Depuis quelques temps déjà, le rayonnement accru de la Libre Pensée, son rôle pour la défense de la laïcité, son action juridique pour défendre la loi de Séparation des Eglises et de l’Etat, font que les religions s’adressent de nouveau à elle pour débattre des questions de laïcité, de la loi de 1905, de la liberté de conscience.
C’est ainsi que la Libre Pensée a participé à 5 débats dans les Universités avec les Groupes Bibliques Universitaires (protestants) à Lyon, Clermont-Ferrand et Grenoble. Ce mouvement engagé s’est poursuivi ailleurs.
La laïcité en débat à la BFM de Limoges jeudi 4 juin 2015
C’est devant un auditoire attentif et dans un auditorium archicomble avec des dizaines d’autres personnes n’ayant pu entrer et suivant les débats devant l’écran du hall d’accueil de la BFM que les responsables des différents cultes se sont exprimés jeudi 4 juin sur le thème de la laïcité au cours d’une table ronde organisée par la Fédération de Haute-Vienne de la Libre Pensée.
Souhaitant la bienvenue aux intervenants et à l’assistance, Jean-Louis Darnis, Président de la Libre Pensée 87 a rappelé que la laïcité, qui est le libre exercice de sa conscience, est garantie par la loi de Séparation des Églises et de l’État de 1905. Signalant que la laïcité était aujourd’hui menacée, entre autre, par ceux qui voulaient en faire un instrument contre une certaine catégorie de la population, les citoyens d’origine arabo-musulmane, il a indiqué d’autre part qu’il n’appartenait pas à l’Etat ni au gouvernement de s’ingérer dans l’organisation des cultes, ni de former les religieux et encore moins de délivrer des diplômes religieux rappelant en cela ce que disait Victor Hugo : « L’Etat chez lui, les Eglises chez elles ».
Après une communication introductive sur la loi de 1905 de Séparation des Eglises et de l’Etat par Jean Baubérot, historien, sociologue, Président d’honneur de l’École Pratique des Hautes Études, Geneviève Albert-Roulhac, vice-présidente de la LP87 et modératrice de cette table ronde, donna successivement la parole à Pierre-Jean Baranger, théologien protestant, Hassan Izzaoui, imam et recteur de la Grande Mosquée de Limoges et François Kalist, évêque de l’Eglise catholique de Limoges. En ne manquant pas de féliciter les initiateurs de la soirée d’avoir organisé de tels échanges, les uns et les autres planchèrent sur le thème de la soirée « laïcité, liberté de conscience, liberté d’exercice des cultes. » enrépondant à un ensemble de 8 questions que la Libre Pensée leur avait transmises quelques jours auparavant .
David Gozlan, Secrétaire général de la Fédération Nationale de la Libre Pensée revint quant à lui sur les âpres discussions ayant amené au vote de la loi de Séparation en 1905 et il donna toute l’actualité de ces combats aujourd’hui tout particulièrement à propos du Concordat toujours en vigueur en Alsace-Moselle, du statut d’exception en Guyane et de la loi Debré qui consacre, chaque année aujourd’hui en France, 10 milliards d’euros du budget à l’école confessionnelle à 95% catholique.
David Gozlan expliqua ensuite en quoi se réclamer de la laïcité exigeait la fin de ces statuts anti-laïques et l’abrogation de la loi Debré, exigences qui seront clamées haut et fort le 5 décembre prochain lors d’une grande manifestation nationale à Paris.
De nombreuses questions furent posées par le public à tous les intervenants qui se félicitèrent de la correction des échanges, ce qui n’empêcha nullement que s’expriment clairement au cours de cette soirée par la confrontation des points de vue, les différences et les divergences sur la conception de la laïcité et sa défense aujourd’hui
Une table ronde très instructive pour tous, telle que l’avait souhaitée la Libre Pensée.
Les 8 questions posées par la Libre Pensée
- Quelle différence faites-vous, si vous en faites une, entre liberté de conscience et liberté religieuse ?
- La laïcité, c’est d’abord et avant tout, la Séparation des Eglises et de l’Etat qui organise la Séparation entre la sphère publique et la sphère privée. Que pensez-vous de cette affirmation ?
