Est-ce l’Epiphanie qui fait son effet et les rois mages chargés de cadeaux et d’épices qui ont convaincu les représentants des cultes reconnus et aussi ceux de l’Islam de réclamer, le 6 janvier 2015, l’abrogation du délit de blasphème en Alsace-Moselle parce qu’il serait « obsolète » ?
Rassurez-vous, il n’est pas demandé de l’abroger dans la plupart des pays de l’Union européenne où ce délit moyenâgeux s’applique encore comme, par exemple, en Allemagne, Autriche, Italie, Espagne et dans certains pays du Nord.
Il n’est pas question non plus d’abroger le statut clérical d’exception d’Alsace-Moselle où les ministres des cultes reconnus sont des fonctionnaires payés sur les fonds publics pour un budget annuel de 59 millions d’euros, pensions comprises.
Pas question non plus de soutenir le Conseil général de la Guyane qui a décidé de ne plus rétribuer les 26 prêtres et l’Evêque sur les fonds publics pour un montant annuel de 800 000€.
La Fédération nationale de la Libre Pensée est pour l’abrogation du délit de blasphème partout où il sévit et pour que la Loi de 1905 de Séparation des Eglises et de l’Etat s’applique sur tout le territoire de la République.
Mais de quoi s’agit-il au juste dans cette affaire ?
Il ne faut pas être grand clerc pour voir la manœuvre qui se dessine derrière cette demande d’abrogation. Sans doute la crainte de voir l’Observatoire de la laïcité demander la fin de cette anomalie antirépublicaine et antilaïque et aussi celle de l’action renforcée de la Libre Pensée pour la défense de la loi de 1905, ne sont pas étrangères à cette curieuse proposition émanant des religions.
Il s’agit de supprimer d’un côté le délit de blasphème pour mieux garder de l’autre l’essentiel :
- Le concordat bonapartiste de 1801 et les Actes organiques
- L’intégralité de la loi Falloux de 1850
- Les lois allemandes du temps de l’annexion qui sont favorables aux cultes.
En vertu du statut clérical d’exception d’Alsace-Moselle, l’enseignement des religions est obligatoire (sauf dispense à demander) dans l’Ecole publique qui n’est pas laïque. La loi Falloux de 1850 s’applique intégralement. Celle loi qui faisait dire au grand Libre Penseur Victor Hugo : « C’est l’œuvre du parti clérical qui a mis un jésuite partout où il n’y avait pas un gendarme. »
Il n’y a quasiment pas d’écoles privées catholiques en Alsace-Moselle, car c’est l’Ecole publique qui fait office d’école religieuse. Demander l’abrogation du délit de blasphème ne coûte pas grand-chose quand la jurisprudence l’a rendu quasiment inexistant, même si ce délit a une très grande force symbolique que l’on ne peut nier.
Certains utilisent l’émotion légitime qui s’est exprimée contre les massacres de 17 victimes de la barbarie la plus sauvage pour tenter de remettre les religions en selle au nom de « la tolérance et du respect ». Et ceci au moment même où le pape vient, dans deux déclarations, de condamner le blasphème et l’offense aux religions et d’en justifier la répression.
N’est-ce pas le sens de l’union sacrée des religions avec le gouvernement qui s’est manifestée dans le cortège de tête de la manifestation du 11 janvier 2015 à Paris ?
Au nom de « la connaissance de l’autre » et du « vivre ensemble », on identifie la cohabitation des citoyens dans leur diversité et dans leur commun attachement à la République, avec la mise en valeur des communautés, notamment religieuses. Dans cette affirmation le citoyen « d’origine musulmane » est attaché à vie à sa religion d’origine, ses « racines » diront certains. Il est musulman et il doit le rester. Et cela s’applique à toutes les « communautés « réelles ou supposées, communautés que l’on cherche à institutionnaliser dans ce pays.
On ne peut s’extraire de ce contexte pour comprendre réellement les choses dans cette affaire de délit de blasphème
En effet, la présence de chefs religieux et de responsables politiques dans le cortège de tête constitue une opération politique étrangère à l’objectif initial de la manifestation. Cette opération vise à substituer à terme le dialogue interreligieux, le communautarisme à la laïcité, à la Séparation des Eglises et de l’Etat !
Il s’agit visiblement de préserver le concordat et de l’étendre à l’Islam. Sinon, comment comprendre que l’Islam a été associé à cette demande, alors que cette religion n’est pas reconnue en Alsace-Moselle ?
Des voix s’élèvent, ici ou là, pour présenter le Statut clérical d’exception d’Alsace-Moselle, non comme une exception, une anomalie, mais comme un modèle à exporter dans toute la France. D’ailleurs, l’Acte III de la décentralisation au nom du « droit à l’expérimentation » permettra cela.
C’est le modèle de l’Union européenne et de son Traité constitutionnel qui, par son Article 17-C, reconnaît les religions comme des partenaires officiels et institutionnels des institutions européennes et qui en fait ainsi des co-législateurs.
Il y a fort à parier que cette manœuvre politico-religieuse n’est en rien une sortie du concordat, mais, bien au contraire, le moyen de le maintenir.
La Fédération nationale de la Libre Pensée
ne participera pas à cette opération d’enfumageElle exige l’abrogation totale
du Statut clérical d’exception d’Alsace-Moselle !