20 Avril 1915 à 15h à Flirey en Meurthe et Moselle, à la lisière d’un bois situé à un kilomètre au nord-ouest de Mononville, Félix Baudy, Henri Prébost,Antoine Morange et François Fontanaud, quatre soldats du 63ème Régiment d’Infanterie tombent sous les balles française d’un peloton d’exécution.
Cent ans plus tard, les 18 et 20 avril dernier, à Champagnac la Rivière (Haute-Vienne) commune d’où était natif Morange, à Royère de Vassivière (Creuse) sur la tombe de Baudy et à Villeurbanne (Rhône) où furent inhumés les restes de Prébost, des hommages organisés par la Libre Pensée viennent d’être rendus aux Fusillés pour l’exemple de Flirey.
Se sont associés à ces rassemblement suivant les communes, les maires, les représentants des organisations syndicales CGT et FO, les responsables de la Ligue des droits de l’Homme, du Mouvement de la Paix, de l’Union Pacifiste ainsi que d’autres associations comme dans les deux communes du Limousin, le Comité laïque du Monument de Gentioux, l’ANACR, l’association Mémoire à Vif, et, à Villeurbanne, l’Association laïque des Amis des Monuments pacifistes du Rhône, ainsi que la Commission Administrative Nationale de la Libre Pensée…
Lors de cet hommage, la Libre Pensée a rappelé dans ses diverses prises de parole qui étaient ces hommes et les circonstances ayant amené à leur exécution :
En avril 1915, le premier hiver de la guerre s’achève, le 63e régiment d’infanterie formé de limousins, pour la plupart cultivateurs, a passé cet hiver dans les tranchées de Champagne, où ils ont cruellement souffert du froid. Ce régiment est désigné pour prendre part, en Lorraine, dans le secteur de St-Mihiel à une de ces innombrables attaques, au cours desquelles pour tenter de gagner quelques mètres de terrain sur l’ennemi, des centaines, des milliers d’hommes étaient sacrifiés.
La 5e compagnie perd ainsi les 3/4 de ses effectifs au combat de Regneville. Après quelques jours de repos, les hommes apprennent que leur compagnie, complétée, est à nouveau désignée pour une attaque, dans le secteur particulièrement meurtrier de Flirey. Les protestations grondent : « nous ne sortirons pas de la tranchée ! » En effet, au moment de l’attaque, le 19 avril, seul une vingtaine d’hommes acceptent d’aller au massacre. Trois en reviendront dont deux blessés. Furieux, le général Deletoille, commandant au corps d’armée parle de faire fusiller toute la compagnie ! Après l’intervention d’autres officiers, cinq hommes sont finalement désignés et comparaissent dès le 19 avril, pour une parodie de procès.
Devant le conseil de guerre, Antoine Morange a prononcé ces mots : ’J’ai fait comme tous mes camarades qui se trouvaient à mes côtés. Je ne vois pas pourquoi je serais plus punissable que mes camarades ; Je n’ai pas vu mon capitaine sortir, ni mon chef de section. Nous sommes nombreux de ceux qui ne sont pas sortis. J’ai toujours fait mon devoir, fais toutes les campagnes. Jamais on a eu à se plaindre de moi (…) »
L’un des 5 soldats jugés un peu simple d’esprit est acquitté. Pour les quatre autres qui vont être condamnés à mort, en plus du charentais François Fontanaud, les trois limousins, le caporal Antoine Morange et les soldats Félix Baudy et Henri Prebost, ces deux derniers maçons creusois, ont été désignés par leurs supérieurs en raison de leur appartenance syndicale à la CGT. Leurs noms figuraient sur le carnet B qui existait depuis le 5 février 1909 pour entre autre chose, recenser « les Français, dont l’attitude et les agissements pouvaient être de nature à troubler l’ordre et à entraver le bon fonctionnement des services de mobilisation ».