- Si vous êtes favorables à la Séparation des Eglises et de l’Etat qui garantit l’indépendance de chacune des parties en présence, que pensez-vous des financements publics directs ou indirects des cultes qui sont une violation du principe de Séparation ?
- De même, que pensez-vous de la volonté réitérée des différents gouvernements d’organiser le culte musulman ? N’est-ce pas aux religions de s’organiser par elle-même au nom du principe même de la Séparation ?
- Considérez-vous que la part des libertés démocratiques individuelles diminue en ce moment dans notre pays ?
- Un Elu de la République peut-il, dans l’exercice de son mandat public, faire connaître son appartenance religieuse par des signes ostensibles et ostentatoires ?
- Comment analyser-vous les statuts d’exception d’Alsace-Moselle et dans certains TOM (Guyane et Wallis et Futuna, par exemple) ? Faut-il les supprimer, les maintenir, les élargir à d’autres territoires de la République ?
- La liberté de conscience, c’est aussi la liberté de recherche. Les religions ont toujours voulu cantonner la science à l’explication du Comment en leur refusant la recherche duPourquoi. Qu’en pensez-vous ?
Débat à Cournon (Puy-de-Dôme) le 28 mai 2015
Le jeudi 28 mai, dans la salle Louise Michel, la section du Parti communiste – Front de Gauche de Cournon d’Auvergne (63) – a organisé une réunion – débat sur la laïcité à laquelle la Fédération départementale de la Libre Pensée avait été conviée au côté de représentants de divers cultes et ceux de deux autres organisations laïques. Chacun d’eux avaient reçu avec l’invitation 3 questions auxquelles ils avaient 10 minutes pour « répondre » : « Qu’est-ce que la laïcité ? En quoi la laïcité permet-elle le vivre-ensemble aujourd’hui ? Comment pratiquer la laïcité ? »
Etaient présents, par ordre d’intervention :
- Jacques Marche, Président de la Libre Pensée du Puy de Dôme
- Éric Leguehennec, pasteur de Clermont-Ferrand
- Jean-Claude Montagne, membre du Comité départemental d’action laïque
- Ahmiedi El Hadj, Président de l’association musulmane Culture et Ouverture
- M. Begon, Délégué départemental de l’Education nationale
- Michel Dissard, curé de Cournon
Une centaine de personnes étaient présentes dans la salle et le nombre d’interventions et de questions a montré l’intérêt des citoyens pour la question laïque. Il est à noter la présence de nombreux militants laïques et aussi de jeunes musulmans.
Les premières interventions ont laissé apparaître un consensus sur ce qu’était la laïcité et en particulier la loi de 1905. Cependant, les interventions suivantes (chacun leur tour les orateurs répondaient aux interventions de la salle, mais dans un temps limité) ont laissé apparaître des nuances, mais aussi des prises de positions parfois intéressantes.
Le représentant du culte musulman est un professeur de physique-chimie de l’Enseignement public a eu un discours très correcte. Le représentant des DDEN a fait une première très bonne intervention et, dans le débat, a apporté un soutien appuyé à la Libre Pensée sur la question des crèches religieuses.
Le curé, en vieil habitué de ces joutes oratoires, a assuré le spectacle (rires et applaudissements) ; Cependant, les interventions suivantes (chacun leur tour les orateurs répondaient aux interventions de la salle mais dans un temps limité, ce qui est un des inconvénients de ce genre de réunion) ont laissé apparaître des nuances mais aussi des prises de positions parfois intéressantes pour les laïques que nous sommes, puisque même le curé s’est dit « anticlérical » et, pour le confirmer, il a reproché à l’évêque de Guyane son opposition au président du Conseil général de ce département, car lui, il considère que les prêtres n’ont pas à être payés par l’Etat !
