La FERC CGT tient à adresser un salut fraternel et chaleureux à tous les congressistes de la LP. Nos meilleurs voeux de succès pour vos travaux.
(Rappel meeting LP Loi Debré en présence de Marc Blondel. Bref Hommage).
Un congrès de la Libre Pensée est toujours un temps fort pour tous les militants engagés dans la défense et la promotion de la laïcité. La FERC CGT, de par son champ de syndicalisation (préciser), s’est souvent trouvée au coeur de ces combats aux côtés de la LP : contre la loi Debré et ses succédanés qui instituent la parité entre écoles privées et écoles publiques en matière de financements publics, contre les accords signés en décembre 2008 entre le ministère des Affaires étrangères et le secrétariat d’Etat du Vatican (accord Kouchner-Vatican reconduit en 2012 par François Hollande) qui imposent la tutelle de la papauté sur les instituts catholiques. La République française reconnait désormais les diplômes délivrés par ces instituts religieux, y compris dans les matières profanes. Ce décret abroge la loi de 1879 excluant les établissements confessionnels de l’université et marque la fin du monopole de celle-ci sur la délivrance des diplômes nationaux. La loi LRU intègre ces instituts catholiques ainsi qu’une cinquantaine d’écoles supérieures privées financés par l’Etat. Nos camarades du SNEIP (FERC CGT) qui rassemble les salariés de l’enseignement initial privé sous contrat, dans la logique de leur revendication d’un grand service public unifié, sont intervenus à plusieurs reprises contre la mainmise des instituts catholiques sur la formation des maîtres.
Et on n’oubliera pas qu’avec la loi LRU-Fioraso de 2013, on retrouve au sein des Communautés d’universités et d’établissements (ComUE) qui sont des EPSCP, c’est-à-dire des universités, des établissements publics et des établissements privés comme les instituts catholiques par exemple.
En février 2015, le premier ministre E. Valls annonce qu’une formation universitaire va être étendue dans toute la France pour compléter la formation des imams et des aumôniers. Le diplôme civil et civique existe déjà dans plusieurs villes de France, dont Montpellier. Le recteur de la grande mosquée de la Paillade donne des cours depuis la rentrée à la faculté de droit de Montpellier. La formation est ouverte aux étudiants, aux aumôniers, aux imams et aux responsables d’associations religieuses. Un diplôme universitaire « religions et sociétés » va même être créé. Une douzaine d’universités devraient le proposer d’ici la fin de l’année comme l’université de Bordeaux qui dispensera dès septembre prochain un diplôme « religions et sociétés ».
Quand ce gouvernement propose que l’université forme les imams et délivre des diplômes religieux, il viole délibérément la loi de 1905. L’Etat n’a pas à s’ingérer dans la gestion des cultes et à former les religieux. Ce n’est pas à la République d’assurer la formation des prêtres dans les séminaires, pas plus que celle des pasteurs, imams ou rabbins.
Depuis les sinistres journées de début janvier 2015, une dérive dangereuse qui tend à cibler les individus sur leur apparence physique afin de les stigmatiser revient en force avec récurrence dans les médias et dans le discours de certains courants politiques. Elle doit être appréciée à la lumière du dispositif « anti-terroriste » porté aujourd’hui par le gouvernement lequel consiste à faire croire que des islamistes armés se dissimulent derrière chaque coin de rue. Je n’oublie pas, bien sûr, au passage, la loi liberticide sur le renseignement et autres manifestations de « patriot act » made in France.
Ce qui s’imposait à l’État, aux institutions et aux organismes publics se transforme progressivement en une règle à laquelle tous les particuliers doivent se soumettre. Ainsi, il ne reviendrait plus désormais à l’État d’être laïque, mais aux individus. Une conception de la laïcité qui prétend régenter le comportement des individus et qui est utilisée pour stigmatiser une partie de la population à travers l’apparence physique de ses membres.
