L’éditorial du président
Bioéthique en toc
Un petit proverbe de saison : « En germinal ne te découvre pas d’un poil. En floréal ôte librement tes voiles. » Le printemps est là. Parlons un peu de bioéthique. C’est le sujet clé sur lequel l’Eglise catholique s’affronte à la majorité du peuple. L’Irlande est là pour l’avertir du déclin formidable de son influence. Et pourtant, la France, laïque et républicaine, la subit encore, ce qui est inconcevable.
Aucune évolution de l’Eglise n’est à attendre en ce domaine. L’institution cléricale romaine est incapable de supporter les améliorations que la science, la raison et la conscience sociale peuvent apporter à la vie quotidienne des citoyens. La sexualité, la procréation et la fin de vie sont toujours traitées par le Catholicisme comme sa propriété. Elles sont toujours traitées de manière à maintenir les consciences sous la férule de leur morale médiévale et dépassée. Cela prête à la fois à rire et à s’inquiéter, lorsqu’on confronte les prétentions morales de l’Eglise à la criminelle débauche d’un nombre considérable de prêtres.
Ce qui n’était autrefois que rumeurs de paroisse (mais connues dans presque toutes les paroisses) éclate aujourd’hui au grand jour avec une dimension si gigantesque que le Vatican chancelle sous les accusations d’avoir couvert les agissements de milliers de prêtres pédophiles. Ce n’est pas qu’une explosion fortuite de délinquance, c’est bien une manifestation du caractère particulièrement malsain de la morale chrétienne en matière de sexualité. Injonction de chasteté totale impossible à maintenir chez la plupart des gens normaux, et méfiance extrême envers la femme cause du péché originel et donc de tous les maux. Et cette institution perverse détiendrait les clefs de la morale humaine ? Et elle aurait la prétention d’imposer ses oukases moraux à toute la population ? Il est réjouissant de constater que la population civile s’écarte d’elle, que le nombre de pratiquants ne cesse de décroître, que la crise des vocations ne se dément pas.
Et cependant, grâce à ses infiltrations dans tous les milieux et à l’action de politiciens d’inspiration cléricale, l’Eglise continue à freiner la progression des libertés dans les domaines de la sexualité, de la procréation et de la fin de vie.
La loi dite de bioéthique de 2011 est en cours de révision. Dans le cadre du débat organisé par le gouvernement sous forme d’états-généraux, nous avons été reçus par le Comité Consultatif National d’Ethique pour les Sciences de la Vie et de la santé dont les responsables ont écouté nos propositions avec attention. Après cela, nous avons pris connaissance de l’avis sorti par cette institution, et nous avons publié un communiqué intitulé « Un Comité National d’Ethique bien timide » (La raison n°637, Janvier 2019). L’avis du comité ouvrait quelques perspectives positives, mais restait bloqué sur plusieurs questions essentielles comme l’ouverture de l’Aide Médicale à la Procréation à toutes les femmes (célibataires et homosexuelles comprises), la Gestation pour autrui et la libération complète de la recherche sur les stades précoces de l’embryon humain et les cellules souches embryonnaires.
Vous lirez, en pages 34 et 35 notre analyse sur le dernier avatar en date des travaux parlementaires préalables à la révision de la loi. La Mission d’Information de l’Assemblée Nationale sur la révision des lois bioéthiques vient de rendre son rapport. Notons tout de suite que, reflet des majorités parlementaires, la composition de la Mission d’Information était massivement marquée par les députés LREM et LR. Si ses propositions marquent quelques avancées, même par rapport à l’avis du CCNE concernant l’AMP, elle confirme une totale fermeture et sur une loi de fin de vie, et sur l’interdiction totale de la Gestation Pour Autrui, et sur le carcan juridique entourant la recherche sur l’embryon humain. Ces réticences font directement écho à la campagne effrénée de l’Eglise, hostile à toute avancée dans ces trois domaines. Et quant aux quelques avancées dont nous soulignons le caractère positif, si elles étaient adoptées, que deviendront-elles après débat parlementaire ? Nous verrons.
Les suppôts du Vatican n’ont malheureusement pas joué toutes leurs cartes. Gageons qu’ils en conservent dans la manche et qu’il faudra, encore et toujours, combattre, avec nos associations amies comme l’ADMD, pour l’indispensable ouverture des libertés individuelles. La laïcité implique que les obscurantismes religieux ne fassent pas la loi.
Jean-Sébastien Pierre,
Président de la Libre Pensée