DROIT ET LAÏCITE

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“La liberté est le même droit que la liberté de penser, l’une répond au cœur, l’autre à l’esprit ; ce sont les deux faces de la liberté de conscience ; elles sont au plus profond sanctuaire de l’âme humaine”

Victor Hugo, Choses vues.

 

Pour repousser le spectre de l’arbitraire, la loi doit protéger les citoyens et leur garantir les libertés individuelles et collectives auxquelles ils ont droit et parmi lesquelles la liberté de conscience tient une place essentielle. La Libre Pensée a pour vocation de les défendre et de les promouvoir, de manière à offrir à chacun la faculté d’user sans entrave de la méthode du libre examen et d’agir selon la Raison pour contribuer au progrès et à l’émancipation de l’humanité. Elle entend également faire éclore de nouveaux droits que les avancées de la science et de la médecine mettent à la disposition de celle-ci pour que chacun puisse maîtriser son destin.

Agir pour défendre la liberté de conscience

Au terme d’une longue évolution, la Séparation des Eglises et de l’Etat instituée par la Première République, la Commune de Paris et, de manière durable, par la Troisième République, a garanti la liberté de conscience aux citoyens, c’est-à-dire celle de croire comme de ne pas croire à un dogme de quelque nature qu’il soit. Après cent-seize ans de lutte contre le cléricalisme, elle a inscrit dans le droit positif les principes énoncés à l’article 10 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789. Depuis 1977, la liberté de conscience qu’assure la séparation du politique et du religieux figure parmi les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République entrant dans le bloc de constitutionnalité garant de la démocratie, au même titre que la liberté d’association instaurée par la loi du 1er juillet 1901.

Depuis longtemps déjà, mais de manière accrue dans la dernière période, les autorités publiques s’emploient à gommer la distinction entre les sphères publique et privée qu’implique la Séparation des Eglises et de l’Etat au détriment de la liberté de conscience des citoyens. Tantôt  elles entendent ouvrir un espace aux religions dans le champ du politique, selon un mode inspiré des pratiques concordataires, tantôt elles tentent d’imposer dans la sphère privée, au mépris de la liberté de conscience et au motif inavoué de courir derrière des forces xénophobes, l’obligation de neutralité pesant sur les fonctionnaires et les agents concourant à la réalisation d’une mission de service public ou concernant les élèves de l’enseignement public. L’affaire de la crèche Baby-Loup, les diatribes contre le port du foulard à l’Université, voire à propos de la longueur des robes, et la tentation de certains élus locaux d’installer dans les bâtiments publics ou sur le domaine public des emblèmes religieux sont, à cet égard éclairantes. Elles s’emploient également à maintenir, en fait ou en droit, des avantages illégitimes en faveur de certains cultes.

Le Conseil d’Etat est appelé bientôt à se pencher sur les décisions contradictoires des Cours Administratives d’Appel sur les cas des crèches chrétiennes de Melun et de Vendée. Le Congrès national recommande aux Fédérations départementales de faire les recours administratifs nécessaires contre des décisions antilaïques en relation étroite avec la Commission Droit et Laïcité. Il faut harmoniser nos actions juridiques. Le Congrès national les appelle aussi à abonder financièrement le fonds juridique pour pouvoir mener les actions nécessaires à la défense de la Séparation des Eglises et de l’Etat.

Par tous les moyens dont elle dispose, qu’il s’agisse de la saisine des juridictions – en vue de faire respecter les termes de la loi du 9 décembre 1905, notamment ceux des articles 2 interdisant le financement public des cultes et 28 prohibant la présence de signes ou d’emblèmes religieux sur le domaine public -, de l’interpellation des parlementaires appelés à se prononcer sur un texte – afin de tenter d’empêcher une dérive contraire aux libertés individuelles, comme elle l’a fait en produisant une analyse critique, reprise par l’Observatoire de la laïcité, de l’article 6 de la loi El Khomri offrant aux employeurs la possibilité de limiter la liberté de conscience de l’ensemble des salariés d’une entreprise au motif du bon fonctionnement de celle-ci -, ou de l’étude approfondie de la situation – à la manière du colloque Islam et laïcité -, la Libre Pensée doit continuer à agir pour garantir la liberté de conscience et la Séparation des Eglises et de l’Etat. A la suite du succès du meeting  national du 5 décembre 2015 au gymnase Japy, elle doit notamment poursuivre son combat pour demander l’abrogation du statut clérical d’Alsace-Moselle et de la loi du 31 décembre 1959 qui, par le truchement des contrats d’association entre l’Etat et les établissements privés d’enseignement, constitue une brèche béante dans la Séparation des Eglises et de l’Etat.

Enfin, il importe qu’elle amplifie son action pour mettre fin à des « privilèges » ecclésiastiques intolérables. Compte tenu de la décision par laquelle la Cour de cassation a jugé, au regard des textes applicables, suffisante à répondre à une demande de radiation des registres de l’Eglise, la simple mention marginale « a renié son baptême », la Libre Pensée doit s’employer désormais à faire modifier la loi informatique et liberté de 1978 afin d’obliger les cultes à effacer toute trace de présence dans leurs fichiers d’un individu y figurant de manière forcée (mineurs et majeurs) ou volontaire (majeurs) qui souhaite s’en émanciper. De même, en raison notamment des affaires de pédophilie, elle doit obtenir que le secret de la confession, qui trouve un fondement dans le seul droit canonique, ne soit pas regardé comme un motif légitime éventuel de refus de répondre aux réquisitions des officiers de police judiciaires, chargés d’une enquête préliminaire ou concourant à une information judiciaire, auxquelles tout citoyen doit déférer.