On fait mettre les 4 condamnés à mort à genoux et on leur bande les yeux. Félix Baudy arrache le mouchoir et crie : « Camarades, tirez droit au cœur ! Vous verrez comment on meurt quand on est français ». Les 4 corps s’effondrent. (…)
Le mouvement ouvrier syndical se souvient des siens
En ce centenaire de l’exécution des 4 de Flirey, ce n’est pas un hasard si les organisations syndicales issues de la vielle CGT ont été présentes à ces hommages, comme ce n’est pas un hasard si elles étaient souvent présentes dans les nombreux rassemblements pacifistes le 11 novembre dernier, exigeant la réhabilitation collective des Fusillés pour l’exemple. Rappelons que le congrès extraordinaire des syndicats contre la guerre réuni les 24 et 25 novembre 1912 adopta un texte indiquant : « Si, par folie ou par calcul [notre] pays se lançait dans une aventure guerrière, au mépris de notre opposition et de nos avertissements, le devoir de tout travailleur est de ne pas répondre à l’ordre d’appel et de rejoindre son organisation de classe pour y mener la lutte contre ses seuls adversaires : les capitalistes ».
Le 27 juillet 1914 à l’appel du journal de la CGT « La bataille syndicaliste » une foule considérable manifestait sur les grands boulevards parisiens. S’en suivront plus de 150 manifestations dans toute la France. Le maximum de la mobilisation sera atteint à Paris fin juillet. Mais hélas, l’assassinat de Jean Jaurès le 31 juillet, la mobilisation générale décrétée le 1er Août stopperont net ce mouvement et l’union sacrée enverra alors à la boucherie des millions de prolétaires.
Après la guerre, des démarches sont entreprises pour la révision du procès des 4 de Flirey. Le 29 juin 1934, la Cour spéciale de justice militaire a annulé le jugement rendu le 19 avril 1915 par le conseil de guerre du 63ème RI et les 4 soldats fusillés de Flirey ont ainsi été réhabilités.
Mais sur la stèle de Baudy au cimetière de Royère de Vassivière on peut lire, l’hommage de ses camarades : « Syndicat des maçons et aides de Lyon et sa banlieue, à leur ami Baudy, fusillé innocent le 20 avril 1915 à Flirey. Maudite soit la guerre, maudits soient ses bourreaux, Baudy n’est pas un lâche, mais un martyr »
Rendons hommage et honneur à tous les Fusillés pour l‘exemple
Les 4 Fusillés pour l’exemple de Flirey, Félix Baudy, Jean-Henri Prébost, Antoine Morange et François Fontanaud font partie de la quarantaine de soldats qui ont été réhabilités entre 1920 et 1935. En quatre ans de guerre, 2 400 ’poilus’ auront été condamnés à mort et selon les calculs communiqués récemment par le Secrétariat d’Etat aux anciens combattants, 639 soldats ont été exécutés pour désobéissance militaire, les autres voyant leur peine commuée en travaux forcés.
Il est insupportable, 100 ans après ces tragiques évènements, que la République n’ait toujours pas rendu leur honneur à tous ces soldats tombés sous les balles françaises, morts par la France, ainsi qu’à leurs familles qui ont connu l’opprobre pendant des décennies et dont les descendants continuent à souffrir aujourd’hui..
Parce que le peuple souverain c’est la République en marche, parce que nous sommes aussi la République, au nom de l’Humanité, nous proclamerons que les 639 fusillés pour l’exemple sont réhabilités collectivement. Et pour leur rendre hommage ainsi qu’à tous ceux victimes de la guerre et de la barbarie militariste, la Fédération nationale de la Libre Pensée a pris l’initiative de faire ériger un monument qui sera situé quelque part sur la ligne du front de 1914-1918. Elle appelle tous ceux qui se reconnaissent dans cette démarche de justice à souscrire pour l’édification de ce monument [1].
Honneur aux Fusillés de Flirey,
Honneur à tous les Fusillés pour l’exemple, nous les réhabiliterons !
[1] Souscription pour l’érection de ce monument :
Chèque à l’ordre de : « A.E.M.H.F.E » Association pour l’érection d’un monument en hommage aux Fusillés pour l’exemple.
A envoyer à : Nicole Aurigny-AEMF-49 rue Quentin Barré 02100 Saint-Quentin