Interview de Martin Bontemps, Vice-Président de l’UNEF

Pour nous suivre

La Raison : Bonjour Martin. Nous sommes en direct d’une des manifestations contre la loi El Khomri. Peux-tu nous dire un mot par rapport à l’action de l’UNEF à ce sujet et pourquoi ?

M.B. : On se mobilise depuis début mars contre ce projet de loi travail notamment parce qu’il s’agit d’un projet de société qui nous propose la précarité à vie. C’est une précarité que l’on vit déjà pendant nos études parce qu’un étudiant sur deux est obligé de se salarier.

C’est une précarité que l’on vit déjà pendant notre insertion professionnelle parce que l’on multiplie les stages, les CDD etc.

Et là concrètement on nous propose de travailler plus pour gagner moins et se faire virer plus facilement.

C’est contre ce projet que propose le gouvernement que l’on se mobilise depuis le début du mois de mars et on demande le retrait du projet de loi.

La Raison : Dans les universités l’état d’esprit des étudiants est de chercher à comprendre et à remettre en cause ce projet de loi ?

M.B. : La mobilisation chez les étudiants à deux leviers :

Le premier est évidemment la loi Travail et ce que cela implique derrière pour notre avenir.

Le deuxième est le ras le bol de la précarité que l’on subit au quotidien.

C’est pour cela que les jeunes sont descendu massivement dans la rue depuis mars.

La Raison : Concernant la suite du mouvement il y a une pression et une tension. Comment vois-tu la suite de ce mouvement puisqu’apparemment le gouvernement n’entend pas donner raison à la rue alors que la rue est largement mobilisée ?

M.B. : Nous appelons les responsables politiques à prendre leurs responsabilités. Vu où en est le gouvernement dans les sondages, vue la masse de l’opinion publique qui est contre la loi El Khomri, je pense qu’il faut qu’ils se posent des questions.

Aujourd’hui est un jour important car c’est l’ouverture des débats parlementaires et l’on attend que les parlementaires aussi prennent leurs responsabilités et rejettent ce projet de loi.

 

La Raison : Autre point de cette interview : les questions de laïcité dans l’université dont nous avons déjà eu l’occasion de parler. Quelle est votre position sur cette question ?

M.B. : Notre position repose sur 3 points concernant la laïcité à l’université :

  • la liberté de conscience de l’ensemble des usagers du service public. Cela implique que quelqu’un qui porte le voile ou la kipa puisse le faire librement.
  • la neutralité des agents de l’Etat. C’est-à-dire que des enseignants ne puissent pas refuser de faire cours face à une étudiante voilée par exemple, car il a une obligation de neutralité.
  • Créer du commun en faisant en sorte que le service public puisse encore se développer et que collectivement on puisse faire avancer la société.

La Raison : Nous pensons que cette affaire de laïcité dans l’université et de voile est une forme d’instrumentalisation de l’islam qui est utilisée pour casser les franchises universitaires. Vous êtes pour la défense de ces franchise,s j’imagine ?

M.B. :  Nous sommes pour le fait que l’université reste libre et ouverte à tous et que ce n’est pas la façon d’exercer sa religion qui doit définir si on a le droit de rentrer ou non à l’université. Pour nous, ce n’est pas à l’Etat de définir comment le culte doit s’exercer notamment au sein des universités.

Pour permettre à un maximum de personnes d’accéder à l’université on ne voit pas pourquoi il faudrait interdire les signes ostentatoires par exemple.

La Raison : Je te remercie.

***

Laissez-nous étudier ensemble !

Par William Martinet UNEF le 4 mars 2015

Réponse à ceux qui souhaitent interdire le port de signes religieux aux usagers du service public d’enseignement supérieur.

Le débat est relancé. Éric Ciotti, un député UMP, en a fait une proposition de loi. Pascale Boistard, la Secrétaire d’Etat aux Droits des femmes, a expliqué n’être « pas sûre que le voile fasse partie de l’enseignement supérieur ». L’UNEF prend position pour donner la parole aux premiers concernés : les étudiantes et les étudiants. Notre syndicat est laïque et féministe, et c’est au nom de ces principes que nous nous opposons à l’interdiction du port de signes religieux par les usagers du service public d’enseignement supérieur.

