En cette première année du Centenaire de la grande boucherie de 1914-198, la Libre Pensée est fidèle à ce qu’elle a entamé depuis vingt-cinq ans. Devant le reniement des plus hautes autorités de l’Etat, ce qui monte depuis des années a trouvé un écho particulier dans plus de 130 rassemblements à travers toute la France.
De nombreux Elus
Chacun le pressentait, déjà de septembre à novembre près de 23 conseils municipaux avaient pris position pour la réhabilitation collective. De fait, à Rocles (Allier), les discours du maire de cette commune, de Marie-Françoise Lacarin vice-présidente du Conseil Général, de syndicalistes, de la Libre Pensée, de l’Association Laïque des Monuments Pacifistes et Républicains de l’Allier, ont été entendus par 174 personnes réunies.
50 citoyens à Belfort ont écouté Sylvie Rodier, Présidente de la Ligue pour les Droits de l’Homme à Belfort : « Nous ne voulons pas d’une amnistie, mais d’une vraie réhabilitation. La France doit se souvenir de ces hommes et dénoncer les pratiques honteuses de l’armée ». Le Président de la Libre Pensée, Serge Hugot, de ce département, évoque quant à lui l’horreur de voir des « camarades fusillés par d’autres camarades ». A Pau, la Libre Pensée, la LDH et le Grand Orient de France ont tenu à manifester leur volonté que justice soit faite aux 639 Fusillés pour l’exemple, morts sous les balles françaises il y a un siècle. 60 citoyens à Escaudain (Nord), accueillis par le le Maire en présence de membres de plusieurs partis politiques et de militants syndicalistes de la CGT.
Une présence des organisations syndicales importante
1 400 000 morts, 650 Fusillés pour l’exemple, combien de syndicalistes ? La Confédération Générale du Travail, qui œuvre à l’émancipation de la classe ouvrière, a vu nombre de ses militants et syndiqués disparaître dans la boue et l’horreur. Il est donc légitime et normal que dans de nombreux rassemblements, les responsables de la CGT et de la CGT-FO prennent la parole. La place du syndicalisme ouvrier est d’être avec ses frères de classes, hier comme aujourd’hui. A Gentioux, pour le 27ème rassemblement à l’appel du Comité Laïque des Amis du Monument aux Morts de Gentioux, plus de 500 citoyens ont entendu la voix des deux confédérations syndicales de la région et des départements avoisinants.
Le même message a été porté par le responsable de l’Union départementale Force Ouvrière du Rhône : « Très peu parmi les 650 Fusillés pour l’exemple furent réhabilités et il n’est pas possible de considérer que la République oublie de reconnaître que des actes de cette « maudite guerre » doivent être l’objet de réparation collective …en la mémoire de ces citoyens au front d’une guerre et qui n’étaient pas des déserteurs, mais bien des hommes de la République. »
De nombreux citoyens
Quelques chiffres, nous en avons déjà donnés, mais plus de 100 citoyens à Vierzon, 140 à Guéret, 45 au Havre, 90 à Lyon, 32 à Saint-Ybars, 40 à Allonnes, 50 à Pau, 150 à Gy l’Evêque, 25 à Vannes, 80 à Rodez, 45 à Sainte-Anne d’Auray, 50 à Saint-Nazaire, 30 à Toulouse, 60 à Chambéry. Il est difficile de tout citer, certaines Fédérations de la Libre Pensée, multipliant les rassemblements. En effet, y a-t-il une commune en France qui n’ait pas payé un lourd tribu à la guerre et dont le nom de ses fils, morts pour une guerre impérialiste, ne soit inscrit au monument aux morts ? Et combien de Fusillés pour l’exemple qui n’ont pas été encore réhabilités ? Loin de faire le jeu du cas par cas, les médias locaux ont dressé les portraits de certains d’entre eux, tout en relayant la juste demande de réhabilitation collective ; c’est dire que chacun comprend l’enjeu. Il ne peut y avoir de cas par cas, cela ne serait pas une réhabilitation, mais une condamnation.
Le 11 novembre appartient à la République, pas aux militaires
A Beuvraignes dans La Somme, à Saint-Nazaire, à Gaillon (Eure), notre détermination gêne, dérange les rassemblements dits « officiels ». Les plus hautes autorités de ce pays ne doivent pas se méprendre, le 11 novembre n’appartient pas aux militaires. C’est la journée des Anciens Combattants, des hommes de la troupe, des ouvriers et des paysans arrachés à leur famille pour en faire de la chair à canon, de ceux qui refusent de voir le carnage reprendre du service. C’est cela le sens du 11 novembre. Dès lors, l’Etat ne rendant pas leur dignité aux hommes envoyés au poteau, c’est le devoir de tout citoyen de rappeler à ses représentants la cause des Fusillés pour l’exemple. Ce qui va être exemplaire, ce sera la mobilisation des fédérations départementales qui ont toute initiative pour alimenter et populariser cette bataille.
A Maizy (Aisne), l’oratrice rappelle : « Lorsque le 27 mai, les soldats apprennent qu’ils doivent remonter aux tranchées, ils se rassemblent, puis manifestent pour empêcher de quitter le cantonnement. On crève les pneus des camions qui doivent emporter les soldats, un fusil-mitrailleur est mis en batterie ; on parcourt les rues au chant de l’Internationale, avec le drapeau rouge ; tambour et clairon ouvrent la marche. Dans la nuit, les gendarmes arrivent et font embarquer les soldats pour les tranchées ; ils regroupent ceux qui refusent, et qui veulent aller à Paris. Un soldat écrit à un ami à propos des officiers : « Le lieutenant me fait une observation, je veux lui casser la gueule et comme c’est un curé, je crie à haute voix : « A bas la Calotte, à mort les officiers. »(…) » 130 arrestations, une centaine de soldats sont condamnés à la prison ; 14 sont envoyés dans les sections spéciales d’infanterie ; et 12 passent devant le Conseil de guerre. Comment ont-ils été choisis ? Arbitrairement. » Alors oui, ces hommes ne voulaient plus jamais cela, ni de cette guerre, ni de ces parodies de justice. Ils maudissaient la guerre comme leurs veuves et leurs enfants le feront ne voyant pas leurs pères revenir.
Des perspectives
Les Fusillés pour l’exemple sont ancrés dans la conscience collective, appartenant à ces hommes qui ont refusé la guerre, qui ont refusé de poursuivre les desseins barbares. Notre combat ne s’arrête pas le 12 novembre, nous l’avons poursuivi par un colloque à Soissons. D’autres municipalités prendront sans aucun doute encore position pour la réhabilitation collective.
C’est aussi dans cette perspective du refus de la guerre que les Libres penseurs allemands se sont exprimés à Strasbourg. Comme, nous l’avons dit lors des 130 rassemblements, nous lançons une souscription afin d’ériger un monument réhabilitant les 639 Fusillés pour l’exemple qui ne l’ont pas encore été. Ce monument sera sur la ligne de Front, et non pas comme une offense à la mémoire de ces hommes sur une plaque au musée des Invalides, face à leurs bourreaux. Il ne peut y avoir de réconciliation, les assassins sont du côté des généraux, pas des suppliciés pour l’exemple. Nous dresserons ce monument parce qu’à l’image des 130 rassemblements, à la mesure de ces 25 ans de combat pour la réhabilitation, nous sommes aussi la République.