régulière dès lors qu’il a pu consulter son dossier1.

Plus récemment, il a également estimé que, comme en l’espèce, « Lorsqu’une enquête administrative a été diligentée sur le comportement d’un agent public, y compris lorsqu’elle a été confiée à des corps d’inspection, le rapport établi à l’issue de cette enquête, ainsi que, lorsqu’ils existent, les procès-verbaux des auditions des personnes entendues sur le comportement de l’agent faisant l’objet de l’enquête font partie des pièces dont ce dernier doit recevoir communication en application de l’article 65 de la loi du 22 avril 1905, sauf si la communication de ces procès-verbaux serait de nature à porter gravement préjudice aux personnes qui ont témoigné. »2

D’autre part, alors qu’il est contraint par le parquet à une médiation pénale, elle lui a refusé la protection fonctionnelle à laquelle Pierre-Olivier Poyard a droit au motif qu’il aurait commis « […] une faute personnelle détachable de l’exercice de ses fonctions […] ». Or, le refus de l’administration de lui accorder cette protection paraît mal fondé puisqu’à ce stade la plainte le concernant s’inscrit dans le cadre de l’exercice de sa mission d’enseignant et qu’aucune « faute » n’est retenue à son encontre, tant sur le plan administratif que pénal.

En particulier, Pierre-Olivier Poyard ne fait l’objet d’aucune procédure disciplinaire. Au surplus, sans être obligatoire dans le cadre de cette médiation, le recours à un avocat paraissant nécessaire, la mesure préconisée par le Procureur de la République entraînera des frais pour l’intéressé. À cet égard, la FNLP rappelle qu’un inspecteur des impôts accusé de viols, présumés commis sur les personnes d’une commerçante et de sa fille à leur domicile lors d’un contrôle fiscal, avait bénéficié de la protection fonctionnelle dans le passé.

Enfin, la FNLP entend dénoncer l’instrumentalisation par l’administration de différends de nature politique et syndicale pour exercer une forme de répression contre un syndicaliste dont le seul tort est d’avoir proposé l’adhésion à son organisation à une collègue. Si les points de vue du Procureur de la République, qui n’a pas classé cette plainte absurde, et de l’administration, qui refuse ses droits élémentaires de fonctionnaire à Pierre-Olivier Poyard, devenaient la norme, toutes celles et tous ceux qui agissent comme militant syndical sur leur lieu de travail ou s’investissent dans la cité sur le plan associatif et/ou politique pourront être poursuivis pour harcèlement.

Au sein de l’Enseignement agricole et de l’Education nationale, décidément rien ne va plus : les syndicalistes sont pourchassés, les professeurs abandonnés et les élèves mis à l’index s’ils ne revêtent pas les tenues considérées conformes aux canons du Gouvernement.

LA LIBRE PENSEE APPORTE

son entier soutien à Pierre-Olivier Poyard

LA FNLP DEMANDE

  • Le classement de la plainte déposée contre Pierre-Olivier Poyard

  • Dans l’attente de ce classement, la mise en œuvre effective de ses droits d’accès
    à son dossier personnel et au bénéfice de la protection fonctionnelle

RÉSOLUTION UNANIME DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE NATIONALE DE LA LIBRE PENSEE, LE DU 4 SEPTEMBRE 2023

1 CE, 25 avril 1986, n° 69745.

2CE, 5 février 2020, n° 433130.

TELECHARGEZ AU FORMAT PDF

REFUS DE L’ADMINISTRATION D’ACCORDER LA PROTECTION FONCTIONNELLE