Pourquoi refuser cette interdiction au nom de la laïcité ? L’argument est pourtant utilisé dans l’exposé des motifs de la loi d’Éric Ciotti. On peut déjà douter des convictions laïques de ce député. A l’occasion des fêtes de fin d’année, il installait une crèche dans les locaux du conseil général qu’il préside : étrange vision de la laïcité que de demander au service public d’exposer un symbole religieux. On peut également douter de sa volonté de faire avancer la laïcité dans l’enseignement supérieur. Pourquoi n’a-t-il jamais pris position contre le Concordat en Alsace-Moselle, qui permet à l’université de Strasbourg d’accueillir une faculté catholique et une autre protestante ? Pourquoi n’a-t-il jamais contesté les accords France-Vatican qui imposent la reconnaissance des diplômes canoniques à notre service public d’enseignement supérieur ?

Il n’est pas nécessaire de multiplier les exemples pour comprendre qu’Éric Ciotti manipule la laïcité pour la rendre asymétrique, plus exigeante face à une croyance qu’une autre, et identitaire, dépendante d’une pratique culturelle plutôt que d’un principe politique universel. Sa proposition de loi n’est pas laïque, elle est islamophobe et raciste : son seul objectif est de stigmatiser les étudiantes qui portent le voile.

A l’inverse, la laïcité que nous défendons se construit autour de trois piliers : la liberté de conscience, la neutralité de l’Etat et le rôle des politiques publiques pour construire du commun dans la société. Aucun d’entre eux n’est remis en cause par le port de signes religieux par les étudiants. A moins de faire preuve de mauvaise foi, en considérant que l’affichage d’un signe religieux par un étudiant limite la liberté de conscience de son voisin, le premier pilier ne fait pas partie du débat. Le second pilier est déjà garanti par la loi dans le service public d’enseignement supérieur. La neutralité s’applique aux agents de l’Etat et non aux étudiants. Ceux qui l’ébranlent, ce sont les enseignants qui refusent de faire cours aux étudiantes portant le voile, imposant leur idéologie islamophobe au service public. Enfin, le troisième pilier est une mission que l’enseignement supérieur assume largement. Nos universités, par la transmission de la connaissance, le développement de l’esprit critique et le débat démocratique rassemblent des jeunes de toutes les origines et de toutes les croyances. S’il est nécessaire de faire avancer la laïcité sur ce terrain, c’est en poursuivant la démocratisation des études, au point mort depuis une dizaine d’années, que nous y parviendrons. Pas en faisant le choix d’exclure certaines femmes des universités.

 

 

Pourquoi refuser cette interdiction au nom du féminisme ? Cet argument est lui aussi manipulé. Nicolas Sarkozy, très éloigné des préoccupations féministes pendant son mandat, a récemment déclaré, au nom de l’égalité femmes-hommes, que « les femmes voilées n’ont pas leur place dans la République ». Là encore, nous ne nous contentons pas de dénoncer la manipulation et nous réaffirmons notre combat féministe. Il s’oppose à toutes les formes de la domination patriarcale. Définir le corps des femmes comme un objet sexuel, qui devrait se dissimuler ou s’exposer particulièrement selon les occasions, est une des stratégies de cette domination. Elle se concrétise aussi bien dans les publicités sexistes qu’à travers des dogmes religieux, y compris certains se revendiquant de l’islam et utilisant le voile comme outil de domination. Mais il existe une différence entre combattre un système de domination et stigmatiser les femmes musulmanes. Nous refusons de rentrer dans un débat qui devrait définir quel est le degré d’habillement prouvant l’émancipation d’une femme : le voile ? le décolleté ? la mini-jupe ? Sans nier la capacité d’un système de domination à être intériorisé par un individu, notre combat politique consiste à défendre la liberté des femmes à se vêtir comme elles le souhaitent. Dis d’une autre façon : hors de question de légiférer pour décider de la façon dont les femmes s’habillent.

Refuser les stigmatisations et les discriminations dans l’enseignement supérieur est un combat permanent. C’est une condition pour rassembler tous les étudiants derrière un combat de transformation sociale, pour que notre service public d’enseignement supérieur soit un outil au service de l’égalité et de l’émancipation.