Il est urgent ici de rappeler à ce propos les grands principes de la démocratie, de la République et de la laïcité :
« La laïcité ne sépare pas l’homme de la religion, elle sépare l’Etat de la religion ! » écrit très justement notre camarade Philippe Onfroy, dans Trait D’Union, bulletin CGT de l’enseignement privé, daté de mars 2015. Ce n’est donc pas sur les individus que doit reposer la laïcité mais sur l’Etat et ses institutions. La dérive dangereuse qui consiste à marquer les individus sur leur apparence vestimentaire ou physique afin de les stigmatiser, conduit à déresponsabiliser l’Etat par rapport à sa mission de faire respecter la laïcité, notamment en veillant à ce que ses représentations maintiennent avec vigilance la séparation avec toutes les Eglises. C’est particulièrement manifeste dans le cas de l’enseignement supérieur et de la recherche où l’on s’apprête à faire la chasse aux étudiantes voilées (voir deux affaires récentes : l’ESPE de Créteil et l’université de Paris 13) alors que l’Etat, le ministère, les présidents d’universités bafouent ouvertement et régulièrement les principes de la loi de 1905.
A cela est venu s’ajouter en mai à l’éducation nationale la chasse aux collégiennes et lycéennes à jupes ou manches longues, autre expression menaçante, selon certains, « du prosélytisme islamiste » ! Dans le même temps, à Alger, une étudiante se voyait refuser l’accès à la faculté de droit pour passer son examen de CAPA au prétexte qu’elle portait une robe jugée trop courte ! Cherchez l’erreur!
Rappel des fondamentaux de la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat
Article 1 La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public.
Article 2 La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte…
En 1905, la loi doublait donc la séparation de l’Etat vis-à-vis des Eglises, à laquelle elle procédait, par la consécration de la liberté de conscience et d’expression, y compris religieuses. La République assure la liberté de conscience et garantit la libre expression des convictions de chacun. La République garantit l’égalité en droits des citoyens. Personne ne peut être privilégié ou discriminé en fonction de ses appartenances politiques, philosophiques ou religieuses : « La loi protège la foi aussi longtemps que la foi ne vient pas dicter la loi ».
Dix-sept ans avant 1905, Léon Gambetta anticipait déjà sur l’esprit de la futures loi de séparation, dans un discours à Romans en 1878 : « Non, nous ne sommes pas les ennemis de la religion, d’aucune religion. Nous sommes, au contraire, les serviteurs de la liberté de conscience, respectueux de toutes les opinions religieuses et philosophiques. Je ne reconnais à personne le droit de choisir, au nom de l’Etat, entre un culte et un autre culte, entre deux formules sur l’origine des mondes ou la fin des êtres. Je ne reconnais à personne le droit de me faire ma philosophie ou mon idolâtrie : l’une ou l’autre ne relève que de ma raison ou de ma conscience ; j’ai le droit de me servir de ma raison et d’en faire un flambeau pour me guider après des siècles d’ignorance ou de me laisser bercer par les mythes des religions enfantines. »
Quels sont les véritables dessous du voile islamique à l’Université? Les universités ont conquis de hautes luttes au cours des siècles leur indépendance contre les ingérences du pouvoir et du clergé. Enseignants et étudiants ont conquis les franchises universitaires qui font des universités publiques des lieux de savoir et de liberté dans la recherche.
Ce sont ces franchises universitaires qui interdisent l’entrée des forces de police dans les facultés. Celles-ci ne peuvent pénétrer dans les facultés qu’à la demande expresse des responsables de l’Université. Les questions de discipline et d’interdits sont réglées par la franchise juridictionnelle interne aux universités qui organise la légalité du pouvoir disciplinaire. Interdire le port de vêtements religieux, ou autres, au sein des universités, c’est remettre en cause une liberté démocratique pluri-centenaire. Ce serait une atteinte caractérisée aux libertés universitaires. C’est la porte ouverte pour l’entrée des forces de police dans les campus pour « contrôler l’application des lois ». Sous le masque (ou le voile !) d’une certaine conception de la laïcité, le véritable objectif est de mettre fin aux franchises universitaires qui sont garantes des libertés démocratiques.
