Marc BLONDEL (1938 – 2014)

En 1989, Marc Blondel devient Secrétaire général de FO. Il est élu avec un peu plus de 53% des voix sur une ligne dite de « syndicalisme revendicatif », face à un candidat défendant un syndicalisme dit « d’accompagnement ».
Toute sa vie, en homme libre, il s’est consacré à son Organisation syndicale. Ses attaches politiques et philosophiques ne l’ont jamais détourné du syndicalisme libre et indépendant de FO. Ses convictions syndicales ont toujours pris le dessus. Quel que soit le milieu dans lequel il se trouvait, Il ne pouvait pas se départir de son militantisme syndical. C’est ainsi que devenu, en 2007, Président de la Fédération nationale de la Libre Pensée, il lui arrivait d’associer fréquemment, dans ses éditos de la Raison, des questions sociales à celles de la laïcité.

Il est vrai qu’il n’a jamais conçu son engagement syndical en dehors de la mise en œuvre de tous les principes républicains : Liberté, Egalité, Fraternité et Laïcité. Pas étonnant alors que, régulièrement, durant son mandat de Secrétaire général, les prises de position de FO aient été marquées par des références républicaines. La formule : « Les revendications tout de suite, la République toujours ! », mise en avant lors du premier mai 2002, illustre bien l’empreinte républicaine voulue par Marc Blondel.

Cette empreinte, il l’exercera jusqu’au dernier jour de son mandat de Secrétaire général. Quelques extraits de son intervention lors du congrès de la CGTFO du 2 au 6 février 2004 à Villepinte le démontrent amplement :

« … La laïcité ne concerne pas simplement les questions religieuses, elle relève, d’une manière générale de la présence de l’Etat dans ce qui touche au secteur public et à l’enseignement. En particulier, on fait une loi pour interdire le port du voile à l’Ecole, mais on est prêt à laisser les intérêts industriels prendre en main la conduite de l’enseignement. (…) Oui, je suis contre le port du voile à l’école et opposé à toute présence religieuse dans l’Enseignement public. C’est acté depuis la loi de 1905 de Séparation des Eglises et de l’Etat (…). Mais je constate que c’est la loi Jospin en 1989 qui a permis au Conseil d’Etat de développer une jurisprudence floue, quand les textes d’origine étaient clairs. (Et) je ne crois pas que la loi, que Luc Ferry a concoctée, soit réellement le rempart contre le communautarisme, que je récuse, car contraire à l’égalité républicaine.(…) Cette histoire sur le voile n’est que le faux-nez d’une politique qui vise à laminer l’Enseignement public, à privatiser les enseignements professionnels et universitaires en fonction des besoins des entreprises (…) dans le cadre de la régionalisation. A quand les universités bretonnes, catalanes, champenoises, picardes ? Et donc, des diplômes bretons, catalans, etc. ?
Ce qui est en jeu aujourd’hui, ce sont les diplômes nationaux de qualification, car, selon le MEDEF, ils retardent l’entrée dans la vie active et sont « un facteur de raccourcissement de la durée du travail et d’alourdissement des charges assurées par le budget de l’Etat ».
A la notion de qualification, on préfère la notion vague et subjective de compétence, qui est, bien sûr, à l’appréciation de l’employeur.(…) Tout diplôme qualifiant est une rigidité parce qu’il permet à son titulaire de prétendre à un poste en rapport.
Ce n’est pas un hasard si les conventions collectives qui font référence, dans les embauches, les classifications, à des diplômes ou à des qualifications précises sont revisitées par le patronat dans le sens de l’évaluation, de la validation des compétences, etc. (…) Cette subordination de l’enseignement aux impératifs économiques est aussi une atteinte à la laïcité.
Quand la Commission européenne écrit que « les compétences personnelles liées à l’esprit d’entreprise devraient être enseignées dès le plus jeune âge et jusqu’à l’université »,(…) cela explique tout simplement que, dès le plus jeune âge, le fils de M. Lagardère devait être l’héritier de son père. Voilà ce que cela veut dire !
Mes chers camarades, l’école, l’université, c’est d’abord la formation du citoyen, son instruction débarrassée de tout a priori philosophique, religieux ou économique. Le savoir n’est pas et ne peut pas être une marchandise soumise à la loi de l’offre et de la demande.
Et puis, (…) nous entendons parler de garantir la laïcité dans l’entreprise (…), je ne vous étonnerai certainement pas en vous disant que je n’ai pas confiance dans les conceptions laïques des patrons ! Si un travailleur est un citoyen majeur, qui peut lui demander d’abandonner ses convictions dans l’entreprise ?
Cela ne pourrait-il pas devenir un moyen, au nom d’une conception particulière de la laïcité, d’interdire l’expression syndicale ou, pour le moins, de la limiter ? (…) Soyons prudents, mes chers camarades ! La laïcité à la sauce patronale, ce n’est pas l’interdiction du voile : c’est l’interdiction du tract et de l’expression syndicale ! C’est une façon de contrôler, de limiter le militantisme ! C’est une façon de nous faire taire sur nos opinions ! Dans une usine, dans un bureau, le rapport de travail fait que l’on est sous l’autorité hiérarchique du patron. Le seul contrepoids, c’est le syndicat. Encore faut-il qu’il puisse s’exprimer librement.
On ne peut pas dévoyer la laïcité pour en faire un prétexte à mettre en place le silence syndical et, notamment, à faire taire Force Ouvrière. (…) La laïcité est l’un des fondamentaux de la République. La liberté d’organisation aussi ! (…)»

Dans le titre du livre « Marc Blondel, rebelle, itinéraire d’un militant » tout est dit. Car toutes ses convictions et tous ses engagements se résument par un dénominateur commun : militer pour défendre la classe ouvrière.

Compte tenu de l’environnement dans lequel il a passé son enfance et de sa personnalité, il est destiné à être un militant, un vrai, un militant révolté ! Bien avant que l’on parle d’attitude politiquement correcte et de son avatar syndicalement correct, c’est-à-dire être dans le rang bien sage. Marc Blondel, est de nature anti conformiste et contestataire. Il le restera toute sa vie avec chevillé au corps « Ni Dieu ni César, ni tribun! ».
II est d’ailleurs à 22 ans, le 19 juin 1960, l’un des 350 000 citoyens jureurs du Serment de Vincennes. Resté fidèle à ses convictions et à ses engagements, 50ans après, le 19 juin 2010, il prononcera un discours au même endroit au nom de la FNLP dénonçant avec force, entre autres, les dangers du communautarisme.

De 2007 à 2014, Président de la Libre Pensée, il œuvrera sans cesse pour son développement. Il lui donnera tout son temps, son talent, ses relations, sa culture et aussi beaucoup de sa santé.

La grande cause qui l’anima ses dernières années fut le combat pour la réhabilitation collective des 650 Fusillés pour l’exemple de la guerre de 1914-1918. Cela le prenait aux tripes. Ses grands pères avaient connu la guerre, il vivait cela au fond de sa chair. Ce combat n’était pas désincarné, il le ressentait profondément.

Jean Jayer