Agir pour garantir les libertés démocratiques

La pseudo-laïcité de combat teintée de xénophobie, désormais relayée au niveau gouvernemental, est l’indice d’une dérive autoritaire plus large au plan institutionnel, de nature à nuire à la démocratie. Depuis une dizaine d’années, bien avant les odieux attentats de janvier et novembre 2015, s’est accéléré le rythme de promulgation de lois répressives, bien dans l’esprit des institutions de la Cinquième République. La conjugaison des atteintes portées à la liberté de conscience et à la Séparation des Eglises et de l’Etat, en particulier, et à l’ensemble des libertés démocratiques, en général, justifie les actions communes menées par les quatre  organisations laïques historiques, la Libre Pensée, la Ligue de l’enseignement,  la Ligue des droits de l’Homme et du citoyen et l’Union rationaliste, dont la tenue du colloque prémonitoire du 21 mars 2015 consacré à la laïcité et aux libertés publiques et la diffusion de l’appel « Nous ne céderons pas » ont marqué deux étapes importantes.

Dans un contexte marqué par la prolongation de l’application de la loi d’exception du 3 avril 1955 sur l’état d’urgence, que le gouvernement n’a pas réussi à introduire dans la Constitution, et sur le terrain qui est le sien, la Libre Pensée doit se saisir de ces questions comme elle l’a fait dans la dernière période en produisant une analyse du projet de loi de lutte contre le terrorisme et son financement ou en condamnant l’interdiction des manifestations. Elle doit notamment œuvrer pour assurer aux citoyens les libertés d’expression, de réunion, de manifestation et d’association sans lesquelles il n’est point de liberté de conscience. A cette fin, elle doit défendre l’indépendance de l’autorité judiciaire, garante des libertés individuelles, dont les compétences en matière d’enquête, désormais largement transférées au ministère public, doivent être restaurées. Elle doit également combattre l’usage sans cesse élargi des moyens électroniques de surveillance et de contrôle des citoyens.

Agir pour la conquête de nouveaux droits

En tant qu’elle révoque la prétention de tous les dogmes à régir l’existence des individus ou à corseter la recherche scientifique, la liberté de conscience sert de matrice à la conquête de nouveaux droits conduisant à l’émancipation humaine. La Libre Pensée doit donc poursuivre le combat qu’elle a engagé sur ce terrain.

En premier lieu, si la Libre Pensée a pris acte de la nouvelle perspective philosophique adoptée par le législateur en 2013 en matière de recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires, laquelle est désormais autorisée dans son principe, elle constate néanmoins que le régime d’autorisation fortement encadré institué par la loi actuellement en vigueur n’est pas, dans la pratique, fondamentalement différent de celui d’interdiction avec dérogation qui prévalait avant 2013. Elle observe aussi que les chercheurs sont contraints de s’organiser pour poursuivre des travaux essentiels à l’essor de la recherche médicale, non seulement en matière de procréation mais dans bien d’autres domaines. Compte tenu du nombre très important d’embryons conçus in vitro dans la perspective d’une procréation médicalement assistée ayant été par la suite abandonnée en l’absence de projet parental et sauf opposition des couples intéressés, la Libre Pensée exige une totale liberté d’action pour les chercheurs en embryologie.

En deuxième lieu, dans un contexte marqué par la séparation radicale entre sexualité et reproduction et la diversification des modèles familiaux, les techniques de procréation médicalement assistée ne doivent plus seulement fournir une réponse à l’infertilité diagnostiquée d’un couple hétérosexuel, comme le prévoit la loi actuellement en vigueur, mais doivent être un moyen de satisfaire les désirs d’enfant qu’expriment les individus disposant d’une entière liberté de conscience. A cet égard, la gestation pour autrui doit être regardée comme un modalité parmi d’autres de procréation médicalement assistée, sous réserve qu’elle obéisse au principe de gratuité de l’acte, sinon des frais induits par celui-ci. Par suite, la Libre Pensée doit poursuivre ses actions en faveur de l’élargissement des possibilités de recourir à la procréation médicalement assistée, de la légalisation de la gestation pour autrui et de la réforme du droit de la filiation qui doit en découler.

Enfin, après la succession des affaires Vincent Humbert, Chantal Sébire, Vincent Lambert, Docteur Bonnemaison et Jean Mercier, la loi Léonetti-Claeys autorisant la sédation profonde et obéissant au principe thomiste du double effet ne répond pas à la situation de détresse des malades atteints d’une affection conduisant à une mort certaine dans de terribles souffrances physiques et morales, pas plus qu’elle ne répond aux tourments de leurs familles et au mal-être des personnels de santé. Elle constitue une trahison du vingt-et-unième « engagement pour la France » du Président de la République. La Libre Pensée exige la légalisation de l’aide à mourir et/ou du suicide assisté dont l’accès doit être réservé aux personnes ayant exprimé le souhait d’y recourir et/ou ayant désigné une personne de confiance susceptible de faire valoir leurs dernières volontés en cette matière.

 

Adopée à l’Unanimité