Meeting du 5 décembre 2015 : Intervention de Jean-Luc Romero, Président de l’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité

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Cher Président,

Cher Jean-Sébastien,

Ce n’est pas sans émotion que je suis dans cette salle. Je te remercie d’avoir fait tout à l’heure cette minute de silence. Je pense que vous le savez tous, même ceux qui viennent de loin, vous êtes dans le 11ème arrondissement. Un arrondissement qui a payé un très lourd tribut le 13 novembre dernier. Je suis élu du 12ème arrondissement juste à côté. Ce sont des endroits que, comme certains d’entre vous, je fréquente souvent. Il est difficile aujourd’hui pour nous Parisiens, pour nous élus parisiens, de ne pas avoir une émotion incroyable.

Je trouve que le fait que cette manifestation de la Libre Pensée, pour les 110 ans de la loi sur la laïcité, ait lieu aujourd’hui dans ce 11ème arrondissement, au cœur de ces tragiques et sanguinaires attentats est quelque chose de fort et d’important et peut-être une réponse à ces lâches assassins qui sont venus ici tuer des jeunes hommes, des jeunes femmes qui ne voulaient que vivre et continuer à vivre comme nous le faisons dans ce pays. Continuer à faire la fête, à boire de l’alcool, à s’aimer, à aller à des concerts. Eh oui la musique est quelque chose d’important n’en déplaise à ces fous furieux.

Donc merci. Et évidemment des pensées encore et toujours pour toutes ces victimes et pour tous ceux, parce que l’on en parle pas très souvent, qui continuent à vivre dans des conditions terribles. Un certain nombre sont aujourd’hui handicapés et il faut aussi penser à eux.

Je suis heureux d’être là au nom de l’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité et de pouvoir venir vous assurer que ce combat est évidemment totalement inscrit dans la laïcité. D’ailleurs, notre association, c’est une heureuse coïncidence, il y a quelques semaines, a changé ses statuts et a inscrit la laïcité dans nos statuts. Je crois qu’il était important qu’on le fasse. Il était important que cette association qui est bien sûr, depuis 35 ans, toujours à vos côtés et qui s’est toujours inscrite dans votre mouvement, ait dans ses statuts le fait que nous sommes une association laïque. Et c’est important de le rappeler dans ces moments particulièrement troublés.

Merci Jean-Sébastien de nous avoir invités. Merci aussi à David votre Secrétaire Général. Je suis aussi très heureux de me retrouver à côté de mon ami Philippe Guglielmi avec qui je partage depuis si longtemps le combat et j’ai bien sûr une pensée, comme vous tous, pour Marc Blondel. Marc Blondel était évidemment un leader charismatique de la Libre Pensée, mais c’était aussi un soutien très fort pour l’ADMD. Je ne vous cache pas que sa perte était évidemment terrible pour vous, mais elle est aussi terrible pour nous à l’ADMD. En pensant à lui, et je sais qu’ici il y a énormément de délégués de l’ADMD, de membres de l’ADMD – je salue aussi le Secrétaire général Christophe Michel ici présent – je pense aussi à Nicole Boucheton qui était notre vice-présidente, qui l’année dernière a dû s’exiler de notre pays pour mourir dans la dignité en Suisse. Elle était une fidèle de votre association et je sais qu’elle serait très heureuse que cette année l’ADMD soit à vos côtés.

Notre combat est un combat qui s’inscrit dans la laïcité. Et pourtant qu’a fait le gouvernement actuel, comme les précédents ? Il a nommé Monsieur Jean Leonetti pour s’occuper de la question de la fin de vie. Monsieur Jean Leonetti qui est devenu le « monsieur fin de vie » des gouvernements de droite et de gauche. Je voudrai simplement vous rappeler, parce qu’on l’a oublié, qui il est.

Monsieur Leonetti c’est ce député qui a fait voter les lois de bioéthique. Peut-être que certains d’entre vous s’en rappellent, à ce moment-là un certain nombre de scientifiques, un certain nombre de grands professeurs de médecine – je pense notamment à Axel Khan, qui pourtant ne partage pas notre combat pour le droit de mourir dans la dignité – s’offusquaient de voir que dans cette loi tous les amendements qui étaient acceptés étaient ceux qui venaient de l’Eglise catholique. A ce moment-là, heureusement, la gauche a un peu réagi, mais malheureusement ce texte a été adopté dans une indifférence générale.

