Après l’étude conduite par l’Agence de la biomédecine (ABM), en janvier 2018, celle réalisée par le Conseil d’État, en juin 2018, et l’avis rendu par le Comité consultatif national d’éthique (CCNE), en septembre 2018, au terme des Etats-généraux consacrés à cette question, la mission d’information de l’Assemblée nationale sur la révision de la loi relative à la bioéthique, présidée par M. Xavier Breton, député Les Républicains du département de l’Ain, vient de déposer son rapport, établi par M. Jean-Louis Touraine, député La République en Marche du département du Rhône et professeur de médecine (immunologie et transplantation d’organes).
Le refus d’examiner la perspective d’introduire un droit à l’aide médicale à mourir
Par principe, alors que des millions de citoyens la demandent, la mission a écarté de son champ d’information l’aide médicale à mourir en faveur des personnes en fin de vie, atteintes d’un mal incurable à l’origine de souffrances physiques et psychiques intolérables. S’ils avaient repoussé la perspective d’introduire dans le droit français la faculté de recourir à cette aide, sans laquelle la liberté de conscience de chacun ne peut s’exercer jusqu’au bout, le CCNE et le Conseil d’État avaient néanmoins examiné cette question. La Fédération nationale de la Libre Pensée (FNLP) regrette fortement que la mission d’information l’ait rejetée sans autre examen.
La reconnaissance du bien-fondé de la demande d’accès des femmes homosexuelles et seules à la procréation médicalement assistée
Enfin, elle condamne les discriminations qu’entraîne le cadre juridique actuel : « Or, pour le rapporteur – comme d’ailleurs pour de nombreuses autres personnes auditionnées –, une partie de la population se voit refuser l’accès à l’AMP comme conséquence de son orientation sexuelle, alors que cet accès est ouvert à d’autres. Cette inégalité de fait apparaît d’autant plus choquante que les techniques d’AMP se voient aujourd’hui proposées à des couples qui ne sont pas véritablement confrontés à une infertilité pathologique. Comment ne pas y voir une certaine forme d’hypocrisie, puisque le critère d’infertilité pathologique est érigé comme verrou indépassable à l’extension de l’AMP alors qu’il est considéré comme étant d’une portée toute relative lorsque l’AMP est sollicitée par un couple hétérosexuel qui ne parvient pas à procréer ? »
Sur le fondement de ces constats que la Libre Pensée n’a cessé de mettre en avant depuis de nombreuses années, la mission préconise d’ « Ouvrir l’accès à l’AMP aux couples de femmes et aux femmes seules. » La Libre Pensée s’en félicite d’autant que le rapport propose en parallèle de « Lever l’interdiction du double don de gamètes », d’ « Autoriser l’autoconservation ovocytaire » et de réformer en conséquence le droit de la filiation : « Le rapporteur est d’avis que la filiation d’intention doit être pleinement considérée à sa juste valeur et prévaloir sur la filiation biologique. C’est d’ailleurs ce qui est d’ores et déjà prévu en matière d’AMP avec tiers donneur pour les couples hétérosexuels, pour la filiation paternelle lorsqu’a eu lieu un don de spermatozoïdes. » Il s’agirait d’introduire dans le Code civil un mode unique d’établissement de la filiation des enfants nés à la suite d’un don de gamètes par une « déclaration anticipée de filiation ».
Le maintien de l’interdiction de la gestation pour autrui
Les avancées préconisées par la mission d’information en matière de procréation médicalement assistée auraient logiquement dû la conduire à recommander la légalisation de la gestation pour autrui (GPA) altruiste, c’est-à-dire étrangère à tout commerce du corps, dont le rapport note qu’elle existait déjà dans l’Antiquité et est actuellement autorisée dans des pays proches : « […] certains pays autorisent la GPA, comme la Grèce, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et le Portugal, le plus souvent sous sa forme dite « altruiste » (que certains qualifient aussi de GPA « éthique »), c’est-à-dire gratuite, alors qu’en l’absence de législation spécifique, d’autres paraissent la tolérer, comme la Belgique ou la République tchèque. » Au nom de la préservation des principes d’indisponibilité du corps et de l’état des personnes institués par le Code civil français, la mission a repoussé l’idée d’autoriser la GPA. La Libre Pensée le regrette fortement, d’autant qu’une GPA altruiste pourrait se concevoir en dehors de toute convention dès lors que l’ABM mettrait en rapport des parents d’intention et des femmes prêtes, sous certaines conditions, à porter un enfant pour le compte d’autrui.
En revanche, la Libre Pensée se félicite, à défaut de reconnaissance de la GPA comme mode légal de procréation médicalement assistée, de la proposition de la mission de donner une filiation en France, en faveur des parents d’intention, aux enfants nés légalement par GPA à l’étranger, soit par la voie de la reconnaissance (article 316 du Code civil), de la possession d’état (article 317 du Code civil), mais surtout d’une modification de l’article 47 du Code civil dont le mot « réalité » serait remplacer par l’expression « réalité juridique au sens du droit local [étranger] ».
La recherche sur l’embryon : des progrès limités
La Libre Pensée l’affirme depuis une décennie, la mission et son rapporteur le reconnaissent aujourd’hui : la recherche, fondamentale comme appliquée, sur l’embryon et les cellules-souches embryonnaires humaines revêt une importance capitale, tant pour l’amélioration des techniques de procréation médicalement assistée que pour les progrès de la connaissance du vivant : « Le rapporteur […] rappelle l’importance de ces recherches au regard des bénéfices qu’elles peuvent apporter à l’embryon lui-même et à l’humanité. Même lorsqu’elles sont « invasives » – et à plus forte raison lorsqu’elles sont observationnelles –, ces recherches n’aboutissent pas systématiquement à la destruction de l’embryon, mais aussi à son transfert à fin de gestation. Elles visent également à améliorer les techniques d’AMP […] Elles bénéficient directement à l’embryon puisqu’elles permettent de sécuriser les conditions de son développement in utero ainsi que sa viabilité […] » Plus loin, le rapport souligne que l’intérêt de la recherche sur l’embryon et les cellules-souches embryonnaires est déterminant pour « l’attractivité » de la recherche en général, mais également « motivé par une finalité médicale : soigner des gens en éliminant des maladies graves dont l’origine est génétique ou en développant la médecine régénérative et la thérapie cellulaire. »
Néanmoins, cette juste analyse débouche sur des mesures limitées. D’une part, le rapporteur recommande de porter, comme au Royaume-Uni, de sept à quatorze jours le délai de culture de l’embryon et la Libre Pensée s’en félicite. D’autre part, le rapport préconise de « Ne plus soumettre à autorisation de l’Agence de la biomédecine les études, impliquant la manipulation de cellules souches embryonnaires, postérieures au protocole princeps précédemment autorisé par l’ABM et directement rattachables à celui-ci. » Ces propositions sont loin de répondre à la nécessaire libération du carcan juridique qui entrave la recherche sur l’embryon et les cellules-souches embryonnaires, dont tous les spécialistes de premier plan se plaignent. La Libre Pensée préconise un simple système de déclaration auprès de l’ABM assorti d’un avis conforme de son conseil d’orientation.
Droit à une aide à mourir !
Autorisation de la GPA altruiste !
Régime de simple déclaration pour les protocoles de recherche sur l’embryon et les cellules-souches embryonnaires !
Telles sont les revendications de la Libre Pensée
Paris, le 1er février 2019