Résolution « jeunes »

Le mouvement social que nous connaissons actuellement contre la loi El Khomri est lourd de signification, comme l’analyse la Résolution générale de ce Congrès national. Un des aspects marquants aura été la mobilisation de la jeunesse et de ses organisations au côté du mouvement ouvrier syndical, du début jusqu’à maintenant, de ce combat acharné pour maintenir les droits et acquis contenus dans le Code du travail.

La revendication entendue dans ce mouvement : « Un vrai diplôme, un vrai travail, une vraie qualification pour les jeunes » et donc un vrai salaire, transcription dans le milieu de la jeunesse de la défense du Code du travail, produit du rapport de force entre les classes sociales. Toutes les manœuvres et tentatives pour dissocier la jeunesse de la classe ouvrière ont fait long feu et se sont brisées sur la réalité des rapports sociaux et politiques dans le pays. C’est un fait majeur de la situation qui est porteur d’avenir.

Les tentatives corporatistes, à travers l’Histoire, ont toujours voulu couper la jeunesse du monde du travail, pour tenter d’en faire une communauté à part, voire antagoniste et/ou concurrente à celle des travailleurs adultes. Cela faisait aussi partie de la tentative d’atomiser la classe ouvrière en différentes catégories. L’union maintenue entre les organisations de jeunesse et le mouvement syndical est aussi un échec majeur de la tentative corporatiste et totalitaire.

L’interview des responsables de l’UNEF par la Libre Pensée peut être un élément notable pour le développement du rayonnement de la Libre Pensée. Le Congrès national invite la CAN à prendre les initiatives nécessaires pour amplifier ce rapprochement qui pourrait déboucher sur une coopération accrue en matière de défense des sciences, de l’Histoire (notamment à travers l’IRELP) et de la laïcité (Franchises universitaires, par exemple) ; ceci également avec les organisations lycéennes.

Là aussi, le terreau naturel du développement de la Libre Pensée peut se reconstituer.

Le Congrès national de la Libre Pensée de Bourg-lès-Valence soumet à la libre discussion des jeunes son point de vue précisé ci-dessous.

 

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A bas l’ordre moral ! Soyons libres !

« Sois jeune, et tais-toi »

La liberté existe-t-elle pour la jeunesse ? Liberté d’être jeune ou continuel suspect : fichages, récurrences des contrôles d’identité, traçabilités sur les réseaux sociaux. Récemment, M. Cazeneuve a affirmé que les contrôles d’identité au faciès étaient un phénomène « tout à fait marginal ».

Or « Il est ainsi avéré que le nombre de contrôles d’identité n’a cessé de s’accroître en France au fil des années, faisant de l’Hexagone l’un des pays européens y ayant le plus largement recours. Selon un sondage réalisé par OpinionWay et publié en mai 2014, 10 % de la population française, âgée de 18 ans ou plus, déclarent avoir été contrôlés au moins une fois lors des douze derniers mois, soit plus de 5,3 millions d’habitants. D’après les enquêtes disponibles, un pourcentage encore plus élevé de mineurs est régulièrement contrôlé. Ainsi, en 2008, une étude de l’Observatoire français des drogues et toxicomanies (OFDT), portant sur un échantillon de 50 000 jeunes, affirmait que 28 % des jeunes de 17-18 ans avaient été contrôlés au cours des 12 mois précédents, soit 38 % des garçons et 16 % des filles interrogés. Parmi les contrôlés, 31 % l’avaient été plus de trois fois dans l’année. » (Huffigton Post) De suspect à coupable, il n’y a qu’un pas. Il est franchi et cela pèse sur chaque jeune. Les préjugés ne peuvent construire notre quotidien, notre relation à autrui.

La précarité à vie ?

A l’entrée dans la vie active, il faut avoir fait ses preuves avant même d’être confronté aux réalités professionnelles. Les gouvernements ont, depuis plus de 30 ans, tout tenté en matière de précarité. Aujourd’hui, c’est par le développement du Service civique qu’il faudrait se soumettre à un marché du travail de plus en plus déréglementé. Dans le journal le Monde, on peut lire : « Les compétences, connaissances et aptitudes acquises par un engagement dans une activité bénévole, dans une mission de service civique ou dans la réserve opérationnelle de la défense donneront automatiquement lieu à l’attribution de quelques crédits d’enseignement – 60 crédits équivalent à une année universitaire ». La jeunesse n’aurait d’autres choix pour valider ses examens universitaires que de servir dans un « Service du Travail Obligatoire » qui ne dit pas son nom. Qui validerait ? Un supérieur ? Un patron ? Un tuteur qui jugerait au degré d’obéissance ? Taillables et corvéables à merci, les jeunes seraient les esclaves des dirigeants du CAC40 et de leurs affidés. Travail, logement, il n’y a pas de choix ou même d’option, c’est le cul-de-sac assuré. Selon une étude de l’Agefa PME de juin 2016, malgré leur motivation et leurs expériences, les jeunes mettent en moyenne 6 mois avant de décrocher un emploi après la fin de leurs études. Sans reconnaissance sociale, il ne peut y avoir de liberté de pensée.