Monsieur Leonetti c’est celui qui a empêché, à l’époque de Sarkozy, qu’il y ait un statut du beau-parent. C’est bien sûr celui qui c’est toujours battu contre le mariage pour tous. Et c’est bien sûr celui qui récemment voulait mettre – on peut penser ce que l’on veut de la GPA – des parents qui ont des enfants issues de GPA en prison. Il a déposé des amendements pour cela. C’est-à-dire que c’est celui qui en fait reprend toujours les amendements que dépose l’Eglise catholique !  Il faut quand même le savoir et il faut quand même le dire !

Et c’est lui qui s’occupe de la fin de vie en France ! Alors vous imaginez que le texte qui est en discussion actuellement à l’Assemblée Nationale, est évidemment un texte qui ne répond pas du tout aux principes que nous défendons et qui est loin de s’inscrire dans la laïcité comme nous pouvons le souhaiter.

On n’en parle pas souvent, mais à côté de l’Assemblée Nationale, il y a la basilique Sainte Clothilde. Dans cette basilique il y a un curé avec des services qui sont à la disposition des Elus. Que ceux qui croient aillent à la messe pourquoi pas, la laïcité c’est aussi reconnaitre la liberté du culte. Mais ils ont fait beaucoup plus ! Depuis quelques années ce service a organisé un certain nombre de députés et sénateurs qui régulièrement viennent chercher leurs amendements et propositions de lois ! Avant c’était Christine Boutin qui était évidemment leur principal relais, aujourd’hui c’est un monsieur dont vous avez dû entendre parler qui s’appelle monsieur Poisson, qui est l’ancien suppléant de Madame Boutin. Quand il y a à l’Assemblée Nationale des débats sur la famille, sur la bioéthique, sur les questions liées à l’homosexualité et bien sûr à la fin de vie et bien ces députés sont toujours présents et même parfois les seuls à être là.

Lors de la deuxième lecture du projet de loi sur la fin de vie, vous aviez dans le Groupe « Les Républicains » tous les membres de cette « fraternelle religieuse » ! Il ne faut pas s’étonner que nous n’arrivions pas aujourd’hui à avoir une loi puisque ces parlementaires très religieux associés aux mandarins parlementaires qui ne veulent surtout pas que chacun d’entre nous décidions ce que nous souhaitons en fin de vie, réussissent à nous faire encore une loi qui ne correspond pas à ce que l’on attend, à ce que plus de 90% des Français attendent.

Qu’est-ce qu’attend l’ADMD ? Qu’est-ce qu’attendent les gens qui s’inscrivent dans la République ? C’est une loi pour tout le monde.

Je suis le Président de l’ADMD. Ici il y a de très nombreux adhérents de l’ADMD. Mais, nous ne voulons pas une loi que pour l’ADMD ! Nous voulons une loi républicaine, une loi laïque pour toutes et pour tous et bien sûr cette loi doit s’inscrire dans nos principes fondamentaux dans notre devise : Liberté, Egalité, Fraternité.

Liberté de celles et ceux qui veulent mourir le plus tard possible.

Liberté de conscience des médecins qui ne veulent pas nous accompagner.

Liberté enfin de celles et celles qui n’en peuvent plus car il n’y a as de principe supérieur dans une République laïque qui vous oblige à mourir dans la souffrance.

Egalité, car si 100% d’entre nous allons mourir, si vous avez de l’argent ou des connaissances vous pourrez partir comme vous voulez, sans souffrance !

Fraternité et solidarité, car on ne peut soulager toutes les douleurs physiques ni les souffrances psychiques !

Et c’est bien pour cela que ce combat s’inscrit dans ce grand mouvement que la Libre Pensée porte depuis longtemps.

Notre revendication est une revendication laïque et républicaine. Dans ce débat sur la fin de vie les seuls arguments que nous entendons sont des arguments religieux. Bien évidemment dans notre pays chacun a le droit de porter ses convictions et de défendre ses arguments, mais ils n’ont pas à s’imposer à chacune et à chacun d’entre nous. La religion c’est une affaire privée, ce n’est pas une affaire publique !!

Dans les années 70, les femmes revendiquant l’IVG disait fièrement : « mon corps m’appartient ! »

En 2015, nous affirmons : n’en déplaise aux extrémistes religieux : Ma mort m’appartient !