En direct avec Giulio Ercolessi, président de la Fédération Humaniste Européenne

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La Libre Pensée : Bonjour, Pourriez-vous présenter aux lecteurs de la Libre Pensée ?

Giulio Ercolessi : Je suis Italien, je vis à Trieste dans le nord de l’Italie (une région de frontière, à l’histoire autant fascinante, bouleversée et sanglante que celle de l’Alsace). Mon engagement politique remonte à 1969 dans les organisations des jeunes du Parti Libéral Italien et du Mouvement Fédéraliste Européen. Il faut dire que les définitions politiques sont toujours trompeuses et très difficiles à traduire d’un contexte politique à l’autre : je suis conscient que le mot libéral a acquis en français, dans les dernières décennies, un sens qu’a probablement peu à faire avec celui qu’il a encore dans autres langues et dans autres contextes (pas du tout néolibéral, je serais plutôt, dès le début, un paléo-libéral-radical).

De toute façon, j’étais actif avec la Ligue pour le Divorce et la Ligue pour l’Abrogation du Concordat. Je suis ensuite entré en contact avec le Parti radical et j’en suis devenu Pemier secrétaire en 1973-74. Depuis je me suis éloigné des partis politiques italiens, mais j’ai toujours été engagé dans des associations laïques et je reste un observateur de la vie politique italienne et européenne à travers de nombreux ouvrages et articles.

J’ai toujours été très sensible à la question de la laïcité et des libertés individuelles. En 2012, j’ai rejoint le conseil d’administration du Forum Libéral européen, l’organisation qui regroupe les centres d’étude et les fondations libéraux européens se référant à l’assez hétéroclite Parti des libéraux européens. En 2013, j’ai été élu au conseil d’administration de la FHE et quand Pierre Galand a achevé son mandat en mai dernier, j’ai été élu à la présidence.

LP : Qu’est-ce que la FHE ?

GE : La Fédération Humaniste Européenne rassemble plus de 60 organisations laïques et humanistes en Europe, issues de plus de 20 pays. Elle porte une voix laïque auprès des institutions européennes et du Parlement européen en particulier. Elle est particulièrement active sur les questions de droits des femmes, à commencer par le droit à l’avortement, de droits des personnes LGBT, de droit à la liberté d’expression et de droits humains en général. Elle est également active au Conseil de l’Europe, à l’OSCE et à l’ONU. Dans toutes ces enceintes, elle se heurte à des organisations religieuses très conservatrices qui tentent d’imposer leur vision sur des questions sensibles comme le droit à la vie, la défense de la famille ou la dignité humaine.

Les organisations qui composent la FHE sont très variées : certaines sont très actives dans le débat politique, d’autres sont plus tournées vers une réflexion philosophique, d’autres enfin offrent des services aux personnes, comme les cérémonies laïques ou le soutien en prison ou dans les hôpitaux. Certaines sont bien sûr actives dans plusieurs domaines. Enfin, certaines sont très grandes avec des moyens importants, d’autres au contraire très petites. Cette diversité n’est pas toujours facile à fédérer, mais fait la richesse de la FHE.

LP : Vous en avez été élu récemment Président, comment voyez-vous votre action ?

GE : Je n’étais pas élu sur un programme de discontinuité avec l’action de mon prédécesseur Pierre Galand. Et les ressources, dont la FHE dispose, ne permettent pas beaucoup d’initiatives plus coûteuses que les activités dans lesquelles nous sommes déjà engagés. De toute façon je pense qu’il y a une question que nous devrions traiter, si possible dans une conférence au niveau européen. Il s’agit de la laïcité comme facteur d’intégration. Dans de nombreux pays d’accueil, l’intégration des migrants, réfugiés et demandeurs d’asile est surtout basée sur le dialogue interreligieux. Comme vous le savez, certains migrants doivent quitter leur pays précisément parce qu’ils ne supportent plus la pression des extrémistes religieux.

C’est le cas des migrants non-croyants, athées, agnostiques et libres penseurs, mais aussi homo, bi et transsexuels. Lorsqu’enfin ils se retrouvent dans nos pays, parfois au sein de milieux à forte concentration immigrée, ils sont considérés comme appartenant à la religion dominante dans leur pays d’origine et très souvent ils ne se sentent pas libres d’affirmer leur laïcité. Nous, nous ne devons pas être timides: nous devons oser affirmer que la laïcité est le meilleur vecteur d’intégration de la diversité. C’est une question de vivre ensemble, mais également de dignité humaine et de liberté individuelle. Notamment lorsque dans certains pays, comme le mien en Italie, l’aide sociale aux migrants passe trop souvent et surtout par les organisations religieuses.

LP : Vous avez été présent au 7ème Congrès de l’Association internationale la Libre Pensée qu’en avez-vous pensé ?

GE : C’est très intéressant et très amical. J’ai été très impressionné par la qualité des échanges. C’est vrai que probablement l’orientation ou la sensibilité politique de l’AILP et de ses organisations est en moyenne assez plus radicale (pourrais-je plus « robespierriste » ?), et plus pessimiste envers les aboutissements possibles ou la nécessité historique de la construction européenne, que celui de la plupart des nos associés, mais j’aime beaucoup rencontrer des laïques de différents pays et d’échanger autour de préoccupations communes, mais aussi sur les contextes nationaux, qui sont parfois très différents d’un pays à l’autre, même en Europe. Et puis c’est toujours un plaisir de venir à Paris.

LP : Comment voyez-vous la coopération nécessaire entre La FHE et l’AILP ?

 

 

GE : Au-delà de nos sensibilités différentes sur les questions européennes, je vois, et j’en suis heureux, que nous nous rejoignons sur les fondamentaux laïques. Sur les questions de la Séparation Eglises/Etats, du droit des femmes, des droits LGBT, de liberté d’expression face aux lois qui pénalisent encore le blasphème ou de liberté de la recherche, je ne vois pas de divergences entre nous. Dans beaucoup de pays, les laïques sont trop divisés, face à des Eglises bien structurée et aujourd’hui souvent même capables de s’allier aux présences religieuses nouvelles, ce qui les renforce. Cela ne veut évidemment pas dire qu’on doit tous marcher derrière une seule bannière, mais j’ai parfois l’impression que les laïques passent trop de temps à discuter entre eux plutôt que de lutter ensemble.

LP : Voulez-vous ajouter quelque chose pour nos lecteurs ?

GE : Je les invite à parcourir le site de la FHE (http://www.humanistfederation.eu) et à nous suivre sur Facebook et Twitter. Et qu’ils n’hésitent pas à nous faire part de leurs encouragements ou de leurs critiques.

Propos recueillis par Christian Eyschen