Notons au passage que les présidents d’université n’hésitent plus depuis déjà de trop nombreuses années à faire entrer sur leurs campus les forces de police pour réprimer et évacuer les étudiants et les personnels qui contestent pied à pied la politique d’austérité que ces présidents mènent et les orientations destructrices qu’ils défendent. Ces mêmes présidents n’hésitent pas non plus à déserter leurs campus pour réunir à plusieurs kilomètres de leurs sièges sociaux, sous la protection de plusieurs rangs de CRS, des conseils d’administration « bunkérisés » mis ainsi à l’abri de toute intrusion « perturbatrice » des personnels désireux de faire entendre leurs voix.
Légiférer ou contraindre les établissements sur le port de vêtements à caractère religieux constitueraient donc une ingérence extérieure remettant gravement en cause les franchises universitaires. C’est une instrumentalisation grossière de la question de la laïcité destinée à mettre un terme à cette réelle « autonomie » de la communauté universitaire dans son ensemble.
Ce ne sont donc pas les tenues vestimentaires de tel ou telle qui mettent en danger la laïcité de l’enseignement supérieur et de la recherche mais bien les décisions de l’État lui-même qui transgressent la loi de 1905 comme on l’a vu précédemment.
Le Code du travail et l’expression syndicale en entreprise :
Cibles d’une conception de la « laïcité » ?
Nous sommes également extrêmement méfiants envers toute extension de la laïcité au sein des entreprises, ce qui, selon nous, ne manquerait pas d’être un alibi pour des patrons servant à limiter les droits syndicaux, en particulier la liberté d’expression syndicale. Ce droit d’expression syndicale est déjà très dur à mettre en place en pratique, et constamment remis en cause
L’expérience de la charte « laïcité en entreprise » mise en place à PAPREC Group (spécialiste du recyclage et de la valorisation des déchets de l’industrie et des collectivités) énonce:
« 1/ La laïcité en entreprise assure aux salariés un référentiel commun et partagé, favorisant la cohésion d’entreprise, le respect de toutes les diversités et le vivre ensemble. » et « 5/ La laïcité en entreprise implique que les collaborateurs ont un devoir de neutralité : ils ne doivent pas manifester leurs convictions politiques ou religieuses dans l’exercice de leur travail. » Ce « vivre ensemble », cette « cohésion d’entreprise », ce « devoir de neutralité » nous semblent très lourds de menaces pour le libre exercice des droits syndicaux. Rappelons que l’entreprise relève de la sphère privée, et non de la sphère publique.
A noter le même glissement dangereux autour de la « neutralité » pour la FP dans la future loi déontologie des fonctionnaires qui doit être examinée à l’automne prochain.
Face à ces tentatives de détournement, de dévoiement de la nécessaire défense de la laïcité, nous devons lutter plus que jamais pour la fraternité de la République sociale et laïque. Oui, plus que jamais, la laïcité est un combat, notamment contre les stratégies concertées du chaos social, lesquelles, outre les remises en causes de tous les acquis sociaux, visent également à diviser les travailleurs en les opposant les uns aux autres! Balkanisation de la société civile et délitement du tissu social (France, Grèce, Moyen-Orient, Afrique, etc.).
La laïcité est une conquête des forces démocratiques et l’une des conditions de l’émancipation sociale comme de l’émancipation culturelle. Cette émancipation, écrivait Jaurès, suppose « l’association intime des forces du travail et du savoir. »
Pour la FERC CGT, la laïcité se conjugue avec le combat social des travailleurs, elle constitue un levier pour leur émancipation du joug du capital.
La FERC CGT, aux côtés de la LP, exige:
• L’abrogation de la loi n°59-1557 (loi Debré) du 31 décembre 1959 sur les rapports entre l’Etat et les établissements d’enseignement privés
• l’abrogation du décret n° 2009-427 du 16 avril 2009 portant publication de l’accord entre la République française et le Saint-Siège sur la reconnaissance des grades et diplômes dans l’enseignement supérieur,
• le respect intégral des franchises universitaires
• le retour au monopole de l’université républicaine de la collation des grades,
• l’arrêt immédiat de la mise en place des ComUE instaurées par la loi ESR de 2013,
• la suppression du diplôme universitaire « religions et sociétés ».