Résolution sur l’enseignement supérieur et la recherche.

Pour nous suivre

Lors du congrès de Creil, nous avons caractérisé les réformes du gouvernement Hollande, et notamment les COMUE (Communautés d’universités et d’établissements) comme porteuses des plus graves dangers pour la laïcité de l’enseignement supérieur et les libertés fondamentales connues sous le vocable de franchises universitaires et portant atteinte à la souveraineté et au budget de chaque université. Nous notions que toutes sont de pures applications de ce qui a été défini par l’Union européenne comme le “processus de Bologne”, et dont le but avéré est d’aller vers la privatisation de l’enseignement supérieur. Il ne s’agit de rien moins que d’inscrire le savoir universitaire dans un marché de concurrence “libre et non faussée”, selon l’idéologie de l’ l’Union européenne.

C’est une banalité, par les temps que nous vivons, que d’oser baptiser « laïcité » des opérations anti-laïques. Ainsi voyons-nous fleurir, comme à Montpellier, Strasbourg et maintenant Rennes, des diplômes universitaires de laïcité à l’usage des fonctionnaires, dans lesquels sont traités des questions telles que : “Comment faire se rencontrer religions et espace public ?”. C’est tout un programme !

Une autre question sur laquelle nous nous sommes exprimés à juste titre est celle des franchises universitaires, sous l’angle de la liberté du public universitaire. Dans le communiqué de 2015 “Laïcité dans l’enseignement supérieur, laïcité de l’enseignement supérieur” nous nous sommes opposés au projet d’extension de la loi de 2004 sur les signes religieux au domaine de l’Université. Nous rappelons que la laïcité de tenue et d’attitude ne s’applique qu’aux enseignants, leur parole étant strictement libre, le contenu des cours ne pouvant être évalué que par les instances universitaires. Cette position a été avalisée par le CNESER (Conseil National de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche), les principaux syndicats de l’Enseignement Supérieur, la Conférence des Présidents d’Universités et l’Observatoire de la laïcité. Il s’agit là d’une exacte compréhension de la nature de la loi de 1905 et de la tradition des franchises universitaires telles qu’elles sont exposées dans le Code de l’Education.

Néanmoins, les menaces incluses dans ces tentatives ont connu des illustrations éclatantes à travers l’affaire Bernard Mezzadri à Avignon et Rachid Zouhhad à Paris XIII. Dans le premier cas, un président d’Université en appelle directement à la justice pour des écrits internes interprétés comme racistes contre l’un de ses professeurs, dans l’autre, un directeur d’IUT monte directement une cabale contre deux de ses enseignants d’origine maghrébine, en inventant de toutes pièces un prétendu complot islamique. Notons que ce dernier directeur a reçu des mains de Manuel Valls un « grand prix de la laïcité ». La Libre Pensée s’honore d’avoir concouru à la défense de ces enseignants-chercheurs.

Dans le même temps, la recherche est touchée de plein fouet, et tout d’abord dans son financement. Les appels d’offre de l’ANR (Agence Nationale pour la Recherche) sont tombés à un taux de succès historiquement bas, puisque moins d’un projet sur 10 a été financé. La ministre avait annoncé 256 millions d’euros d’annulations de crédit dont 136 millions d’euros de réduction des budgets de la recherche. F. Hollande avait restauré cette dernière somme devant les prises de position de plusieurs prix Nobel. Cependant, il reste 122 millions d’euros pris sur les universités, après des années de diminutions successives des budgets. La recherche scientifique et l’enseignement supérieur sont bel et bien exsangues.

A cela s’ajoute une inflexion dramatique vers la recherche privée. Une réforme des doctorats supprime les dernières libertés de direction de recherche qui restaient aux équipes. Des visites d’entreprises deviennent obligatoires même dans les laboratoires de recherche fondamentale. Excluant les directeurs de recherche des jurys, la constitution des comités de suivi des thèses est désormais à l’entière discrétion des écoles doctorales instituées comme police de la privatisation progressive des recherches.  Le fondamental, voilà l’ennemi. Selon le mot de la juriste Lauréline Fontaine, on passe du doctorat « inséré » au doctorat « enserré ». Or, c’est à ce niveau de formation des jeunes chercheurs que s’élaborent souvent les travaux de recherche novateurs. Le fond même de la thèse, le fait de mener à bien un travail scientifique, ne figure même plus dans l’arrêté. Pire, le doctorat pourra être obtenu par VAE (Validation des Acquis et de l’expérience), c’est-à-dire par un travail effectué dans une entreprise ou un autre cadre extérieur à la recherche scientifique.

Ce dernier coup est à la mesure des atteintes à la liberté de la recherche. Une recherche libre et indépendante est insupportable aux gérants du système du profit. Bien entendu, la Libre Pensée poursuivra son action pour la liberté de la recherche et le développement de la science. Avec les associations qui poursuivent des buts semblables, l’Union rationaliste, l’Association Française pour l’Information Scientifique et d’autres, nous participerons à la défense de la méthode, du matérialisme, de l’esprit d’investigation, et d’une expertise rationnelle des problèmes auxquels les populations et les travailleurs sont confrontés (santé publique, sécurité matérielle).

Plus que jamais la République a besoin d’une recherche scientifique indépendante fonctionnant sur critères scientifiques et non politiques ou marchands. Ceci signifie d’une part un budget d’état suffisant, des statuts de personnels garantissant cette indépendance via l’évaluation par les pairs, d’autre part la fin d’une politique d’appels d’offres chronophage enserrant la Recherche dans des objectifs sociétaux ou politiques ou privés.

Adoptée à l’unanimité