Il n’appartient nullement à la Libre Pensée de se substituer aux organisations syndicales et à commenter l’actualité sociale, sauf quand elle analyse que le programme de l’Eglise catholique, entre autre, est en train de s’appliquer contre les intérêts des travailleurs.
Or, nous sommes dans ce cadre précis avec la remise du Rapport Combrexelle pour « réformer » le Code du Travail (CdT), c’est-à-dire l’annihiler purement et simplement, car «il ferait 3 000 pages». S’il fallait anéantir tous les livres qui font des milliers de pages, il faudra alors passer au pilon la Bible (Ancien et Nouveau Testament) et le Coran.
Ce rapport, commandé par le gouvernement Hollande/Valls, est directement inspiré par la Doctrine sociale de l’Eglise afin de mettre en place un nouvel ordre corporatiste. On sait que le principe dit de subsidiarité est directement issu du Droit Canon (Thomas d’Aquin) et qu’il est le moteur de l’Union européenne. On peut le résumer par deux formules très complémentaires : «je commande, tu appliques» et «fais faire par les autres ce que tu ne veux pas faire toi-même».
Le Rapport Combrexelle commence par cette affirmation : «Ses enjeux [de la réforme du CdT] tiennent à la méthode de régulation des relations du travail : l’articulation entre législatif et conventionnel ; le degré de subsidiarité souhaitable dans l’application de la norme ; la hiérarchie des niveaux de négociation ; et le rôle des acteurs sociaux. »
Il poursuit : «La négociation collective, c’est-à-dire le fait de déléguer à des partenaires sociaux représentatifs le pouvoir de définir la norme juridique fait, en France, l’objet d’un procès en légitimité. Car le principe de cette délégation ne relève pas de la culture juridique propre à notre pays.» En clair, il faudrait que les partenaires sociaux puissent désormais faire la loi et devenir des «co-législateurs» au nom du principe de subsidiarité. Cette orientation se situe d’ailleurs dans la continuité d’une série de mesures ou de projets des différents gouvernements : précédente modification du code du Travail (loi Larcher de 2007), volonté de “constitutionnaliser le dialogue social”, etc…
Il existe un obstacle de taille : le Code du Travail, expression de la loi qui détermine la norme. Il faut donc le faire sauter. Combrexelle indique comment : «Il suffirait de le réduire de façon drastique et de libérer ainsi des espaces au profit de la négociation. Enfin libérés des contraintes législatives et règlementaires multiples, les acteurs syndicaux et professionnels se saisiraient des nouveaux espaces de liberté au profit d’un dynamisme retrouvé de la négociation.»
Les syndicats des travailleurs seraient donc appelés à faire la loi à la place du Législateur (à l’encontre du principe issu de la Révolution française) dans les espaces laissés par la destruction des lois sociales et des normes juridiques. Comme on ne peut pas être gouvernants et gouvernés en même temps, comment les syndicats pourraient-ils lutter contre les effets néfastes qu’ils auraient créés ? C’est le corporatisme des régimes totalitaires qui «intégre» les syndicats pour mieux les détruire qui pointe à nouveau son nez.
Vous forgez une chaîne et vous l’appelez Liberté !
(Victor Hugo)
Bien entendu, cette intégration corporatiste des organisations syndicales a un objectif bien précis : «Ensuite, le rapport de forces que traduit la négociation aux différents niveaux peut paraître découplé de l’efficience économique à court terme : il empêche notamment toute adaptation «à la baisse» des conditions d’emploi et de rémunération, dès lors que les syndicats se placent dans une posture et une logique de répartition d’avantages supplémentaires.»
C’est aussi une remise en cause du principe d’égalité. Combrexelle pourfend cette idée néfaste : «On ne comprend pas et on n’accepte pas que la règle appliquée aux salariés de l’entreprise X soit différente de celle applicable au sein de l’entreprise Y» C’est l’émiettement des acquis sociaux et la concurrence entre salariés que l’on voir renaître. Karl Marx a montré que dans sa phase de développement, grâce notamment au syndicalisme ouvrier, la classe ouvrière est passée de classe en soi à classe pour soi en luttant contre la concurrence entre ouvriers et en mettant en avant leur solidarité de classe.
Le passage de Combrexelle cité plus haut indique clairement qu’il faut remettre les acquis des travailleurs en cause et, que, pour cela, il faut associer les syndicats à cette régression sociale. Quelle modernité ! C’est le retour à la barbarie de l’exploitation forcenée.
Mais avec le bâton, il faut aussi la carotte. Le Rapport Combrexelle poursuit : «Beaucoup a été dit sur le vieillissement des cadres syndicaux et sur la nécessité d’organiser, comme commence à le faire la loi du 17 août 2015 sur le dialogue social, des parcours professionnels apparaissant comme attractifs pour les jeunes et non comme un sacerdoce syndical à caractère sacrificiel pour sa carrière.» En clair, il faut faire du syndicalisme, non plus une fonction de représentation, mais une carrière professionnelle. Ces «nouveaux syndicalistes» de troisième type deviendraient les clercs d’un nouvel ordre corporatiste.
Nous avons affaire à une gigantesque opération de destruction du mouvement syndical confédéré à travers cette offensive de destruction du Code du Travail. Il est dit clairement : «Les organisations syndicales n’ont pas été constituées pour négocier dans une société où il existe plus de 3,5 millions de personnes en situation de chômage. Il faut, en conséquence, bien mesurer la révolution culturelle qu’implique pour un syndicat sa contribution active à la négociation d’accords de maintien dans l’emploi, de gestion de l’emploi, de mobilité ou de PSE (Plan de Sauvegarde de l’Emploi)….
Cette négociation est doublement difficile pour les syndicats. Elle n’est plus systématiquement une négociation de distribution, mais une négociation d’accompagnement de la crise et de gestion des conséquences sociales des mutations économiques.»
Le Corporatisme, c’est aussi un Etat fort contre la classe ouvrière et ses acquis
Le Rapport Combrexelle formule dans sa proposition N°29 que ces «négociations collectives», qui ne sont que l’acceptation de la crise économique et des besoins des patrons, soient intégrées dans la Constitution de la Vème République. Lui qui ne cesse de critiquer la loi comme moyen de défense des acquis sociaux, il se tourne vers la loi pour imposer la régression sociale et la dislocation du mouvement ouvrier.
C’est l’étatisation des partenaires sociaux. Non seulement, il y a la volonté de transformer les syndicats en «co-législateurs», mais, aussi de les faire devenir les gardes-chiourmes des intérêts du système d’exploitation, et ce, par simple voie de conséquence, puisqu’ils auront participé à l’élaboration de la loi.
Le Rapport Combrexelle reprend tout ce qui avait fait l’armature de la Charte du Travail du Régime de Vichy. Mais ce qui avait fait aussi son échec : la lutte des classes qui reste le moteur de l’Histoire. La messe n’est pas encore dite.