Loi El Khomri : Quand la droite sénatoriale réintroduit un article inspiré par Manuel Valls

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Nouvel avatar de la loi El Khomri, le Sénat à majorité de droite, a réintroduit une disposition initiale sur l’extension de la « laïcité » dans les entreprises privées, avec l’accord du gouvernement. L’amendement suivant a été adopté : « Le nouvel article du Code du travail est ainsi rédigé : ‘’Art. L. 1321-2… Le règlement intérieur peut, par accord d’entreprise, contenir des dispositions inscrivant le principe de neutralité et restreignant la manifestation des convictions des salariés si ces restrictions sont justifiées par l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise et si elles sont proportionnées au but recherché.’’ »

Une mesure liberticide

Rappelons que la laïcité (neutralité des fonctionnaires et des agents du service public) est une disposition qui ne peut s’appliquer qu’à ceux des salariés qui, mettant en œuvre une mission de service public, sont en charge de l’intérêt général. Il est donc logique que ces agents puissent être privés temporairement d’une partie de leurs droits de citoyens (liberté d‘opinion et d’expression) le temps  et dans le cadre de leurs missions de service public. En dehors de cela, ils recouvrent la plénitude de leurs droits de citoyens.
Mais pour le reste des salariés du privé, la loi indique expressément qu’ils peuvent manifester leurs opinions, en vertu d’un droit fondamental qui date de 1789, formulé par l’Article 10 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen qui stipule : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi. »
L’amendement laïcide voté tend à interdire toute expression d’une conviction (religieuse, syndicale, politique ou autre) pour « le bon fonctionnement de l’entreprise ». En clair, le salarié n’est plus un citoyen quand il rentre dans l’entreprise.

Le travailleur doit rester un citoyen en toute circonstance

« Vous forgez  une chaîne et vous l’appelez liberté « disait Victor Hugo à propos de la loi Falloux en 1850. Si le travailleur dans l’entreprise privée est privé de l’expression de ses convictions, selon le bon vouloir du patronat qui est seul à pouvoir déterminer ce qu’est le bon fonctionnement de l’entreprise puisqu’elle lui appartient, alors il est un « mineur social et civique ». Il appartient « corps et âme » à son patron, comme au XIXe siècle. La loi El Khomri, c’est la réaction sur toute la ligne.
Rappelons que, jusqu’à présent, la loi a bordé les restrictions éventuelles à l’expression des convictions des salariés, notamment pour des raisons d’hygiène, de sécurité et de commerce. Par cet amendement, le champ d’interdiction pourra être étendu à l’infini, vu le caractère immensément vague des raisons pouvant y conduire.

C’est un amendement d’enfermement communautariste

La conception qui prévaut par cet amendement à la loi El Khomri ne pourra conduire qu’à la constitution « d’entreprises de tendance », c’est-à-dire à l’enfermement communautariste, car cela deviendra le seul moyen de pouvoir exercer ses convictions.. Chacun voudra vivre comme le prescrit sa religion, sa conviction, etc… C’est le modèle de la pilarisation des Pays-Bas et de la Belgique qui s‘appliquera dès lors en France.
La laïcité sera ramenée, comme en Belgique, à une « conviction » et non à un système institutionnel de Séparation des Eglises et de l’Etat. La laïcité, selon l’expression de l’excellente formule, n’est pas une opinion, mais la possibilité d’en avoir une, donc de l’exprimer.
La loi El Khomri est une machine de guerre contre les acquis des salariés, contre le Code du Travail, contre la démocratie, contre la laïcité.

Une seule solution :

Retrait de la loi El Khomri, ni amendable, ni négociable !

Paris, le 24 juin 2016