Cependant, il a exprimé une position défendue par l’archevêque de Clermont-Ferrand qui s’exprimait ainsi il y a peu dans la presse locale : « On dit que les convictions religieuses sont une affaire privée. Mais le propre des convictions, c’est d’inspirer des choix et des actions publiques. »
Là est posée la définition de la « sphère du public » qui n’est pas « l’espace public ». Cette question qui, même si elle a pris des aspects différents, a d’ailleurs été au centre du débat, puisqu’elle a été abordée plusieurs fois dans la soirée dans les interventions venues de la salle. Ce qui montre la nécessité impérieuse, et à toutes occasions, de rappeler les grands principes qui animent la loi de Séparation des Églises et de l’Etat de 1905.
En conclusion du débat, le représentant de la Libre Pensée a rappelé la tenue de la manifestation du 5 décembre pour la défense de la loi de 1905 et l’abrogation de la loi Debré.
Puis le pot offert par les organisateurs à la fin de la réunion a permis de continuer le débat avec des militants laïques, des citoyens mais aussi des élus cournonnais.
A Bordeaux, le 13 mai 2015 Laïcité et République
La Fédération de la Gironde a été invitée par l’association Cap de Vie à participer à une Conférence débat publique « Laïcité et République », le 13 mai, à l’Athénée municipal de Bordeaux. A la tribune étaient présents (de gauche à droite sur la photo) le rabbin E. Valency, le dominicain S. Perdrix, un représentant de la mairie de Bordeaux, Christophe Miqueu, professeur de philosophie, formateur à l’ESPE, Tarek Obrou, Recteur de la mosquée de Bordeaux, Christian Baqué, Président de la Fédération de la Gironde de la Libre Pensée, etJean Petaux, politologue, professeur à Sciences Po Bordeaux, qui animait le débat.
Un débat qui a permis à la Libre Pensée de rappeler quelques fondamentaux concernant la loi de 1905 et ses principes, une loi de paix civile, une loi de liberté de croire ou de ne pas croire. La liberté, c’est toujours pour nous la liberté de celui qui pense autrement. Nous sommes donc intervenus sur chaque question, sur la protection de la liberté de conscience, y compris dans l’espace public, les crèches dans les locaux de la République, laquelle n’est ni juive, ni chrétienne, ni musulmane, ainsi que sur le financement des cultes et le Concordat, le financement de la construction des lieux de culte, la loi Debré…
Les représentants des religions ont tous affirmé leur accord avec la loi de 1905, le dominicain parlant « d’acquis de la civilisation », l’imam se félicitant de la neutralité de la République et considérant que « la laïcité est « sociétale » et « donc n’est pas une catégorie à part, couvrant toute la société », le rabbin expliquant que « la Torah respecte la loi du pays ».
Un accroc à cette belle unanimité
Lorsque la Libre Pensée a expliqué sa position sur le non-financement public de la construction de lieux de cultes, mosquées ou autres, financement qui relève du culte concerné et de ses fidèles, nous avons été approuvés par l’imam de la mosquée de Bordeaux, qui a affirmé (au nom de sa liberté de son culte) ne pas demander de financement public pour son projet de mosquée. « Je parcourrai la planète pour trouver les 18 millions dont j’ai besoin, a-t-il affirmé, mais ce sera dans la transparence sur l’origine des fonds. Et si l’on m’impose des conditions, je n’accepterai pas l’argent. »
À contrario le représentant de M. Juppé (Maire de Bordeaux) penchait plutôt pour donner aux cultes, en particulier au culte musulman, « les moyens de leur liberté », argument repris par le dominicain. L’adjoint au Maire de Bordeaux s’interrogeait dans la foulée sur la nécessité de former des imams. Ce qui nous a permis de rappeler que la loi de 1905 n’était pas liberticide, bien au contraire, mais que cette liberté des cultes n’ouvrait pas un droit au financement, que cela n’avait rien de comparable avec le droit à la santé ou le droit à l’instruction. État et collectivités locales n’ont rien à financer dans cette affaire, même au prétexte de « contrôler » la liberté religieuse !
La parole a ensuite été donnée au public, mais la place manque pour traiter toutes les questions d’un débat de deux heures.
Une invitation significative de la nouvelle place que prend aujourd’hui de notre association. La Libre Pensée est redevenue une référence incontournable dans le débat sur la laïcité.
Compte-rendu fait par Jean-Paul Gady, Jacques Marche et Christian Baqué