De plus, comme l’ensemble des salariés, les jeunes sont confrontés à la réforme de la formation professionnelle, dont le but ne sera plus de faciliter par l’acquisition de qualifications leur insertion professionnelle, mais d’encadrer le chômage de masse pour la « formation professionnelle tout au long de la vie ». Les jeunes sont en première ligne des contrats précaires, à commencer par les CCD et CDI intermittents, et demain, avec le compte personnel d’activité.  C’est pour toutes ces raisons, que pendant 5 mois, les jeunes se sont mobilisés contre la « Loi Travail », refusant un avenir d’indigence.

Ce n’est pas un hasard si depuis quelques années, les franchises universitaires sont attaquées. Ces franchises, permettant à l’université d’être l’agora de toutes les idées, de permettre aux différents points de vue de s’exprimer, sont remises en cause par l’instrumentalisation du voile musulman. Elles ont permis de pacifier les débats au sein de l’université depuis des siècles, elles ont permis à la controverse de pouvoir remettre en cause la pensée unique, et on voudrait détruire cela. Il ne s’agit pas de la simple affirmation de nouvelles xénophobies, mais d’offrir aussi l’université aux appétits d’intérêts privés en liquidant les diplômes, les UFR, les laboratoires de recherche.

Contre leurs choix barbares

Le monde que l’on nous dessine relève de 1984 d’Orwell : caméras, drones, pensée unique, langage tronqué. Nous sommes dans un pays concrètement en guerre où l’Etat criminalise la jeunesse, la destine à la guerre, la drogue, la précarité et l’ignorance organisée.

Le visage et la vigueur de la jeunesse sont utilisés par l’armée dans des mises en scènes scénarisées où c’est la guerre, et la mort (de nous comme d’autres) qui sont au bout du chemin. 219 jeunes sont ainsi morts en opérations extérieures depuis l’an 2000, pour combien de morts de civils ? Dans les pays où la France intervient ? Hier comme aujourd’hui, « mourir pour la Patrie », c’est mourir pour les marchands de canon, pour aider à maintenir les parts de marché des capitalistes. Pas plus que l’engagement armé au nom d’une religion ne peut être une option, il s’agit d’une forfaiture de plus dans le labyrinthe de la vie. La guerre de civilisations n’est qu’un prétexte. Où est la civilisation quand on vous donne le goût de la barbarie ?

Leur morale n’est pas la nôtre

Le jeune serait coupable du fait de son âge, de sa couleur, de son origine géographique, de ses gouts musicaux ou vestimentaires, de ses orientations sexuelles. La mode est une vaste supercherie qui prétend inventer notre monde, faire de nous des consommateurs en puissance. Chaque style, chaque création est reprise, formatée par des marchands qui dénaturent notre créativité. On nous dit comment nous habiller, comment penser, quoi écouter.

A ceux qui écoutent du métal, on tente d’interdire le Hellfest, au nom de l’ordre moral clérical,

A ceux qui écoutent du rap, on les traite de gangster.

Cet ordre moral, ordonné par les patrons et les curés, se retrouve dans le discours des autorités du Vatican qui appellent les jeunes à la miséricorde (JMJ Cracovie 2016). Il y a deux mille ans, les mêmes déclaraient : « Heureux les humbles en esprit, car le Royaume des cieux est à eux ». Nous ne voulons pas du ciel quand la Terre ne nous appartient pas, quand une caste protégée vole le fruit de notre travail.

De l’ordre moral surgit aussi un code de bonne conduite qui interdit, qui exhorte à ne pas avorter, à ne pas choisir sa vie, comme sa mort. Au bout du compte, ces orientations cléricales ont condamné et condamnent des milliers de jeunes à vivre cachés, à culpabiliser, mais aussi à vivre une vie de misère, d’oppression et d’exploitation.

Nous ne serons pas une génération sacrifiée.

Nous voulons vivre. Vivre libre, vivre pleinement au rythme où on l’entend. La Jeunesse est un court moment de la vie où l’on doit pouvoir profiter, grandir, apprendre, s’émanciper sans avoir à quémander une place. Parce que nous sommes des femmes et des hommes libres, nous faisons le choix de nous organiser, librement, d’ouvrir une discussion avec l’ensemble de la jeunesse pour que nos paroles circulent sans entrave, pour que nos demandes aboutissent sans porte-parole auto-désigné. Nous ne voulons ni curés, ni rabbins, ni imams, ni patrons, ni flics, ni militaires, nous n’avons pas besoin d’être enrôlés.

La liberté est confisquée à la jeunesse. Ensemble, arrachons-la !

Adoptée à l’unanimité